Il y a peu de chances que la fête privée, pendant laquelle une trentaine d’adolescents ont été contaminés par la COVID-19, aboutisse en accusations criminelles, estiment trois juristes consultés par La Presse. Pendant ce temps, la liste des commerces annonçant qu’un employé a contracté le virus s’allonge en Montérégie.

L’organisatrice de la fête de Saint-Chrysostome a perdu le contrôle de sa soirée, croit le criminaliste Charles B. Côté. Au départ, l’adolescente de 15 ans voulait inviter une dizaine de personnes chez elle, mais une amie l’a convaincue que les rassemblements de 50 personnes étaient permis.

Puis, une personne a publié l’adresse de la fête sur les réseaux sociaux. Des inconnus se sont alors présentés sur les lieux. « Selon ce que j’ai lu, il y a eu une perte de contrôle. Elle avait beau dire aux gens de ne pas entrer, il y a eu du monde qu’elle ne connaissait pas. Est-ce qu’on peut lui imputer une négligence criminelle ? Je pense qu’il s’agit plutôt d’une négligence collective », estime Me Côté.

La criminaliste Véronique Robert affirme que, pour qu’une personne soit accusée de négligence criminelle, elle doit avoir fait preuve « d’insouciance déréglée » et de « témérité ». Le contexte doit également être pris en considération.

Le contexte actuel, c’est un début de pandémie. On est tout mêlé tout le monde. Nul n’est censé ignorer la loi, mais les consignes changent souvent. On a commencé en disant que les masques étaient dangereux, maintenant, il faut qu’on les porte.

Me Véronique Robert

MRobert croit donc que l’instigatrice de la fête pourrait se défendre en affirmant qu’elle ne savait pas que les rassemblements de 50 personnes n’étaient permis que dans les lieux publics comme les restaurants et les salles de spectacle, et non dans les résidences privées.

« À ce compte-là, chaque fois que quelqu’un donne la grippe, il pourrait être accusé ? À un moment donné, on n’en sortira plus. Je comprends que la COVID-19, c’est plus grave que la grippe. Mais quelqu’un qui a la grippe et qui contamine un ami qui développe une pneumonie, depuis la nuit des temps, on aurait pu porter des accusations de ce type-là », nuance MRobert.

Selon les recherches de MRobert, personne n’a été accusé d’avoir propagé un virus, comme la grippe ou la gastro, au Canada.

« C’est important de se rappeler que [l’organisatrice] est une jeune de 15 ans », souligne également MRobert.

L'avocate écarte aussi la possibilité que la mère de l’adolescente ne soit accusée au criminel. Celle-ci était chez une amie et avait autorisé sa fille à inviter 10 personnes pour un rassemblement autour d'un feu. Elle pourrait toutefois être accusée au civil par un commerce, par exemple, qui prétendrait avoir subi un préjudice.

Et la personne contaminée ?

De nombreux jeunes qui ont participé à la fête ont dit à La Presse que la Santé publique leur avait confirmé qu’une personne s’était présentée au party en sachant qu’elle était atteinte de la COVID-19. La Direction de la santé publique de la Montérégie a refusé de confirmer cette information.

Si une adolescente s’est présentée à la fête en se sachant malade, cette personne a possiblement fait preuve d’une plus grande insouciance, croit MRobert. L’avocate demeure tout de même prudente. « Ça reste des jeunes. A-t-elle compris qu’elle était contagieuse ? Elle devait assurément être asymptomatique parce que c’est rare que tu te rendes dans un party quand tu es malade. »

De son côté, Me Côté croit qu’il sera difficile de faire un lien avec la personne qui aurait caché sa maladie, advenant que des décès liés à la COVID-19 surviennent prochainement à Saint-Chrysostome ou dans les environs.

Si on avait une application de traçage qui prouverait hors de tout doute raisonnable qu’en effet, c’est cette adolescente qui est à l’origine de la contamination d’une personne qui décède, je vous dirais qu’il pourrait y avoir des accusations graves. Mais il n’y a pas d’application de traçage. La contamination peut se faire avec n’importe quel individu que l’on croise. En droit criminel, ça prend une preuve hors de tout doute raisonnable.

Me Charles B. Côté

Par ailleurs, la plupart des participants à la fête étaient mineurs. Cela n’empêcherait pas la Direction des poursuites criminelles et pénales de déposer des accusations de négligence, mais au tribunal de la jeunesse, souligne l’avocate Anne-Geneviève Robert. Elle n’est toutefois pas d’avis que les adolescents ont commis un geste criminel.

Et en droit de la jeunesse, « on mise pour la réhabilitation, pas pour des peines sévères », dit-elle.

Canadian Tire, Dairy Queen et autres

La liste des commerces qui ont annoncé qu’un de leurs employés avait contracté la COVID-19, en Montérégie, s’allonge. Le magasin Canadian Tire de Châteauguay, l’épicerie IGA de Châteauguay, le Dairy Queen de Léry, le bar La Chapelle de Mercier et le bar laitier Mickey de Napierville s’ajoutent aux entreprises qui ont dû désinfecter leurs installations. À Mercier, la Maison des jeunes a fermé ses portes par mesure de prévention. Une clinique de dépistage est par ailleurs aménagée au centre communautaire de Mercier, ce jeudi, pour que les gens de la région puissent passer un test rapidement. Un rendez-vous n’est pas nécessaire.