Ils sont amoureux, mais pas mariés, et la pandémie les empêche de se retrouver. Des couples binationaux non mariés pressent le gouvernement Trudeau d’assouplir les restrictions de voyage pour leur permettre de réunir leur famille. Pendant qu’une manifestation doit avoir lieu samedi à Montréal, Ottawa refuse pour l’instant de se prononcer.

« C’est vraiment une situation injuste. On ne s’aime pas moins parce qu’on n’est pas mariés. Au début du confinement, on comprenait, mais là, ça commence à faire mal. Tout ça est très anxiogène », témoigne Catherine Gignac, qui n’a pas vu son copain, natif de la Corse, depuis des mois.

PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE GIGNAC

Catherine Gignac déplore le fait qu’en raison des restrictions de voyage imposées par Ottawa, n’ait pas vu son copain, natif de la Corse, depuis des mois.

Selon la Montréalaise, les autorités ne prennent pas du tout l’enjeu au sérieux. Au Canada, seuls les couples mariés ou les conjoints de fait peuvent se retrouver s’ils sont séparés. « On n’a jamais de vraie réponse à nos inquiétudes, alors qu’on envoie des messages aux députés depuis 11 semaines. Il y a des femmes qui attendent un bébé dont le père ne peut même pas rentrer », illustre-t-elle.

On vire fous, parce qu’on n’a pas de dates. On n’entend rien, il ne se passe rien. J’ai du mal à me concentrer sur autre chose. Ça en devient aliénant.

Catherine Gignac

Des centaines de personnes sont attendues à Montréal ce samedi, dès midi, devant les bureaux d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, rue Saint-Antoine Ouest, pour faire pression sur le gouvernement. « Notre santé mentale en dépend », lit-on sur la page Facebook de l’évènement.

Appels à imiter l’Europe

Sur le Vieux Continent, sept pays ont déjà agi à ce chapitre. Le Danemark, la Norvège, la Suisse, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Islande et la République tchèque ont tous déjà permis l’entrée des partenaires non mariés des citoyens ou des résidents européens.

« C’est exactement ça qu’on demande », lance Andrea Pelaez Reategui, Péruvienne d’origine qui est citoyenne canadienne. Son copain, aussi originaire du Pérou, est résident américain. Ils ne se sont pas vus depuis le 17 mars. « Je me sens comme si ma relation était moins importante, parce que je n’ai pas de papier signé. C’est vraiment frustrant », déplore-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR ANDREA PELAEZ REATEGUI

Andrea Pelaez Reategui, Péruvienne d’origine qui est citoyenne canadienne, et son copain, aussi originaire du Pérou, ne se sont pas vus depuis le 17 mars.

Vendredi, la Commission européenne a appelé tous ses États membres à permettre le rapatriement des couples binationaux non mariés. Sur les réseaux sociaux, des milliers de couples ont fait connaître leur indignation au moyen du mot-clic #LoveIsNotTourism.

Pierre-Yves Léger, lui, n’a pas vu sa conjointe, Daniela, qui vit en Argentine, depuis février. Le couple devait se marier chez elle, à Buenos Aires, en avril. Mais malgré plusieurs démarches auprès de l’ambassade, ils n’ont jamais été en mesure de se rejoindre.

Il va falloir réviser nos façons de faire. Notre seul espoir en ce moment, c’est que la quarantaine soit levée. C’est très difficile à vivre.

Pierre-Yves Léger

De son côté, Esther Matte est consciente qu’elle a eu plus de chance que la moyenne. Son conjoint étant islandais, elle a été en mesure de le rejoindre dans son pays natal. Ils s’y sont mariés, avant de rentrer au Canada quelques semaines plus tard, le temps de réunir tous les documents nécessaires.

« C’est incroyable qu’on soit dans une situation où un papier change la donne, explique la principale intéressée. On se croirait en 1950. Ça n’a aucun sens. On se sent presque comme des citoyens de seconde classe. »

PHOTO FOURNIE PAR ESTHER MATTE

Esther Matte est récemment allée rejoindre son conjoint en Islande. Ils s’y sont mariés, avant de rentrer au Canada quelques semaines plus tard, le temps de réunir tous les documents nécessaires.

Plan et mesures proposées

Fondateur du regroupement Plaidoyer pour le regroupement familial à la frontière canadienne, David Poon se veut clair : son objectif n’est pas de laisser entrer qui veut au Canada. « Nous ne demandons pas d’ouvrir les frontières, nous demandons juste d’être ensemble », illustre-t-il.

Des mesures simples peuvent être implantées, dit le médecin. « Quand nos conjoints arrivent, les Canadiens pourraient signer des contrats qui les rendent légalement responsables de faire respecter la quarantaine et toutes les règles sanitaires, sous peine d’emprisonnement ou d’amendes », renchérit-il.

Selon lui, les couples LGBTQ+ et les jeunes adultes sont « largement défavorisés » par les mesures de restriction. « Si sa grand-mère est malade au Québec, un jeune Américain ne peut pas rentrer prendre soin d’elle. Pendant ce temps, les joueurs de la LNH, eux, peuvent le faire », dénonce M. Poon.

Ottawa affirme être à l’écoute

Joint par La Presse, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dit continuer de travailler pour « trouver des moyens novateurs et compatissants de réunir les familles », au quotidien.

« Nous comprenons les difficultés auxquelles font face les familles et nous cherchons des moyens d’aider davantage de familles à rester ensemble tout en assurant la santé et la sécurité des Canadiens », affirme sa porte-parole Nancy Caron.

Celle-ci affirme que, malgré les restrictions, le Ministère a déjà trouvé certains compromis. Elle cite notamment l’annonce du ministre Marco Mendicino, au début de juin, sur l’exemption accordée aux membres de la « famille immédiate » des citoyens canadiens et des résidents permanents. Le Ministère affirme également qu’il continuera de traiter toutes les demandes de parrainage familial, malgré des ressources limitées.