Montréal figure parmi les villes les plus touchées par la pandémie de COVID-19 en Occident, confirment de nouvelles données de surmortalité parues cette semaine. À la mi-avril, au plus fort de la crise, on y a notamment enregistré trois fois plus de morts qu’à la normale. Si la situation de Montréal a été moins catastrophique que celle de Madrid, en Espagne, elle est toutefois pire que celle de Milan, dans le nord de l’Italie.

Dans la semaine du 19 avril, la région de Montréal – comprenant Laval – a totalisé 1000 morts, toutes causes confondues. C’est un bond significatif de 196 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, qui était de 340 pour la même période. Idem pour la semaine suivante, alors que 1010 personnes ont perdu la vie, contre 348 entre 2015 et 2019.

De la mi-mars à la mi-juin, alors que la métropole québécoise rapportait des milliers de cas de COVID-19, le nombre de morts a pratiquement doublé par rapport à la moyenne, passant de 4092 à 8005 morts signalées. C’est ce que soulignent des données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui ont été actualisées jeudi. On y apprend notamment que Montréal a cumulé une surmortalité importante pendant une dizaine de semaines, entre mars et juin, avant de progressivement retrouver un seuil « normal » de morts.

« Un pic de cette ampleur-là, d’aussi loin que je me souvienne, ça ne s’était pas vu. On est vraiment devant une situation exceptionnelle, à trois fois plus qu’une année moyenne, indique la démographe de l’ISQ, Chantal Girard. Montréal a vraiment eu plusieurs semaines avec un nombre de morts beaucoup plus élevé que la normale. »

On se pose encore des questions sur l’évolution future de la courbe. Avec le temps, on pourra notamment déterminer si ces morts allaient se produire à court terme, comme les morts s’observent surtout chez les groupes plus âgés.

Chantal Girard, démographe à l’Institut de la statistique du Québec

Les secteurs des Laurentides, de Lanaudière et de la Montérégie ont aussi enregistré une hausse de la surmortalité pendant cette période. Si la situation était revenue à la normale à la mi-juin à Montréal, ces régions voisines, elles, continuaient néanmoins à enregistrer une surmortalité frisant les 20 % par rapport aux cinq dernières années.

Quelles comparaisons avec l’Europe ?

Ces données permettent de constater que Montréal a affiché une surmortalité plus élevée que plusieurs villes européennes. Milan, l’une des plus touchées en Italie, a notamment atteint une surmortalité de 149 % à son pic.

La métropole québécoise n’est toutefois pas la pire. À Madrid, par exemple, la pandémie a frappé beaucoup plus durement. Selon des données compilées par l’Office for National Statistics (ONS), l’agence statistique du Royaume-Uni, la surmortalité a atteint 432 % à la fin de mars. À l’échelle de l’Espagne, on estime que le surcroît de mortalité a atteint 155 % pendant la semaine du 30 mars, Barcelone ayant été aussi durement touchée.

Expert en virologie, Benoit Barbeau rappelle que ces données permettent d’apprécier la force d’un système de santé. « En Italie et en Espagne, on voit qu’ils ont eu beaucoup de difficultés au niveau régional, parce qu’ils ont été surchargés en nombre de cas. C’est moins le cas de l’Allemagne, qui était préparée et qui avait l’équipement nécessaire un peu partout. Au Québec, on se situe à peu près entre les deux », observe-t-il.

Un rapport publié mercredi par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), agence statistique de la France, montre que l’Hexagone a aussi connu un bond important de ses morts. Dans la région de Paris, on a enregistré une hausse de 152 % des morts à la fin de mars. En Belgique, Bruxelles surpassait les 200 % la semaine suivante, tandis que Londres frisait les 227 %.

Entre le 2 mars et le 26 avril, « 84 % de la surmortalité dans les 21 pays d’Europe considérés est attribuable à l’Espagne, à l’Italie et à la France », soulignent les chercheurs de l’INSEE. D’après eux, ce sont les hommes (+ 7 %) qui ont davantage été touchés que les femmes (+ 3 %) par cette vague de morts, du moins au plus fort de la pandémie.

À quand un vrai taux de mortalité ?

Selon le spécialiste en sciences biologiques de l’UQAM Denis Archambault, ces chiffres démontrent hors de tout doute que la COVID-19 a frappé fort. « La différence importance qu’on voit dans ces chiffres laisse croire que ça a eu un impact majeur », explique-t-il. Mais surtout, les analyses démontrent que la situation des personnes âgées est très préoccupante dans le réseau de la santé québécois.

La leçon est claire : on sait où et qui protéger maintenant, où mettre les efforts. Visiblement, ce qu’on a appris de cette pandémie, c’est que les CHSLD et les résidences […] sont passés à tabac.

Denis Archambault, expert en sciences biologiques

Pour autant, calculer le taux de mortalité réel de la COVID-19 prendra du temps, rappelle l’expert. « On ne peut pas le savoir à brûle-pourpoint, parce qu’il y a probablement cinq ou six asymptomatiques pour un cas déclaré positif. Ça prendra un test d’anticorps fiable avant de le savoir, ce qui prendra au moins un ou deux ans », remarque-t-il.