(Montréal) Les tribunaux jetteraient probablement un regard très sévère sur ceux et celles qui, en ce contexte de pandémie, s’aviseraient de tousser ou d’éternuer volontairement sur quelqu’un d’autre, a prévenu un expert consulté par La Presse canadienne.

« On ne peut pas se permettre d’être "drôles" avec ça, a dit le président du comité consultatif du Barreau du Québec en droit criminel, Me Pascal Lévesque.

« J’ai l’impression que les tribunaux ne seraient pas tellement sympathiques non plus. Avec toute la publicité et les avis du gouvernement, dans un cas prouvé, les tribunaux vont certainement considérer que c’est un facteur aggravant de l’avoir fait dans un contexte de COVID. La défense de la "blague" passerait difficilement. »

On a rapporté plusieurs incidents du genre depuis le début de la pandémie, dont certains qui ont même été filmés et mis en ligne par leurs auteurs.

Tout récemment, une dame aurait toussé intentionnellement au visage de la fille du docteur Alain Vadeboncœur, qui portait un masque dans le métro de Montréal.

Les motivations de la dame ne sont pas connues, et il n’est pas non plus impossible qu’elle ait souffert d’un problème de santé mentale, mais « un geste qui vise à employer la force contre quelqu’un, ça peut être considéré comme des voies de fait », a rappelé Me Lévesque.

Conséquences graves

Le contexte est très important, poursuit-il, et il se pourrait que des gestes qui auraient été banals avant la pandémie le soient un peu moins aujourd’hui.

Et si jamais la personne sur qui on a toussé, éternué ou craché tombe malade, la pente pourrait devenir très glissante, très rapidement.

« Ce serait une question de preuve, a dit Me Lévesque. Ça pourrait aller […] jusqu’à la négligence criminelle ayant causé des blessures. »

Ou même jusqu’à des accusations de négligence criminelle ayant causé la mort, si la victime du geste avait des problèmes de santé sous-jacents et que l’infection finissait par lui coûter la vie. Une telle infraction est passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité.

La situation rappelle un peu ce qui s’est passé il y a quelques années, quand des gens qui se savaient porteurs du VIH ont eu des relations sexuelles non protégées avec des partenaires qu’ils n’avaient pas informés de leur état de santé.

« C’est un raisonnement analogue, a estimé Me Lévesque. Est-ce que ça serait un copier-coller ? Je ne le sais pas. […] On ne sait pas comment un tribunal verrait ça. »

Une question d’intentions

Les intentions de l’individu qui poserait un tel geste compteraient aussi pour beaucoup.

« Il y a une différence entre la personne qui fait une "blague" de très mauvais goût et l’autre qui souffre de problèmes de santé mentale, ce qui pourrait expliquer [son geste] sans l’excuser », a illustré Me Lévesque.

La situation serait radicalement différente, par exemple, si on avait affaire à un type qui a toussé ou craché sur son ex-copine dans l’espoir de l’infecter avec le coronavirus.

« Là, on a un plan arrêté, une intention, quelque chose de planifié sur le long terme, a précisé Me Lévesque. Il y a des degrés différents. »

Un peu comme les mauvais plaisantins qui évoquent la présence d’une bombe dans leurs valises au moment de passer à la sécurité à l’aéroport, il y a donc des blagues qu’on a intérêt à garder pour soi — et des gestes qu’il vaut vraiment mieux ne pas poser.

« Je décourage fortement les gens de tester les limites du système judiciaire, a intimé Me Lévesque. Les procureurs de la Couronne prennent ça très au sérieux dans le contexte actuel. […] Les gens doivent avoir beaucoup de respect et de sérieux par rapport à ces gestes-là. »