Près de la moitié des travailleurs québécois disent souffrir de détresse psychologique depuis le début de la pandémie, révèle une étude qui sera rendue publique vendredi par l’Université Laval. Une proportion nettement supérieure aux taux normalement observés, souligne l’une des auteures de la recherche, la professeure Caroline Biron.

« Le message est fort. La maison brûle. Un travailleur sur deux ne va pas bien. Il ne faut pas remettre le sujet à plus tard sous prétexte qu’on est trop occupé. Il faut agir dès maintenant », affirme Mme Biron, aussi directrice du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail.

Avec son équipe, Mme Biron a sondé 1259 Québécois du 30 avril au 7 mai. Les répondants devaient avoir travaillé dans les sept jours précédant l’enquête. Ils provenaient de différents secteurs comme la santé et les services sociaux, l’administration, le secteur privé, les premiers répondants… L’objectif était de déterminer dans quelle mesure la pandémie avait un effet sur la détresse psychologique.

Selon l’enquête, 56 % des femmes et 41 % des hommes ont dit vivre un niveau élevé de détresse psychologique. En 2015, une étude similaire menée hors pandémie avait conclu que 33 % des femmes et 24 % des hommes se trouvaient dans la même situation.

Certains travailleurs disent vivre un niveau de détresse encore plus élevé. Notamment, les travailleurs des secteurs de la santé et des services sociaux (60 %) et les employés œuvrant auprès du public (50 %).

Mais que ce soit pour les gens vivant seuls, les gestionnaires, les parents en télétravail ou les gens travaillant avec le public… la situation est difficile pour tout le monde.

Caroline Biron, directrice du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail

Place au télétravail

Près de 40 % des répondants ne font que du télétravail depuis le début de la pandémie. Mais le télétravail n’a pas d’impact sur le niveau de détresse, rapporte Mme Biron.

Alors qu’en temps normal, les répondants disaient travailler 5 heures par semaine en télétravail et 33 heures sur leurs lieux de travail, cette proportion est de 17 heures de télétravail et de 19 heures sur les lieux de travail depuis la pandémie, affirme Mme Biron.

« Ils travaillent donc en moyenne deux heures par semaine de moins. Mais c’est normal, quand on pense que beaucoup travaillent de la maison, avec les enfants sans école et sans garderie… », rappelle Mme Biron. Questionnés sur leur expérience de télétravail, les répondants ont livré des témoignages partagés. « Les gens vont vouloir quelque chose de mixte après la crise », dit Mme Biron.

Solutions possibles

La détresse psychologique influence beaucoup la vie des travailleurs. Notamment, 75 % des répondants ont mentionné vivre des problèmes de sommeil.

La bonne nouvelle : il existe des solutions pour prévenir la détresse des travailleurs. Mme Biron souligne que les entreprises qui ont un réel souci du bien-être psychologique de leurs employés ressortent du lot. Mme Biron les qualifie d’« organisations bienveillantes ».

PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ LAVAL

Caroline Biron, directrice du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail

« Quand les gens perçoivent que la haute direction a une préoccupation de leur état psychologique, il y a moins de détresse, explique Mme Biron […]. Et on ne parle pas juste d’offrir une séance de méditation chaque midi. Il faut se donner des politiques, des procédures, former les gestionnaires pour qu’ils prennent soin des gens… »

Les répondants disant travailler dans des entreprises bienveillantes sont 24 % moins nombreux à être en détresse psychologique, révèle l’enquête de Mme Biron. Et la proportion de travailleurs se disant performants y est bien plus élevée.

La question de la charge de travail a aussi un fort impact sur la détresse psychologique. Alors que 60 % des travailleurs percevant leur charge de travail comme élevée sont en détresse psychologique, seulement 40 % de ceux qui ont une charge de travail plus faible sont dans la même situation. Les employés qui se sentent reconnus dans leur emploi sont aussi moins sujets à la détresse.

« La pandémie nous confronte à toutes les vulnérabilités de nos systèmes : ce qui était fragile avant l’est encore plus aujourd’hui », soutient Caroline Biron. Selon elle, la pandémie « nous oblige plus que jamais à revoir nos priorités et nos pratiques organisationnelles en soutenant et en formant nos gestionnaires à l’importance de la gestion des personnes et de la santé psychologique ».