Le président des États-Unis, Donald Trump, a affirmé en début de semaine dernière qu’il espérait qu’un vaccin contre la COVID-19 serait offert avant la fin de l’année. Il s’agirait d’une bouffée d’oxygène inespérée pour sa campagne présidentielle. Mais où en est exactement la recherche sur ces vaccins ?

Frédéric Ors, PDG de la société pharmaceutique IMV, de Québec, suit de près la course aux vaccins contre la COVID-19. « Nous pensons pouvoir lancer un essai clinique pour notre propre vaccin d’ici la fin de l’été, dit M. Ors. Mais nous surveillons tout le monde, pour voir s’il y a des informations pertinentes pour nous. Tout le monde a des approches et des résultats différents. »

Les trois pharmaceutiques qui ont annoncé les résultats les plus avancés, CanSino, de Chine, Moderna, des États-Unis, et une équipe de l’Université d’Oxford, en Angleterre, ont en commun de miser sur une nouvelle technologie.

« Dans le cas de CanSino et d’Oxford, les chercheurs utilisent un autre virus pour transporter une molécule du SARS-CoV-2 », le coronavirus responsable de la COVID-19, dit M. Ors. « Pour Moderna, c’est un vaccin ARN. »

Un vaccin ARN consiste à exposer les cellules d’un patient à une portion du code génétique ARN d’un virus, ici le SARS-CoV-2, pour qu’elles fabriquent la molécule correspondante à l’ARN. Ensuite, le système immunitaire du patient va reconnaître comme étrangère cette molécule synthétisée par le patient et va développer des anticorps contre le virus. Le grand avantage de cette approche est que le vaccin peut être fabriqué relativement facilement par des milliers de laboratoires partout sur la planète.

Un autre des groupes au premier plan du développement d’un vaccin, une collaboration entre la société allemande de vaccins oncologiques BioNTech et le géant pharmaceutique Pfizer, mise aussi sur un vaccin ARN. Il y a 10 jours, les États-Unis ont annoncé l’achat – si les essais cliniques étaient couronnés de succès – de 100 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech au prix de 1,95 milliard US, avec une option pour 500 millions d’autres doses.

Miser sur le rhume

L’approche par « vecteur » de CanSino et d’Oxford utilise un adénovirus responsable du rhume pour transporter une molécule située sur le SARS-CoV-2. Le premier problème est que les patients pourraient déjà être immunisés contre l’adénovirus utilisé comme vecteur, et donc pourraient neutraliser le vaccin avant qu’il n’ait eu le temps de susciter une réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2. Le second problème est que le vecteur ne pourra pas être réutilisé pour un autre vaccin si le SARS-CoV-2 mute d’année en année, comme le virus de la grippe. CanSino utilise un adénovirus qui circule peu, alors qu’Oxford utilise un adénovirus de singe.

On voit des problèmes d’immunité contre l’adénovirus dans les données de CanSino. Et avec un vecteur, on ne peut pas donner deux doses.

Frédéric Ors, PDG de la société pharmaceutique IMV

Deux autres sociétés dont les travaux sont relativement avancés, Sinovac de Chine et Medicago de Québec, utilisent des technologies de vaccins éprouvées, au développement plus lent et à la production massive plus difficile à réaliser. Medicago contourne le problème de la production avec une technologie de production du virus dans des plantes, dont le succès est relativement sûr, même si aucun vaccin n’est en ce moment produit dans des plantes. Medicago, qui est en attente d’approbation finale d’un vaccin antigrippal produit par des plantes, a recruté 100 des 180 participants à son essai clinique de vaccin COVID-19, et prévoit avoir des données en octobre.

Personnes âgées

L’une des grandes inconnues pour le moment est l’effet du vaccin sur les personnes âgées, selon M. Ors. « C’est la population normalement la plus difficile à vacciner de manière efficace, et la plus touchée par la COVID-19. S’il y a des différences d’efficacité des vaccins, c’est chez les personnes âgées qu’elles se verront le plus. Moderna est censée avoir des données pour les personnes âgées, mais ne les a pas encore publiées. La seule à l’avoir fait est CanSino, mais leur efficacité est moins bonne. » IMV utilise une technologie permettant d’inoculer le vaccin dans un endroit du corps humain où la réponse immunitaire est plus facile à susciter et a eu des résultats spectaculaires en laboratoire avec un autre virus respiratoire, chez les 50 à 65 ans.

La difficulté de susciter une réponse immunitaire assez grande chez les personnes âgées peut être contournée avec l’utilisation d’un « adjuvant » qui augmente la réaction immunitaire au vaccin. Medicago utilisera un adjuvant du géant pharmaceutique GSK.

Chiffres

160 : nombre de vaccins contre la COVID-19 en développement dans le monde

21 : nombre de vaccins contre la COVID-19 qui faisaient l’objet d’essais cliniques au début de juillet

90 % des projets de vaccins ciblent la molécule de pointe (spike) du SARS-CoV-2, qui permet au coronavirus d’entrer dans la cellule humaine

Sources : Wired, IMV