La COVID-19 ne donne aucun répit à la Ville de Montréal. Les dépenses liées à la pandémie ont dépassé de 20 millions les estimations annoncées le mois dernier.

En entrevue avec La Presse jeudi, le président du comité exécutif de Montréal, Benoit Dorais, a confirmé que les achats d’équipement comme le désinfectant, les masques et des plexiglass ainsi que le coût pour réquisitionner des hôtels, par exemple, font une pression plus grande que prévue sur le portefeuille de la Ville. « Ç’a déjà dépassé ce qu’on pensait que la pandémie allait nous coûter. […] Pour l’instant, on a un différentiel de prévisions d’environ 20 millions de dollars », a affirmé M. Dorais.

De cette somme, il faut toutefois retrancher des économies de dépenses notamment parce que les bibliothèques et les centres sportifs ne sont toujours pas rouverts. La Ville économise, par exemple, sur l’achat de chlore pour les piscines et le carburant ainsi que l’entretien pour les véhicules qui ne sont pas utilisés. Les dépenses supplémentaires nettes ne sont pas connues, mais on sait qu’elles s’additionnent aux estimations présentées le 23 avril dernier.

C’est à cette date que l’administration Plante-Dorais a fait état de la situation financière de la ville en regard de la pandémie de COVID-19. La Ville prévoyait alors une hausse des dépenses nettes de 11 millions ou de 12,8 millions, selon s’il s’agissait d’un scénario optimiste ou pessimiste. L’évolution de la crise sanitaire a toutefois modifié l’état des lieux ; ces chiffres ne tiennent plus la route.

« C’est l’incertitude »

Dès le début d’avril, l’île de Montréal est apparue comme l’épicentre de la pandémie, forçant des dépenses extraordinaires. Du coup, la Ville avance sur le terrain mouvant des prévisions, dit constater Benoit Dorais. « C’est l’incertitude. On n’a pas toutes les données en main. C’est vrai aussi pour le gouvernement qui avance puis corrige le tir », observe-t-il.

Dans l’immédiat, le plan de compressions de 123,4 millions présenté le mois dernier donne les résultats escomptés. Une reddition de comptes a été déposée aux élus du conseil municipal lundi dernier, et sera présentée jeudi lors de l’assemblée du conseil de l’agglomération qui regroupe toutes les villes de l’île de Montréal.

Ainsi, les compressions demandées de 3,1 % dans le budget des services centraux et celui des arrondissements, ainsi qu’un gel de 9 millions des dépenses contingentes, ont été effectuées. Les services centraux (approvisionnement, évaluation foncière, affaires juridiques, etc.) ont revu de 85,7 millions leur budget total alors que les arrondissements ont réussi, à hauteur de 28,7 millions.

Deux tableaux présentés aux élus identifient les économies sans toutefois donner beaucoup de détails. On y voit les efforts consentis pour la rémunération et la catégorie « autres familles » dont la nature n’est pas précisée et peut varier d’un service municipal et d’un arrondissement à l’autre. Par exemple, une somme de 5,9 millions a été soustraite dans les activités d’urbanisme et de mobilité, un secteur névralgique pour la préparation du programme triennal d’immobilisations (PTI). On lit également que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a coupé 4,4 millions de son budget de fonctionnement, dont plus de la moitié dans la rémunération.

TABLEAU TIRÉ D'UN DOCUMENT DE LA VILLE DE MONTRÉAL

TABLEAU TIRÉ D'UN DOCUMENT DE LA VILLE DE MONTRÉAL

Il s’agit d’une première série de mesures alors que Montréal envisage un manque à gagner pouvant atteindre plus d’un demi-milliard de dollars. Outre les dépenses en hausse, certains revenus municipaux ont dégringolé en raison du confinement que la COVID-19 a entraîné. C’est le cas pour les revenus provenant de l’émission des permis de construction, des frais d’admission dans les installations sportives et culturelles ou l’imposition des droits de mutation (taxe de bienvenue).

Une part importante du manque à gagner concerne le transport collectif. La baisse de l’achalandage et donc de la contribution des usagers de l’autobus et du métro, pourrait être de 154 à 244 millions. Et c’est sans compter les dépenses supplémentaires dans les transports en commun (nettoyage quotidien et achat d’équipements de protection, par exemple) qui varient entre 105 et 294 millions, selon différentes hypothèses.

Échéance début juillet

Pour la prochaine étape, la Ville cherche une marge de manoeuvre de 2 % du côté des syndicats d’employés et des associations professionnelles représentant notamment les cadres. « On n’a pas un objectif qui est chiffré mais on essaie de le faire en toute équité », affirme M. Dorais, soulignant que toutes les modalités pour y parvenir sont sur la table.

Le temps file. Si les discussions sont infructueuses ou du moins, pas aussi fructueuses qu’on le voudrait, il va falloir faire d’autres choix budgétaires.

Benoit Dorais, président du comité exécutif de Montréal

Le prochain mois s’annonce donc crucial pour redresser la situation, selon lui. C’est d’autant plus vrai qu’au même moment, la Ville est plongée dans la préparation de son prochain budget de fonctionnement ainsi que celui des investissements à long terme (PTI). Ce dernier élément apparaît particulièrement important en regard de la phase qui suivra le retour à la normale des activités, c’est-à-dire la relance économique.

À cet égard, M. Dorais indique que l’analyse des projets à différer et ceux à mettre de l’avant, est toujours en cours. Le transport et l’habitation sont toutefois les secteurs d’investissement à privilégier, mentionne le président du comité exécutif. Au début juillet – avec un retard d’environ deux semaines sur le calendrier habituel –, toutes les unités administratives auront une idée du montant dont elles disposeront pour le budget 2021. La seule exception touche le transport collectif pour lequel des discussions sont en cours avec les gouvernements fédéral et provincial.

« D’habitude, quand on prépare le budget, je sais quelle est la situation. Je sais où ça va et où ça ne va pas bien. […] En ce moment, je ne le sais pas. À combien pourrait s’élever le déficit des opérations de 2020 ? Je ne le sais pas. Alors, je dois faire des économies en me disant qu’il ne faut absolument pas que la Ville devienne déficitaire, à moins que ce soit minime afin que je puisse utiliser nos réserves », conclut Benoit Dorais.

Du côté de l’opposition officielle, on se montre fort critique de la façon qu’a l’administration Plante-Dorais d’appréhender la situation. Le conseiller municipal Alan DeSousa, porte-parole en matière de finances pour Ensemble Montréal, s’inquiète de ce qu’il perçoit comme de « l’improvisation ». « Il y a un manque de transparence dans ce que l’on nous dit. C’est un manque de respect », commente M. DeSousa.