Des chercheurs d’Héma-Québec ont confirmé des observations faites dans une dizaine de pays : certains patients infectés par le SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19, perdent rapidement leurs anticorps. Cela pourrait signifier qu’un autre mécanisme du système immunitaire joue un rôle important dans la protection contre la maladie.

L’étude d’Héma-Québec portait sur des donneurs de plasma de convalescent, qui ont eu un test positif de COVID-19, mais ont guéri ou n’ont pas été malades. Le plasma de convalescent est actuellement testé à Montréal et ailleurs dans le monde comme traitement contre la COVID-19.

« Nous avons analysé les échantillons de 15 donneurs qui ont fait entre quatre et neuf dons sur plusieurs mois », explique Renée Bazin, directrice de l’innovation à Héma-Québec et auteure principale de l’étude publiée cette semaine sur le site de prépublication scientifique bioRxiv. « La quantité d’anticorps diminuait rapidement, et dans deux des cas, il n’y avait pas d’anticorps détectables à la fin. »

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Renée Bazin, directrice de l’innovation à Héma-Québec

Ces 15 patients, qui appartiennent à une cohorte de 282 donneurs faisant partie de l’étude clinique CONCOR-1 sur le plasma convalescent, avaient tous comme point commun de ne pas avoir été très malades. Aucune corrélation avec l’âge, le sexe ou les antécédents médicaux n’a pu être observée.

Selon Mme Bazin, ces résultats sont compatibles avec l’hypothèse d’une « immunité croisée », générée par des coronavirus responsables des rhumes. Cette immunité croisée impliquerait peu ou pas les anticorps, principal soldat du système immunitaire, mais plutôt des « lymphocytes T auxiliaires », aussi appelés TCD4, cellules du système immunitaire qui organisent l’activité des anticorps. Les TCD4 ont aussi une petite activité antivirale.

Cette immunité croisée pourrait faire en sorte qu’un patient asymptomatique guérisse de la COVID-19 sans développer d’anticorps. Cela pourrait expliquer pourquoi les études sérologiques (sanguines) réalisées jusqu’à maintenant montrent qu’une très faible proportion de la population a des anticorps contre le SARS-CoV-2, par exemple 5,5 % à la mi-mai aux Pays-Bas.

Réactivité des TCD4

L’hypothèse d’un rôle des TCD4 dans la réponse anti-COVID-19 a été directement observée en Suède. Elle se base aussi sur des études portant sur la pandémie de grippe H1N1 en 2009 : les adultes d’un certain âge avaient moins de symptômes parce qu’une souche H1N1 avait circulé jusqu’en 1950, 60 ans avant la pandémie de H1N1.

« Un collègue me rapportait récemment une conversation avec un chercheur suédois, qui disait que là-bas, on ne teste plus seulement la présence d’anticorps, mais une activité des lymphocytes T auxiliaires », dit Mme Bazin.

Héma-Québec a-t-elle le projet de tester la réactivité des TCD4 face à la COVID-19 ? « Pas pour le moment, dit Mme Bazin. Nous nous concentrons sur les tests sérologiques d’anticorps. Mais ça pourrait être envisagé éventuellement. »