(Québec) Après deux mois passés au front à soigner les victimes de la pandémie, les infirmières se disent fatiguées et estiment avoir le droit de prendre des vacances, comme tout le monde, cet été.

Elles exigent donc du gouvernement Legault qu’il annule sa décision prise en mars, ayant pour effet de mettre en veilleuse leurs conditions de travail, incluant les vacances, en raison de la crise sanitaire qui sévit au Québec.

Elles étaient une trentaine, mardi, venues manifester devant les bureaux du premier ministre François Legault à Québec, entourant — à bonne distance — la présidente de la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ), Nancy Bédard.

« Ce qu’on veut, c’est le fait de récupérer nos droits, nos vacances, nos congés, nos horaires de travail. Qu’on arrête d’être bafouées et d’être malmenées », a résumé la présidente de la FIQ, devant les journalistes.

La FIQ représente 76 000 professionnels de la santé, dont bon nombre ont été durement éprouvés au cours des derniers mois.

Le processus de déconfinement étant désormais amorcé, le gouvernement doit maintenant respecter les conventions collectives conclues entre les parties, a fait valoir Mme Bédard.

L’heure est venue de « cesser de traiter les gens par arrêté » ministériel, a-t-elle revendiqué.

Le 21 mars, le gouvernement a adopté l’arrêté ministériel 2020-007, en vertu duquel les gestionnaires du réseau de la santé obtenaient plus de pouvoirs, dont celui de suspendre ou d’annuler les congés de toute nature, incluant les vacances déjà autorisées, et celui de modifier leurs horaires de travail.

La ministre de la Santé, Danielle McCann, qui a signé l’arrêté ministériel, était présente sur les lieux, masquée. Elle s’est montrée compréhensive, disant vouloir « aller au maximum » de ce que le gouvernement pouvait faire pour respecter le droit des infirmières de planifier leurs vacances, mais sans prendre aucun engagement précis.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Santé, Danielle McCann

« Vous avez besoin de vous reposer. Vous êtes fatiguées », a reconnu la ministre, en s’adressant aux manifestantes.

Les infirmières se disent prêtes à conclure des « ententes particulières », au besoin, nommément à Montréal où la pandémie a frappé de plein fouet, dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).

En conférence de presse, le premier ministre François Legault s’est dit pour sa part « déçu » de la manifestation.

Dans ses commentaires, il n’a pas abordé la question des vacances, préférant plutôt parler d’une autre revendication des infirmières, soit la révision à la baisse des ratios (le nombre de patients soignés par infirmière).

Une telle initiative implique d’embaucher plus d’infirmières à temps plein, a-t-il fait valoir, ce qui ne va pas de soi, selon lui.

« Depuis qu’on est au gouvernement, depuis un an et demi, on a beaucoup augmenté le nombre de postes, à peu près à tous les niveaux, infirmières, préposés et autres, mais malheureusement, beaucoup de postes sont restés non comblés », a-t-il déploré.

On sait que de nombreuses infirmières hésitent à poser leur candidature pour un poste à temps plein, de crainte de devoir effectuer des doubles quarts de travail ou encore de se voir confier un poste de nuit ou de week-end.

Résultat : dans le réseau de la santé, la moitié du personnel travaille à temps partiel.

« Il n’y a pas une organisation, publique ou privée, qui pourrait fonctionner comme on le fait actuellement, avec la moitié de ses effectifs qui sont à temps partiel. Donc, il faut vraiment trouver des incitatifs financiers pour que les postes à temps plein, incluant les postes de nuit, de soir, de fin de semaine, soient comblés », a observé le premier ministre.