(Ottawa) Des dizaines de millions de doses de vaccin contre la COVID-19 pourraient être déployées dès cet automne, mais il faudrait s’assurer qu’elles sont réparties équitablement à travers le monde, en particulier dans les pays les plus pauvres, soutient-on dans certains milieux.

La Grande-Bretagne accueillera jeudi une conférence internationale d’« annonces de contributions », qui vise à recueillir près de 10 milliards pour GAVI – l’Alliance du vaccin, la principale agence internationale de distribution de vaccins dans les pays moins développés, créée il y a 20 ans.

Le premier ministre Justin Trudeau se joindra jeudi de façon virtuelle aux dirigeants de 50 pays et à de grandes organisations, dont les philanthropes Bill et Melinda Gates. Le Canada a déjà annoncé un engagement de 600 millions sur cinq ans au GAVI, qui a vacciné 760 millions d’enfants et évité 13 millions de décès dans les pays les plus pauvres du monde depuis 2000.

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, présidera ce Sommet mondial sur la vaccination, mais l’apparition de M. Trudeau intervient alors que le Canada convoite un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. M. Trudeau a aussi prononcé mercredi une allocution à un sommet de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, où il a déclaré que le Canada était déterminé à aider les pays en développement, les plus durement touchés par la pandémie.

On devrait promettre au sommet de Londres que tout nouveau vaccin contre la COVID-19 sera aussi distribué dans les pays pauvres – éviter en fait les pratiques antérieures, notamment lors de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009.

« Nous voulons aussi envoyer un message clair au marché : qu’il y aura un marché pour ce vaccin dans le monde en développement, et il y aura une organisation qui pourra distribuer ce vaccin », a déclaré mercredi en entrevue la ministre canadienne du Développement international, Karina Gould. « Ce qui est différent, dans cette pandémie, c’est que nous parlons de vacciner le monde entier. C’est à une échelle que nous n’avions pas imaginée auparavant parce que les campagnes de vaccination précédentes étaient généralement ciblées. »

Au plus offrant ?

L’ambassadrice britannique au Canada a déclaré que 30 millions de doses d’un vaccin pourraient être disponibles dans son pays dès septembre, en raison du rythme rapide des essais cliniques menés par des chercheurs de l’Université d’Oxford dans le cadre d’une coentreprise financée par le gouvernement avec AstraZeneca, le laboratoire pharmaceutique britannique et suédois.

La haute-commissaire Susan le Jeune d’Allegeershecque a expliqué en entrevue que la Grande-Bretagne voulait s’assurer que « ce n’est pas celui qui aura le plus gros chèque en main qui obtiendra la première bouchée ». La diplomate britannique admet que tous les gouvernements voudront d’abord répondre à leurs propres besoins nationaux. « Mais en même temps, ceux d’entre nous qui sont membres du G7 et du G20 gardent certainement en tête le besoin plus large, à l’échelle mondiale. Nous ne faisons pas l’un au détriment de l’autre. »

Selon Stuart Hickox, directeur de l’organisme « One Campaign » au Canada, « les gens doivent comprendre qu’il n’y aura pas de reprise économique si la pandémie continue de faire rage dans des pays en voie de développement ou ailleurs dans le monde ».

Le réseau américain CNN a annoncé mardi que le docteur Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses, avait prédit que les États-Unis disposeraient de 100 millions de doses d’un vaccin viable d’ici la fin de l’année.

Son homologue canadienne, la docteure Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique, estime qu’il y a actuellement plus de 100 « candidats vaccins » en développement dans le monde. « Bien sûr, nous regardons au-delà de la recherche et des essais cliniques, pour examiner la capacité réelle de développement et de fabrication des vaccins », a-t-elle précisé.

Une poignée de candidats sérieux

Le docteur Gary Kobinger, expert en maladies infectieuses à l’Université Laval, qui dirige une équipe qui a développé le vaccin contre Ebola, a déclaré que la centaine de candidats au vaccin doivent être ramenés à une poignée de bonnes options. « C’est une course contre le virus, pas les uns contre les autres, a-t-il plaidé en entrevue. Peu importe le pays, les ressources internationales sont limitées, les sites cliniques sont limités. »

M. Trudeau se positionne comme un chef de file pour élaborer un plan de relance mondial « post-pandémie », alors que le Canada est en compétition avec la Norvège et l’Irlande pour l’un des deux sièges convoités et non permanents au Conseil de sécurité des Nations unies. L’ONU a confirmé mercredi que le scrutin secret des 193 ambassadeurs commencerait comme prévu le 17 juin, mais sans réunion plénière de l’Assemblée générale, en raison de la pandémie.

Les principales agences des Nations unies, dont l’Organisation mondiale de la santé, et les dirigeants des pays africains participent également au sommet de Londres sur les vaccins, jeudi. Au cours du mois de mai, M. Trudeau a joué un rôle de premier plan dans des sommets similaires de l’Union européenne et de l’ONU.