(Québec) Le gouvernement Legault veut obtenir des pouvoirs exceptionnels pour accélérer la réalisation d’au moins 200 projets d’infrastructures partout au Québec, comme la construction d’écoles, de maisons des aînés, de routes et de réseaux de transport collectif, en vertu d’un projet de loi déposé à l’Assemblée nationale mercredi.

Selon cette pièce législative « visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences » de la pandémie de COVID-19, ces projets bénéficieraient de « mesures d’accélération ». On parle entre autres d’une « procédure d’expropriation allégée », pour le prolongement de la ligne bleue par exemple.

Déposé par le président du Conseil du trésor Christian Dubé, le projet de loi prévoit également la « possibilité d’entreprendre des travaux sur une partie du domaine de l’État avant l’obtention des droits requis ».

Le gouvernement veut « alléger et accélérer » les règles prévues à la Loi sur la qualité de l’environnement.

Il souhaite « l’inapplicabilité des dispositions de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme relatives aux interventions gouvernementales ou, selon le cas, l’allégement des règles procédurales en matière d’examen de la conformité ».

« En matière contractuelle, le projet de loi permet au gouvernement de déterminer des conditions différentes de celles qui sont prévues par la Loi sur les contrats des organismes publics dans les deux ans suivant la sanction de la loi », ajoute-t-on.

Le ministre responsable d’un projet bénéficiant d’une mesure d’accélération devra produire un rapport annuel présentant entre autres « son état d’avancement et l’évaluation de ses effets économiques pour le Québec, entre autres.

Le projet de loi prévoit la prolongation de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020, au début de la pandémie, « jusqu’à ce que le gouvernement y mette fin », ce qui accorde encore une fois des pouvoirs exceptionnels à Québec sur une période prolongée.

« Le gouvernement, un ministre, un organisme public ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’exercice de pouvoirs prévus par la présente loi ou dans l’exécution de mesures prises en vertu de ceux-ci », précise le projet de loi.

Parmi les 202 projets d’infrastructures concernés, on compte la construction d’écoles et de maisons des aînés. En matière de transports, il y a le prolongement du REM à Laval et sur la Rive-Sud, les tramways électriques à Longueuil, à Gatineau et à Montréal (pour relier l’est, le nord-est et le sud-ouest de Montréal au centre-ville), la reconstruction du pont de l’Île-d’Orléans ou encore le prolongement de l’autoroute 19.

Le gouvernement souhaite adopter ce projet de loi d’ici la fin de la session parlementaire, le 12 juin. L’opposition libérale a parlé d’un « projet de loi mammouth qui embrasse très, très large et qui touche à des droits fondamentaux ». On ne pourra faire l’économie de consultations et de débats, a prévenu son leader parlementaire Marc Tanguay.

« C’est un projet de loi qui aura des conséquences sur plusieurs lois actuelles au Québec, sur plusieurs règlements, sur plusieurs procédures. Ce n’est pas rien, ce n’est pas banal, ce n’est pas une peccadille. Alors, je me permets de sensibiliser le leader du gouvernement, puis le président du Conseil du trésor à l’importance qu’on fasse les choses dans l’ordre », a dit de son côté le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Le leader parlementaire du Parti québécois, Martin Ouellet, s’est dit « un peu surpris de voir l’étendue de ce projet de loi ». Comme les autres partis, « nous offrons aussi notre collaboration. Nous voulons aussi embarquer dans la danse. Mais pour savoir danser, il faut d’abord fournir la musique. Et présentement, avec ce que j’ai entendu, il y avait beaucoup de couacs dans l’instrument de musique », a-t-il lancé.

Sans être en mesure de parler des dispositions du projet de loi, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a fait de part de ses inquiétudes quant à l'intention du gouvernement d'accélérer la réalisation des projets, lors de la conférence de presse sur son rapport. Elle y dénonce un manque de rigueur au ministère des Transports quant à l'estimation des coûts des projets et à un niveau d'expertise interne déficient. «On est grandement préoccupés par cet accroissement [du développement des infrastructures], dû au fait qu’on manque toujours de techniciens et d’ingénieurs, on fait une mauvaise évaluation des projets, on ne fait pas de supervision adéquate des évaluations qui sont faites par les firmes externes. Il y a plusieurs de nos constats qui demeurent et ça risque de s’amplifier avec l’augmentation des travaux d’infrastructure qu’il va y avoir dans le futur », a-t-elle soutenu.