Le manque de personnel est encore important, même si la situation se stabilise dans les CHSLD. Au point où la majorité des places laissées vacantes à la suite du décès de centaines de résidents ne peuvent toujours pas être cédées à de nouveaux usagers.

« La situation est toujours fragile du côté du personnel en CHSLD », confirme le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le DLouis Godin.

« Il est évident que la pénurie de personnel n’est pas résorbée », ajoute le président de la Fédération de la santé et des services sociaux du Québec (FSSS-CSN), Jeff Begley. Selon lui, l’aide apportée par les militaires et les bénévoles a été salutaire en CHSLD. Mais le problème de fond pourrait bien persister jusqu’à l’arrivée, en septembre, des 10 000 préposés aux bénéficiaires que compte former Québec.

Alors qu’Ottawa a confirmé hier qu’il continuerait de soutenir les CHSLD du Québec tant que nécessaire, la nature de l’aide apportée reste à déterminer. Sur le terrain, de nombreux intervenants souhaitent que les 1000 militaires déployés en CHSLD demeurent en poste jusqu’en septembre.

Amélioration statistique

Selon les données du gouvernement, le nombre de CHSLD se retrouvant en situation « critique », soit avec 25 % et plus de leurs résidants infectés, est en forte baisse dans la province. Seulement 5 établissements étaient dans cette situation mardi, alors que plus de 50 s’y trouvaient au plus fort de la crise.

Ces statistiques cachent toutefois une réalité plus sombre : nombre de CHSLD se retrouvent aujourd’hui avec des dizaines de chambres vacantes qui étaient occupées par des résidants ayant succombé au coronavirus. La vaste majorité des 5081 morts liées à la COVID-19 au Québec sont survenues en CHSLD ou en résidences privées pour aînés.

Au pavillon Alfred-DesRochers de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, par exemple, 40 des 125 lits sont toujours inoccupés.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le pavillon Alfred-DesRochers

Puisque le manque de personnel n’est pas encore réglé en CHSLD, Québec ne peut remplir rapidement tous ces lits laissés vacants. Lundi, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a confirmé que les admissions en CHSLD, arrêtées durant la crise, reprenaient actuellement au compte-gouttes. « Au niveau des admissions, on va attendre pour le moment que la situation se stabilise davantage au niveau des CHSLD », a dit Mme McCann.

« Et c’est une bonne chose. Si on remplissait demain matin nos CHSLD, on n’aurait pas assez de monde pour soigner [les résidants] », dit M. Begley.

Maints CHSLD sont aussi en train de transformer leurs installations en vue de la possible deuxième vague de COVID-19.

On crée des zones tampons pour accueillir les patients et éviter qu’ils ne relancent la contamination.

Le Dr  Louis Godin

Chef du service de gérontopsychiatrie au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, la Dre Doris Clerc explique aussi que les chambres à plusieurs résidants sont tranquillement transformées en chambres pour une personne. « Il faut changer les CHSLD, revoir le concept même d’hébergement de personnes en grande perte d’autonomie. Il faut le faire. Mais on reste en contexte de pandémie », explique-t-elle.

Forte pression

La pression pour relancer les admissions en CHSLD est toutefois forte, reconnaît la Dre Clerc. Car de nombreux patients soignés dans les hôpitaux attendent actuellement d’être transférés dans les CHSLD.

Ces patients que l’on dit en « fin de soins actifs » occupent des lits aux étages et limitent la capacité des hôpitaux à réaliser des opérations complexes nécessitant une hospitalisation.

« La situation est mieux qu’elle ne l’était. Mais on a encore beaucoup de lits d’hôpital occupés par des patients en fin de soins actifs », affirme le président de l’Association québécoise de chirurgie, le DSerge Legault.

Afin de reprendre les interventions chirurgicales, les hôpitaux doivent aussi récupérer tout leur personnel. Au plus fort de la crise en CHSLD, des employés d’hôpital y ont été envoyés en renfort. Et selon le DLegault, ramener ces employés à l’hôpital prend du temps. Sans ces employés, le nombre d’opérations ne peut reprendre à plein régime.

Malheureusement, il faut maintenir l’aide dans les CHSLD. Je sais que le Ministère veut rouvrir le réseau, mais c’est tout un casse-tête. Il faut réfléchir à toutes les conséquences.

Jeff Begley, président de la FSSS-CSN

Sprint avant la possible deuxième vague

Selon le DLegault, la plupart des hôpitaux montréalais ont repris de 50 % à 60 % de leurs volumes chirurgicaux normaux. « C’est mieux que ce à quoi on s’attendait. C’est impressionnant de voir les efforts des équipes », dit-il.

Mais durant la pandémie, des milliers d’opérations chirurgicales ont été reportées, et les hôpitaux souhaitent en réaliser le plus possible avant que la possible deuxième vague ne frappe.

Pour le DLegault, l’objectif du gouvernement de former 10 000 préposés aux bénéficiaires d’ici septembre est la bonne solution afin de mieux gérer la possible deuxième vague. « J’espère que les nouveaux préposés arriveront à temps », dit-il.

En attendant, une partie des 2700 employés infectés par la COVID-19 reviendront à un moment donné au travail et pourront aider. Mais il y aura les vacances, souligne le DLegault. « C’est sûr que ce ne sera pas l’abondance cet été [en matière de personnel] », note la Dre Marie-Jeanne Kergoat, chef du département de gériatrie du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux dit prendre la situation de la pénurie de personnel « très au sérieux » et « poursuit ses discussions avec le gouvernement fédéral » afin que l’aide des Forces canadiennes en CHSLD se poursuive.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr  Louis Godin

Avant la COVID, les CHSLD étaient déjà des endroits fragiles. On doit continuer à y faire attention.

Le Dr  Louis Godin

Mercredi, à Ottawa, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a mentionné que le gouvernement « sera[it] toujours là pour soutenir le Québec ». Mais « les discussions se poursuivent avec le gouvernement du Québec sur la forme que prendra ce soutien à l’avenir, et aucune décision définitive n’a été prise pour le moment », affirme l’attachée de presse du ministre Blair, Marie-Liz Power.

« On va voir comment la situation va évoluer, mais tant que la situation va nécessiter une présence des Forces armées canadiennes, les Forces armées vont continuer d’être là pour les aînés », a dit Jean-Yves Duclos, président du Conseil du Trésor.

Selon des informations obtenues par La Presse, Ottawa pourrait envisager de laisser en poste environ la moitié des 1000 militaires déployés en CHSLD.

« Avoir 500 militaires qui restent, c’est bien. Mais il y en a quand même 500 qui partent et qu’on devra remplacer », ajoute le DLegault. « Toute aide est importante actuellement. Si les militaires avaient pu rester jusqu’à la fin de l’été, ce n’est pas la solution idéale, mais ça aurait aidé », dit M. Begley.