Alors que les élèves et les enseignants regagnent leur école pour une rentrée hors de l’ordinaire, les experts affirment qu’une augmentation du dépistage pourrait contribuer à rassurer les parents et permettre une transition plus sécuritaire vers les salles de classe.

Et pour effectuer un grand nombre potentiel de tests, certains épidémiologistes suggèrent d’adopter le « dépistage sur mélanges d’échantillons », ou « tests groupés », qui consiste à tester ensemble plusieurs échantillons pris sur écouvillon nasal — disons six ou huit. Si l’on détecte le virus dans un groupe d’échantillons, on teste ensuite chacun d’entre eux pour trouver le « coupable ». Mais si l’on ne détecte pas le virus dans tout le groupe, on aura économisé beaucoup de temps.

Colin Furness, professeur adjoint à l’Université de Toronto, envisage un scénario idéal où les enseignants seraient testés deux fois par semaine. Or, en Ontario, qui compte environ 160 000 enseignants, les laboratoires devraient traiter plus de 300 000 tests chaque semaine — uniquement sur les enseignants. Ce qui ne serait pas possible, à moins de miser justement sur l’effet multiplicateur du dépistage sur mélanges d’échantillons, soutient le professeur Furness.

Le mélange pourrait théoriquement inclure un groupe d’enseignants d’une même école, ou des élèves et des enseignants d’une même cohorte — le professeur suggère six échantillons par groupe. Cette méthode est assez efficace lorsqu’on ne s’attend pas à trouver de nombreux cas de COVID-19, précise le professeur Furness. Il estime que les tests groupés pourraient théoriquement contribuer à faire face à une petite éclosion avant qu’elle ne devienne incontrôlable dans un milieu scolaire, en prélevant des échantillons d’une classe ou d’une cohorte entière.

L’épidémiologiste Cynthia Carr, de Winnipeg, ajoute que les tests groupés peuvent aussi être moins chers, car les laboratoires utilisent moins de réactifs, ce produit chimique, assez coûteux, qui détecte le virus sur l’écouvillon — et qu’on s’arrachait au début de la pandémie.

Par contre, cette méthode peut diluer les échantillons, ce qui pourrait conduire à de faux négatifs, a ajouté la professeure Carr. Des recherches supplémentaires peuvent être nécessaires pour déterminer le nombre exact d’échantillons qu’on pourrait mélanger dans un groupe sans affecter la fiabilité du dépistage.

Les stratégies de dépistage varient d’une province à l’autre. La Colombie-Britannique n’écarte pas le dépistage sur mélanges si l’approvisionnement en réactifs devient problématique. Santé publique Ontario a indiqué dans un courriel que les tests groupés sont actuellement « validés et examinés par plusieurs laboratoires ». L’Alberta, quant à elle, a lancé un projet pilote le mois dernier sur un petit nombre d’échantillons provenant de patients asymptomatiques.

Pendant ce temps, les responsables de l’éducation et de la santé font l’objet de pressions pour mettre en œuvre des protocoles de dépistage qui permettraient de suivre les éclosions dans les écoles. Au Québec, la Fédération autonome de l’enseignement, qui représente près de 49 000 enseignants, a annoncé mercredi qu’elle s’adressera à la Cour supérieure pour que le gouvernement mette en place un mécanisme de dépistage accéléré et efficace de la COVID-19 dans le réseau scolaire.

Utiliser les tests groupés comme un « moniteur continu » d’une cohorte d’école ou de salle de classe est délicat, précise Mme Carr, car il faudrait une autorisation parentale et beaucoup de ressources pour collecter autant de prélèvements sur une base régulière. « Nous devons être prudents : ça ne voudrait pas dire de remplacer la distanciation physique ou baisser la garde. Mais ce serait un ajout potentiel pour connaître la prévalence du virus dans une population. »

Cette méthode n’est pas nouvelle, rappellent Mme Carr et M. Furness : elle a été utilisée efficacement dans le passé pour détecter le VIH et d’autres virus.