(Québec) Frappé par la crise sanitaire, le Québec aura également sur les bras un grave problème environnemental s’il privilégie les masques jetables, prévient Greenpeace.

L’organisme exprime des inquiétudes au moment où le gouvernement Legault recommande « très fortement » le port du masque en société et flirte avec l’idée de le rendre obligatoire.

Vendredi dernier, François Legault a promis le don d’un million de masques à la ville de Montréal et de 6 millions aux sociétés de transport afin qu’elles puissent distribuer des masques à l’entrée de leurs services.

Le premier ministre avait auparavant indiqué que le Québec aurait besoin de « dizaines de millions » de masques.

Déjà, les masques et les gants jetables polluent les trottoirs de la métropole, s’est désolée en entrevue mardi Agnès Le Rouzic, responsable de la campagne Océans et plastique chez Greenpeace Canada.

Ces objets, non biodégradables et potentiellement contaminés, risquent de se retrouver en grande partie dans les sites d’enfouissement, mais aussi dans les égouts puis dans les différents cours d’eau, prévient-elle.

Les masques jetables sont typiquement faits d’un mélange de fibres synthétiques et de cellulose, d’un élastique et d’un bout de métal.

Ils peuvent mettre en danger la faune sauvage et, comme les lingettes, boucher des canalisations dans les réseaux de traitement des eaux usées des villes, selon les environnementalistes.

Mme Le Rouzic calcule qu’une personne qui doit se rendre au travail et porter le masque utilise en moyenne trois masques jetables par jour.

« On a déjà un problème de pollution qui est extrêmement grave, a-t-elle déclaré. Là, on est en train de créer une autre forme de pollution qui n’existait pas avant, alors même qu’on n’a pas diminué ni interdit aucun des plastiques à usage unique qu’on retrouve le plus dans l’environnement. »

Elle a dit s’attendre à ce que le Québec, plus touché par la COVID-19, connaisse des problèmes environnementaux plus importants.

Solutions ?

La solution, selon Greenpeace, passe notamment par le gouvernement du Québec, qui devra encourager la production locale et le port du masque réutilisable.

Si la priorité demeure la santé publique, il n’est pas trop tôt pour penser à la production de masques compostables, ajoute Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki.

« On peut se dire : on va introduire tout de suite les notions d’écoconception dans ces produits-là, au lieu de le faire à retardement », a-t-elle affirmé en entrevue.

« Moi, je ne vois pas ça comme gênant pour un gouvernement à l’heure actuelle de dédier une partie de sa réflexion, ou une partie des fonds d’investissement, pour améliorer la performance environnementale de certains des équipements qui sont nécessaires », a-t-elle poursuivi.

Mme Hénault-Ethier croit que le gouvernement fédéral pourrait également revoir sa liste de plastiques à usage unique, en y incluant possiblement les masques, les gants et les visières.

La directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe, est également intervenue dans le débat mardi. « C’est très préoccupant d’observer une augmentation des produits à usage unique, y compris les masques », a-t-elle affirmé à La Presse canadienne.

Mardi, le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a déclaré que la pandémie bouleverse le plan fédéral visant l’interdiction de l’utilisation de plastique à usage unique en 2021.

Bien que le gouvernement ait toujours l’intention d’instaurer l’interdiction de certains plastiques, le ministre admet qu’il ne peut plus dire quand cela aura lieu.

Suremballage

Greenpeace en a aussi profité mardi pour sonner l’alarme sur le suremballage des fruits et des légumes dans certaines épiceries. Le plastique n’est pas « la matière hygiénique par excellence ».

Il procurerait aux clients « une fausse impression de sécurité », avance-t-on, alors que l’important reste de bien laver ses produits.

Pour appuyer ses dires, l’organisme cite deux études menées au Royaume-Uni et en Allemagne, qui démontrent que le plastique est l’une des matières sur lesquelles le virus reste viable le plus longtemps.

« Les lobbys du plastique ont vraiment fait un sacré travail de sape pour faire reculer toutes les avancées qu’on avait obtenues au niveau des interdictions des sacs de plastique notamment, s’est indignée Mme Le Rouzic. On a presque l’impression d’avoir à recommencer à zéro.

“Je pense qu’il y a énormément de consommateurs qui voient ça aller et qui ne sont pas forcément très contents, donc on va continuer notre travail auprès du gouvernement », a-t-elle promis.