L'école primaire de Saint-Amand a réglé le problème du déconfineemnt et celui de la distanciation en faisant la classe dans le gazon.

« C’est vraiment cool ! »

Léa Campbell, 11 ans, est en 6e année. Elle n’a pas hésité une seconde quand on a annoncé la réouverture des écoles primaires le 11 mai, sauf dans le Grand Montréal. « J’ai tout de suite voulu y aller », dit-elle, assise dans une chaise Adirondack en plastique, son portable ouvert sur les genoux. Mais dehors, même à 34˚C, sous un soleil de plomb, c’est 1000 fois mieux.

L’école de Saint-Armand s’appelle Notre-Dame-de-Lourdes. C’est une toute petite école située au bout d’un chemin cahoteux, dans un magnifique village au sud de Montréal, près de la frontière américaine. En temps normal, elle accueille 56 élèves, répartis dans quatre classes. Mais depuis le 11 mai, elle n’en compte que 31.

Alexandra Couture, qui enseigne aux élèves de 5e et 6e, en a 11. Avant, elle en avait 15. Les quatre autres sont à la maison et reçoivent de l’enseignement à distance.

L’idée de faire l’école dehors, c’est un peu son idée. D’autres profs, au Québec, ont aussi décidé d’enseigner à ciel ouvert. À Magog, Nadine Nadeau et Sarah Regout profitent du terrain de l’école secondaire La Ruche, où les élèves ne retourneront pas avant septembre.

> Lisez le texte de La Tribune

Alexandra Couture, elle, ne se voyait pas faire la classe à ses élèves assis en rangs d’oignon à deux mètres les uns des autres pour respecter les impératifs sanitaires.

Avant la crise causée par la COVID-19, cette enseignante de 29 ans avait un sofa dans sa classe et des îlots de travail. Elle avait créé ce qu’on appelle un « aménagement flexible » (flexible seating en anglais) : les enfants pouvaient travailler debout, s’asseoir dans des chaises de jardin ou lire allongés par terre.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Alexandra Couture est enseignante en 5e et 6e années à l’école Notre-Dame-de-Lourdes, à Saint-Armand

« On est quatre profs en bas de 30 ans à l’école », explique-t-elle, assise dans l’herbe sous un soleil écrasant, derrière ses lunettes miroir. « On est toutes très crinquées, très motivées. Oui, c’est sûr qu’on était un peu anxieuses comme tout le monde. On se demandait comment ça allait se passer. Mais l’anxiété n’est pas restée très longtemps. »

L’école Notre-Dame-de-Lourdes donnait déjà quelques cours dehors avant la crise, quand le temps le permettait : les sciences et les arts plastiques. Alors, pourquoi ne pas ajouter les autres matières ? s’est demandé Alexandra Couture. Le renouvellement de l’air permet de réduire le risque de contagion à l’extérieur, même si Saint-Armand ne compte pas un seul cas de COVID-19.

On fait vraiment des apprentissages. Moi, je fais mon français dehors, les maths dehors. C’est pas les vacances. C’est pas un camp de jour, même si ça ressemble à ça.

Alexandra Couture

« On est assis en rond, on se parle. Je crois fermement que ces six semaines d’école valent la peine pour l’éducation des enfants. Ceux qui sont ici, je sais que ça va faire une différence dans leur parcours académique. Même ceux qui sont à la maison. Tous les jours, je leur parle entre une demi-heure et une heure. »

S’il ne pleut pas, les élèves qui viennent à l’école passent toute la journée dehors. Ils n’entrent que pour aller chercher leur matériel scolaire le matin et… écouter le point de presse du premier ministre Legault à 13 h.

« On en jase. Après, on sort. »

Cette semaine, avec la vague de chaleur, Alexandra Couture a décidé de faire un appel à tous sur la page Facebook de la municipalité pour se procurer des abris de jardin. « Ça m’inquiétait un peu, dit-elle. Ici, on n’a pas d’ombre. »

Résultat : le jour même, des parents en ont apporté cinq à l’école. Et Construction Beaudoin de Bedford a offert un chapiteau de 40 pieds sur 40 pour le reste de l’année, livré et installé mercredi.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Afin de permettre aux élèves et aux enseignants de l’école Notre-Dame-de-Lourdes de passer la journée à l’extérieur, une entreprise locale de construction a offert un chapiteau pour le reste de l’année, livré et installé mercredi.

« Pour vrai, on est vraiment touchées, on est vraiment émues de voir que les gens ont embarqué dans notre projet, dit-elle. C’est sûr que c’est beaucoup d’adaptation, de gestion et de logistique. Mais on se rend compte que ça nous donne des possibilités immenses de faire autre chose. On a un gros speaker. On met de la musique dehors. L’ambiance est le fun, vraiment. »

Pense-t-elle que cela va changer la façon d’enseigner en septembre ?

« C’est sûr. On sait qu’on peut faire la classe dehors et qu’on est aussi capables d’utiliser l’application Teams. Ça va changer la façon d’enseigner et pour le mieux, en plus. Les enfants trouvent que les journées passent vite ; ils ne veulent pas retourner dans l’école. »

Au Québec, selon les plus récentes données dont dispose le ministère de l’Éducation, 46 % des élèves du primaire sont retournés en classe dans le réseau public. Au privé, la proportion est de 51 %. À l’école de Saint-Armand, elle est de 55 %.