(Montréal) Riposter aux manifestations contre le port obligatoire du couvre-visage représente un défi pour les autorités qui doivent à la fois livrer des messages clairs et garder la confiance de la population, reconnaissent des experts consultés par La Presse Canadienne.

Selon Maya Goldenberg, professeure agrégée de philosophie de l’Université York, en Ontario, l’opposition au port du masque est probablement le symbole d’une plus grande incertitude sur ce que réserve la pandémie de COVID-19 à la population.

« Cela devient quelque chose dans laquelle on peut dépenser son énergie, comme un moyen de manifester une sorte de mécontentement général sur la situation actuelle et comment les choses pourraient se dérouler », affirme Mme Goldenberg, dont la recherche porte sur les croyances en santé.

Elle ajoute que ceux qui mettent en doute les directives des autorités de la santé publique et les déclarations de la communauté scientifique sur l’efficacité du couvre-visage ou des vaccins ont une « méfiance plus grande » à l’égard du système dans son ensemble.

PHOTO ERICK LABBE, ARCHIVES LE SOLEIL

Manifestation devant le Parlement de Québec, le 26 juillet 2020

Le président de l’Institut sur la gouvernance d’Ottawa, Toby Fyfe, partage cette analyse.

« Ce que l’on voit avec les masques manifeste en quelque sorte un mécontentement plus large et un manque de foi ou de confiance en ceux qui nous disent ce qu’ils pensent que nous devrions faire », observe-t-il.

M. Fyfe reconnaît que la remise en question de l’autorité gouvernementale n’est pas un phénomène nouveau. Lui-même se rappelle les manifestations contre le port obligatoire de la ceinture de sécurité.

Selon lui, l’opposition actuelle est exacerbée par les médiaux sociaux qui permettent aux individus d’en trouver d’autres qui partagent leurs opinions.

Cette méfiance peut expliquer la popularité de personnalités venues hors du sérail comme le président américain Donald Trump ou la propagation rapide de désinformation et de théories du complot.

Par exemple, on peut souvent apercevoir au cours des récentes manifestations contre le port du masque des drapeaux pro-Trump et de nouvelles affiches faisant la promotion du mouvement complotiste QAnon.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Manifestation devant le Parlement de Québec, le 15 septembre

Marge étroite

La marge de manœuvre des autorités est étroite. Elles veulent unir la population dans la lutte à la pandémie, qui semble avoir trouvé un second souffle. À ceux qui demandaient s’il comptait intervenir contre les manifestants antimasques, le premier ministre François Legault répondait : « Est-ce qu’on veut faire des martyrs, entre guillemets, de ces personnes-là ? »

Son intention est de continuer à tolérer les manifestations, à moins qu’elles ne commencent à affecter la santé publique.

Mme Goldenberg n’est pas convaincue que les récentes manifestations démontrent une érosion de la confiance de la population envers le gouvernement.

Elle reconnaît toutefois qu’il peut être difficile pour les dirigeants de traiter des manifestations en tentant de rectifier la désinformation sans attirer trop les regards sur ceux qui la diffusent.

L’universitaire dit aussi qu’il peut être difficile de transmettre des messages clairs et cohérents sur la pandémie à cause de l’évolution de la recherche scientifique.

Ainsi, au début, les autorités québécoises ne recommandaient pas le port du couvre-visage au début de la pandémie, avant de se réviser à ce sujet.

Pour Mme Goldenberg, le meilleur moyen de maintenir la confiance de la population est de continuer à lui parler de manière claire et compétente, d’admettre que des erreurs ont été commises et de reconnaître que la recherche n’apporte pas une réponse claire à un sujet donné.

« L’honnêteté est généralement le meilleur moyen », dit-elle.