(Québec) Téléchargeriez-vous une application permettant de retracer vos interactions des 14 derniers jours grâce à la technologie Bluetooth de votre téléphone ?

C’est ce sur quoi la Commission des institutions se penchera dès mercredi, à l’Assemblée nationale.

Trois journées de consultations publiques sont prévues pour peser le pour et le contre des nouveaux outils technologiques qui serviraient à lutter contre la COVID-19.

Le 31 juillet dernier, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lançait l’application gratuite « Alerte-COVID », qui est pour l’instant uniquement liée au système de santé de l’Ontario.

L’application — qui ne sera réellement utile que lorsque la majorité des Canadiens y auront adhéré — notifie l’utilisateur qui se serait trouvé à proximité d’un autre utilisateur ayant reçu un résultat positif à la COVID-19.

Les personnes notifiées n’obtiennent aucune information sur le téléphone intelligent à l’origine de la notification, ni sur son propriétaire.

Cet outil ne recueille pas les renseignements personnels tels que les noms, les adresses ou la géolocalisation, a souligné le premier ministre Trudeau.

Québec en réflexion

Le gouvernement Legault avait rejeté en mai une motion de Québec solidaire (QS) lui demandant de faire un débat public et transparent sur les applications de traçage.

Il a finalement convenu de tenir une consultation publique en ligne du 8 juillet au 2 août, puis une commission parlementaire réunissant des experts cette semaine. Il entend aussi commander des sondages d’opinion.

« Ça permet ce que j’appelle, moi, une triangulation, qui va nous dire exactement […] si oui ou non il y a un appétit », a déclaré en entrevue le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire.

Le gouvernement du Québec ne s’en cache pas ; il souhaite offrir une application de notification de contacts dès la mi-septembre, mais assure qu’aucune décision n’a été prise.

Le ministre Caire aimerait que l’application soit gratuite, anonyme et installée sur une base volontaire. Elle fonctionnerait sans géolocalisation ni reconnaissance faciale, assure-t-il.

Dans l’éventualité où les Québécois et les experts appuieraient le gouvernement dans sa démarche, « est-ce que c’est plus intéressant d’embarquer dans le programme du fédéral ? Est-ce que de notre côté, on a une expertise locale qui nous permettrait de développer un outil plus performant, plus adapté ? », s’interroge M. Caire.

Risques

Mais attention, prévient le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, car ce genre d’outil soulève d’importants enjeux éthiques et de sécurité.

Il rappelle que l’ensemble des clients de Desjardins se sont fait dérober leurs renseignements personnels en 2019. « C’est le monde dans lequel on vit », a-t-il souligné en entrevue.

Gabriel Nadeau-Dubois estime que si seulement 15 % des Québécois utilisent l’application, elle ne servira à rien. « Dans ce cas-là, on se retrouve dans une situation où on a de grands risques pour la vie privée et très peu d’avantages sur le plan de la santé publique », insiste-t-il.

« On nous fait des promesses que ça va aider la lutte contre la pandémie, mais ce sont des promesses qui sont hypothétiques, alors que les risques pour la vie privée, eux, sont bien réels et bien documentés. »

Shopify absent

Shopify, qui a développé l’application fédérale, ne participera pas à la commission parlementaire à Québec cette semaine, déplore également M. Nadeau-Dubois.

En revanche, l’Institut québécois d’intelligence artificielle (MILA), des professeurs d’université, des experts en sécurité informatique, la Ligue des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et la Commission d’accès à l’information seront présents à l’Assemblée nationale.