(Ottawa) La plus haute responsable civile au ministère de la Défense affirme qu’elle n’a reçu aucune indication que le gouvernement libéral envisageait de réduire ses dépenses militaires pour participer à la lutte aux déficits.

La sous-ministre de la Défense Jody Thomas a eu ces commentaires alors qu’on se demande comment le gouvernement libéral ira trouver les dizaines de milliards de dollars dépensés ces derniers mois pour soutenir les Canadiens pendant la crise de la COVID-19.

Cette aide d’urgence, estimée jusqu’ici à 153 milliards, a largement dépassé les dépenses prévues du gouvernement. Une « rigueur budgétaire » est attendue après la crise, car Ottawa commencera à chercher des moyens d’empêcher le pays de s’enfoncer dans les déficits répétés.

Les dépenses militaires avaient déjà été réduites dans les années 1990, alors que le gouvernement libéral de Jean Chrétien se débattait avec de lourds déficits ; le gouvernement conservateur de Stephen Harper a emprunté la même voie après la crise financière de 2008-2009.

Certains craignent maintenant que les libéraux veuillent notamment grappiller dans le budget de la défense — de 29 milliards — afin de reprendre le contrôle des finances publiques.

Dans une entrevue à La Presse canadienne, la sous-ministre Thomas assure qu’elle n’a reçu aucune directive de ralentir ou de réduire les dépenses, et que les responsables continuent de s’affairer aux acquisitions prévues de nouveaux navires, d’avions de chasse et d’autres équipements militaires.

Dans leur stratégie de défense publiée en 2017, les libéraux promettaient 553 milliards en dépenses militaires sur 20 ans. Une grande partie de ces sommes doit aller à l’acquisition de nouveaux équipements tels que des avions de chasse et des navires.

« Il n’y a eu aucune indication de quiconque qu’il y aurait une réduction du budget », a déclaré Mme Thomas, ajoutant que le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, « avait été très clair quant à ses attentes pour la mise en œuvre » de la stratégie de 2017.

Plus nécessaires que jamais

Mme Thomas souligne aussi que les dépenses militaires prévues sont en fait aussi nécessaires maintenant qu’avant la pandémie, car la crise amplifie l’incertitude mondiale déjà importante avant même la COVID-19.

« Le Canada doit être bien pourvu, a expliqué Mme Thomas. Dans un monde post-COVID, il y a, je dirais, en tant que sous-ministre de la Défense, un besoin pour que la Stratégie (de 2017) soit accélérée plutôt que ralentie ou que les budgets soient réduits. »

Le gouvernement libéral a déposé la semaine dernière au Parlement sa dernière demande de fonds, qui comprenait 585 millions pour la poursuite de la construction de deux nouveaux navires de soutien naval à Vancouver. Le premier de ces navires doit être livré en 2023.

David Perry, analyste pour les questions de défense à l’Institut canadien des affaires mondiales, soutient que les libéraux ont considérablement augmenté les dépenses militaires, sauf que personne ne sait à quelle vitesse l’économie canadienne se redressera ni quelle profondeur atteindront les déficits à la fin de la pandémie.

« Mais c’est un fait fondamental des finances publiques fédérales au Canada : si un gouvernement cherche à réduire toutes les dépenses, la Défense y participera parce que c’est ce ministère qui dépense le plus », rappelle M. Perry.

Or, la réduction des dépenses militaires a des implications à moyen terme, comme en témoigne l’âge des CF-18 et autres équipements vétustes, et le manque de navires de soutien naval jusqu’à ce que les nouveaux soient terminés.

« Les problèmes avec l’approvisionnement aujourd’hui sont dus en partie aux décisions qui ont été prises […] dans les années 1990 pour réduire les dépenses, indique M. Perry. Nous en subissons toujours les conséquences parce que nous n’avons pas fait d’acquisitions à l’époque et nous essayons maintenant de rattraper le temps perdu. »