Les soins de santé privés et les soins corporels et esthétiques seront de nouveau permis à compter du 1er juin, sauf dans le Grand Montréal et la MRC de Joliette. Beaucoup poussent donc un soupir de soulagement, pendant que d’autres continuent de retenir leur souffle.

Le bruit des séchoirs et l’odeur du décolorant seront bientôt de retour en force dans les salons de coiffure, au grand bonheur des coiffeurs, mais probablement plus encore des clients.

« Cette semaine, une cliente était prête à me donner 500 $ pour ses mèches ! Je n’ai jamais, jamais, jamais dit oui. »

Krystel Waite, copropriétaire et fondatrice de KDM & Cie, salon de coiffure et d’esthétique ayant pignon sur rue à Sherbrooke, s’est fait solliciter à de nombreuses reprises pour offrir ses services de coiffure clandestinement, à domicile.

« Je t’avoue que ça m’a effleuré l’esprit : 500 $, alors qu’on crève de faim, dit-elle honnêtement. Mais, je n’ai pas succombé. Je n’ai même pas fait les cheveux de ma mère ! »

L’entrepreneure sherbrookoise est impatiente d’accueillir de nouveau ses clientes. Elle l’avoue, sa plus grande préoccupation liée à la réouverture ne concerne ni les mesures sanitaires à mettre en place ni les risques de contracter la COVID-19. Non, le plus gros stress, c’est de rappeler toutes ses clientes et de les satisfaire.

PHOTO KIM DESPRÉS NGUYEN, FOURNIE PAR KRYSTEL WAITE

Krystel Waite, copropriétaire et fondatrice de KDM & Cie

« On a deux listes : une d’environ 300 noms de toutes celles dont le rendez-vous a été annulé. Et une liste d’attente de 150 à 200 noms. »

Elle s’attend à une période d’adaptation de quelques semaines. Il faudra rattraper le temps perdu, corriger les désastres capillaires et s’habituer aux nouvelles mesures sanitaires.

Il faut désinfecter entre chaque cliente. Juste en perte de temps, on estime que ce sera six minutes l’heure. Chaque jour, c’est environ 45 minutes qu’on perd. Avant, je faisais trois ou quatre clientes en même temps. Là, je vais en faire une ou deux, maximum.

Krystel Waite, copropriétaire et fondatrice de KDM & Cie

« Les clients doivent s’attendre à une hausse des prix considérables, prévient-elle. Dans l’industrie, selon les régions, ce sera de 10 % à 15 %. Nous, on l’a fixée à 11 %. »

« Il ne faut pas oublier qu’il y a eu l’augmentation du salaire minimum, l’indexation du coût de la vie et, en plus de tout ça, les pertes dues au coronavirus et les frais sanitaires qui s’ajoutent. Chez nous, nos frais sanitaires seront grosso modo de 3 $ », explique Mme Waite.

La coiffeuse Marie-Andrée Martin, qui loue une chaise au salon de coiffure Les Malpolis, à Granby, s’attend de son côté à essuyer des pertes financières.

« Ça va avoir un contrecoup financier, c’est sûr. Mon plus gros problème, c’est de replacer les gens dans mon horaire et dans le temps. Je faisais déjà plus que du temps plein. Je faisais deux colorations en même temps, mais pour respecter [la distanciation physique], je ne pense pas que je pourrai continuer », croit Marie-Andrée Martin.

« J’ai eu beaucoup d’appels pendant le confinement, du monde qui me demandait d’aller chez eux – je disais non –, des clientes qui me disaient : “Ne m’oublie pas”, d’autres qui me demandaient de les mettre en haut de la liste d’attente… J’ai hâte de recommencer à travailler, mais c’est surtout mes clientes qui ont hâte que je recommence ! », dit-elle en riant.

Montréal à part

Au bout du fil, Kenza Attahri avait le ton moins enjoué, mercredi soir. La coiffeuse qui s’occupe seule de son salon, Le Boudoir, dans Outremont, devra, comme tous ses pairs de la communauté métropolitaine, prendre son mal en patience pour une durée indéterminée.

« C’est une grande déception que, nous, on ne puisse pas ouvrir. On prendra les mêmes mesures qu’ailleurs au Québec. Alors je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas ouvrir », dit-elle sur un ton exaspéré.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Kenza Attahri, coiffeuse et propriétaire du salon Le Boudoir, dans Outremont

« Je vois une cliente à la fois. C’est moins risqué de venir à mon salon que d’aller à l’épicerie », ajoute-t-elle.

Son téléphone n’a pas dérougi de la journée. Trop excitées par l’annonce du gouvernement, plusieurs de ses clientes ont loupé le détail qui exclut le Grand Montréal et la MRC de Joliette de la mesure de déconfinement.

« Si je n’ouvre pas en juin, ça va être très difficile de survivre. Ça fait trois mois que je paie un loyer, sur l’avenue Bernard. Un mois de plus et je ne joins plus les deux bouts. On voit nos business s’effondrer devant nous et on ne peut rien faire », se désole la travailleuse autonome.

Les dentistes rouvrent sans exception

La distinction de territoire ne s’applique toutefois pas aux cliniques de soins buccodentaires et aux centres dentaires, qui pourront rouvrir leurs portes à compter du 1er juin, non plus seulement pour les urgences, et ce, à la grandeur de la province.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Tous les centres dentaires et cliniques de soins buccodentaires du Québec pourront rouvrir leurs portes à compter du 1er juin.

« C’est une très bonne nouvelle. Les dentistes me disaient qu’ils commençaient à s’inquiéter pour la santé buccodentaire de leurs patients. Même s’ils pouvaient traiter les urgences, le temps finit par jouer contre nous », a fait valoir le Dr Guy Lafrance, président de l’Ordre des dentistes du Québec, mercredi.

S’il y a un petit problème, mais qu’on le laisse aller dans le temps, il empirera. Ça fait 10 semaines, il est temps de faire des traitements plus permanents.

Le Dr Guy Lafrance, président de l’Ordre des dentistes du Québec

Un premier guide de pratiques avait été réalisé pour les traitements d’urgence, qui étaient autorisés. La fin de semaine dernière, les cabinets de dentistes ont reçu une version améliorée et beaucoup plus complète pour assurer une réouverture en toute sécurité.

« On a étudié les mesures comme il faut avec les gens des différents ministères pour s’assurer que tout le monde travaille en sécurité. On est soucieux de la sécurité des patients, mais aussi de celle du personnel en milieu dentaire », dit le Dr Lafrance.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) salue cette reprise progressive des soins de santé privés et des soins corporels et esthétiques, qu’elle considère comme « une autre étape importante dans la relance économique ».

« Nous saluons le travail de collaboration entre les associations patronales et syndicales et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ainsi que la Santé publique, qui a permis la réalisation de trousses d’outils spécifiques pour guider les entreprises dans la reprise de leurs activités », a déclaré Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ.