(Ottawa) Les experts en santé publique du Canada se sont démenés pour freiner la propagation de la COVID-19 en essayant de comprendre comment les gens attrapent le virus et à qui ils peuvent la refiler.

Malgré les meilleurs efforts au cours des quatre derniers mois, la source de plus d’un tiers des infections connues de COVID-19 au pays échappe aux médecins.

Les chercheurs en médecine utilisent des superordinateurs pour transformer les laboratoires de génétique en agences de détectives. Ils se relèvent les manches pour comprendre comment la maladie s’est répandue au Canada.

Chaque concordance proche permettra de tracer une ligne de patient à patient afin de brosser finalement un tableau de la propagation du virus.

« C’est le gros effort des quatre prochaines semaines », avance Andrew McArthur, directeur du programme des découvertes biomédicales et de commercialisation à l’Université McMaster, de Hamilton.

« Ce qui va en sortir très bientôt est un aperçu de ce qui vient de se passer : comment le virus a circulé dans la province ou comment il s’est propagé d’une province à l’autre », ajoute-t-il.

Selon M. McArthur, ces informations permettront d’identifier rapidement les points faibles des mesures de santé publique et aideront à contrer rapidement les prochaines vagues en déterminant leur origine. Être capable de continuer à diviser les codes génétiques des échantillons signifie que lorsqu’il y a des éclosions, chaque cas peut être rapidement comparé les uns aux autres pour voir s’ils sont tous liés ou s’ils proviennent de sources multiples.

Cela signifie, par exemple, qu’un centre de soins de longue durée devrait être en mesure de savoir rapidement si ses 10 nouveaux cas sont liés à une ou à plusieurs sources.

« C’est un problème de contrôle des infections très différent », souligne M. McArthur.

Cela signifie également que peut-être, juste peut-être, la deuxième vague de COVID-19 ne sera pas aussi mauvaise ou aussi difficile à contrôler que la première, car les sources pourront être isolées très rapidement.

« Une deuxième vague est probable, prévient M. McArthur. Mais nous n’avons jamais dépensé ce genre d’argent et d’efforts auparavant, alors peut-être que nous pourrons vaincre le virus. »

Les types de technologie génétique utilisés pour ce projet n’existaient pas lorsque le SRAS a frappé le Canada en 2003.

Cette cartographie génétique est constamment à la recherche de mutations. Jusqu’à présent, SARS-CoV-2, le nom officiel du virus qui cause la COVID-19, n’a pas muté aussi rapidement que beaucoup d’autres. La grippe, par exemple, change tellement au cours d’une année que le vaccin doit être modifié chaque été pour suivre.

Mais il y a suffisamment de changements subtils parmi les 28 000 marqueurs individuels qui composent un génome pour le SRAS-CoV-2 pour que chaque cas soit lié à celui qui l’a précédé. M. McArthur dit qu’il faut beaucoup de stockage de données, beaucoup d’analyses informatiques de grande capacité et beaucoup d’argent pour effectuer ces comparaisons.

Le gouvernement fédéral a investi 40 millions en avril pour la recherche génétique sur la COVID-19. La moitié de cette somme doit permettre de garder un œil sur le virus au fur et à mesure qu’il se propage, de chercher les changements qu’il subit et de cartographier sa trajectoire dans tout le pays.

L’autre moitié consiste à examiner les structures génétiques des patients infectés, en essayant de comprendre pourquoi certaines personnes meurent et d’autres présentent des symptômes si légers qu’ils ne savent même pas qu’ils sont malades.

Génome Canada administre le projet. Six agences régionales de génomique supervisent localement le travail et des laboratoires réalisent les tests et les analyses. Le financement est destiné à créer des cartes génétiques à partir de 150 000 patients. Jusqu’à présent, le Canada a enregistré environ 108 000 cas positifs, et l’on s’attend à ce que presque chacun d’entre eux fasse l’objet d’une cartographie génétique.

Les résultats seront transmis à une banque de données mondiale comparant toutes les infections connues de COVID-19. Ils seront également analysés pour les rapports nationaux et régionaux.

À New York, le séquençage génétique a été utilisé pour comprendre que la COVID-19 qui a frappé la Grosse Pomme ne venait pas de Chine et d’Iran comme on l’avait cru initialement, mais d’Europe. Au Canada, on soupçonne qu’une grande partie du virus est entrée dans le pays par des voyageurs revenant des États-Unis au début de mars. Mais le travail ne fait que commencer à confirmer cette hypothèse.

Dans l’ensemble, M. McArthur prévoit que ce projet génétique nécessitera deux ans de travail.