(Laval) Une jeune femme a asséné un coup de poing au visage d’une sexagénaire qui lui demandait de respecter la distanciation de deux mètres, samedi dernier, dans un dépanneur Couche-Tard de Laval.

Louise Forget est sous le choc, encore ébranlée par les évènements survenus quelques jours plus tôt. Son mari est atteint de leucémie et depuis le début de la pandémie, le couple redouble de prudence pour ne pas contracter la maladie.

« Mon mari ne va dans aucun commerce. Je fais toutes les courses : la pharmacie, IGA, la boucherie et le dépanneur une fois par semaine. À part ça, je ne sors pas », raconte la femme de 66 ans.

Samedi dernier, vers 11 h, elle s’est rendue au dépanneur Couche-Tard du boulevard Curé-Labelle, notamment pour acheter des billets de loterie. Pendant qu’elle attendait que la caissière valide lesdits billets, une deuxième cliente, qui attendait son tour pour payer une sloche, s’est impatientée.

« Elle a voulu payer avant que j’aie fini et elle s’est approchée à deux pieds de moi pour donner son argent. Je lui ai dit : “Excuse, mais il faut que tu recules.” J’ai vraiment pris la peine de rester polie et de ne pas dire : “Eille, dégage !” Mais elle m’a regardée sans reculer, et je lui ai dit : “Non, tu es trop proche de moi” », raconte Mme Forget, qui ajoute s’être ensuite tournée vers la caissière en disant, découragée : « On ne s’en sortira jamais. » C’est à ce moment que la cliente aurait disjoncté.

Elle m’a dit : “Ferme ta gueule, criss de bitch”, puis elle s’est avancée sur moi en hurlant quelque chose que je n’ai pas compris et m’a donné un coup de poing sur la mâchoire. Elle a pris l’étui dans lequel je mets ma loterie, elle a éparpillé les billets par terre et elle est sortie.

Louise Forget

Selon Mme Forget, femme mince de taille moyenne, son agresseuse était « pas mal plus grande et grosse » qu’elle et semblait avoir entre 25 et 30 ans. Elle a pris la fuite à bord d’un camion VUS Audi blanc. La police a été appelée sur les lieux.

Mme Forget respecte les consignes de la Santé publique à la lettre et aimerait que tous en fassent autant, ou, à tout le moins, qu’ils respectent ses limites personnelles sans rouler des yeux ou, pire encore, la toucher. Le jugement et l’impatience, ce n’est pas la première fois qu’elle le sent et l’observe.

« Je ne pense même pas qu’elle voulait tant me faire mal. On dirait que c’était plus dire : “Arrête de freaker, tu vas voir, je vais te toucher.” Comme si c’était nous, les “freaks”, parce qu’on veut faire attention », pense la femme, qui portait un masque, comme elle a pris l’habitude de le faire en public depuis plusieurs semaines.

« Mon mari a la leucémie. Si je deviens porteuse et que je lui transmets ça… », entame-t-elle, avant de s’interrompre, la voix brisée par l’émotion.

Pour une sloche, il pourrait l’attraper et il pourrait en mourir ! C’est tellement égoïste, c’est tellement… Ça fait deux jours, et dès que j’y pense, les larmes me montent.

Louise Forget

Trois employés étaient sur place lors des évènements. La chaîne Couche-Tard a précisé qu’elle « collaborait pleinement à l’enquête en cours ». Une caméra de surveillance a capté la scène sur vidéo, et le Service de police de Laval (SPL) a ouvert une enquête. S’il y a une arrestation, la fautive pourrait être accusée de voies de fait.

« Il n’y a pas eu d’arrestation encore. Il doit y avoir des démarches d’enquête. Mais ce que Madame raconte, c’est sensiblement ce qui apparaît dans le dossier recueilli par les policiers », a dit l’agente Julie Marois, porte-parole du SPL, en précisant que l’enquête n’était pas suffisamment avancée pour rendre les images publiques.

Police du masque

Le SPL ne comptabilise pas dans une classe à part les évènements directement liés à la COVID. Il n’est donc pas possible de savoir officiellement si cet accès de colère relié aux mesures de la Santé publique est un cas isolé. Or, l’agente Marois confirme sans surprise que « la COVID-19 amène son lot de problèmes ».

Les frictions pourraient être plus fréquentes à compter du 18 juillet, alors que les Québécois devront porter un masque lorsqu’ils seront dans un lieu public fermé. Ce sera aux commerçants, et par le fait même à leurs employés, de s’assurer que les clients le portent, sans quoi le commerce s’exposera à une amende.

« Nous ne demanderons pas à nos employés d’intervenir en cas de non-respect des consignes par les clients. Il est de la responsabilité de chacun de se conformer aux règles sanitaires en vigueur, et nous ne mettrons pas en danger la sécurité de nos employés pour les faire respecter », a répondu à ce sujet Kateryne Lortie, gestionnaire marketing de Couche-Tard.

Si un client obstiné refuse de s’y plier, les commerçants pourront se tourner vers la police, a assuré le premier ministre. Le gouvernement a aussi précisé qu’il pourrait imposer des amendes aux clients dès le début d’août.