Il n’y a encore ni vaccin ni médicament très efficace. Mais, de jour en jour, les médecins en apprennent davantage sur les façons de mieux combattre la COVID-19.

En témoignent ces 20 % à 40 % de patients atteints de la maladie qui auraient été intubés il y a quelques semaines et qui évitent maintenant cette procédure invasive.

C’est ce qu’explique le Dr Martin Albert, intensiviste à l’hôpital du Sacré-Cœur, l’un des principaux centres désignés à Montréal pour recevoir les patients atteints de la COVID-19. 

Si les manifestations de la COVID-19 s’apparentent au syndrome de détresse respiratoire, la contagiosité de la maladie a vite fait comprendre aux médecins que les soins aux patients s’en trouvaient compliqués.

En donnant de l’oxygène à haut débit aux patients, que ce soit avec un masque à oxygène ou par lunette nasale, « on crée des aérosols, ce qui augmente la quantité de virus dans la pièce et ce qui présente un risque pour le personnel soignant ».

Par précaution, les médecins d’ici (comme ceux d’autres pays) ont donc d’abord eu tendance à se tourner rapidement vers l’intubation, qui, elle, éliminait le risque que le patient dégage des aérosols, poursuit le Dr Albert.

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN ALBERT

Le Dr Martin Albert

Mais au fil du temps, les médecins se sont rendu compte que si les besoins en oxygène des patients sont élevés, ils se retrouvent moins incommodés par cet état que les patients atteints d’un syndrome de détresse respiratoire habituel.

De plus en plus de patients sont donc maintenant non plus intubés par la bouche, mais ventilés par des respirateurs moins invasifs de type BiPAP ou CPAP.

L’hôpital du Sacré-Cœur fait aussi bon usage des 500 masques de plongée sous-marine qui lui ont été donnés par l’entreprise Decathlon, poursuit le Dr Albert. « Avec leur double membrane de silicone, ils permettent eux aussi de limiter la quantité d’aérosols émis par les patients. »

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La Dre Véronique Brunette, collègue du Dr Martin Albert, portant le masque de plongée sous-marine

À la limite, ils pourraient aussi être portés par le personnel soignant, mais comme il fait chaud là-dedans, à Sacré-Cœur, on les réserve pour l’instant aux patients.

Parmi les autres constats se trouve le fait qu’il est encore plus bénéfique pour les patients atteints de la COVID-19 d’être couchés sur le ventre que ce l’est pour les patients atteints du syndrome de détresse respiratoire typique. Ils le sont donc à raison de 16 heures par jour, explique le Dr Albert.

On sait aussi mieux doser les médicaments visant à réduire les risques d’embolie, auxquels les patients atteints de la COVID-19 sont particulièrement exposés.

Autre amélioration, administrative, celle-là : dans les hôpitaux, on est maintenant capable de remédier à des situations beaucoup plus vite qu’avant. « En quelques semaines, raconte le DAlbert, on a fait des changements qui, en temps normal, nous auraient pris des années. »

Par exemple, l’hôpital du Sacré-Cœur, vétuste, qui n’avait avant la pandémie que 4 chambres à pression négative, en compte maintenant 70. Répétons-le, cela minimise l’émission de gouttelettes ou d’aérosols.

Enseignements venus d’ailleurs

Les observations des médecins asiatiques, européens et nord-américains sont autant d’enseignements précieux pour les médecins d’ici. Exceptionnellement, les revues médicales (les Lancet ou New England Journal of Medicine) publient rapidement les études et les témoignages de médecins.

Le Dr Albert mentionne par exemple cette étude importante « qui porte sur les traitements et les complications de 1000 patients qui ont été admis aux soins intensifs en Lombardie, en Italie ».

Et les médicaments ?

Le Dr Michel de Marchie, intensiviste à l’Hôpital général juif, relève lui aussi qu’au début, les médecins se sont rapidement tournés « vers des intubations plus prématurées », qui nécessitent beaucoup de sédatifs.

« Nous parvenons maintenant à être plus conservateurs dans notre approche. »

L’approche médicamenteuse a aussi changé. Le Dr de Marchie souligne que certains des premiers patients admis aux soins intensifs de l’Hôpital général juif ont reçu l’antiviral remdésivir. « On l’a employé avec parcimonie, puis on l’a abandonné. J’avais mes réserves quant à son efficacité. »

La chloroquine ? « Si elle a une efficacité, elle est marginale, et elle a beaucoup d’effets secondaires. »

Le Dr de Marchie dit par contre avoir « une confiance mesurée » dans les thérapies pour l’interleukine 6, qui visent à « bloquer la protéine inflammatoire ».

« On n’en est encore qu’à une trentaine de patients traités en ce sens, et il est bien trop tôt pour en tirer de vraies conclusions, mais il semble y avoir une certaine efficacité. »

Sur le fond, insiste le Dr de Marchie, il reste que c’est « une lourde bataille » et qu’on aurait absolument tort de baisser la garde.

Non, ce n’est pas une maladie qui attaque exclusivement les personnes âgées en CHSLD, fait-il observer. « J’ai eu un patient de 34 ans, des femmes enceintes qui ont été très malades, des gens de 40 à 60 ans sans facteur de risque. »

C’est « une maladie sournoise », rappelle-t-il, en insistant par la même occasion sur l’importance de respecter la distanciation physique et de porter un masque artisanal lors de déplacements ou de courses en ville, comme il le fait lui-même.