Combien de Canadiens ont réellement contracté la COVID-19 ? Santé Canada a approuvé, cette semaine, un premier test sérologique qui aidera la communauté scientifique à résoudre ce mystère. Au cours des deux prochaines années, au moins un million d’échantillons sanguins seront prélevés au sein de la population dans le cadre d’un vaste projet de recherche pancanadien.

À quoi servent les tests sérologiques ?

À mesurer les anticorps spécifiques à la COVID-19 pour déterminer si une personne a antérieurement contracté le coronavirus. Ce n’est pas une technique qui sert à poser un diagnostic en temps réel chez une personne symptomatique.

En testant une masse critique de personnes, il sera possible de déterminer le pourcentage de la population qui a réellement été infectée par le virus SARS-CoV-2 et donc d’établir avec plus de précision la proportion de cas asymptomatiques. À plus long terme, les scientifiques pourront aussi déterminer si la présence d’anticorps dans le sang des personnes infectées leur confère une immunité.

Le 12 mai, un premier test de type sérologique a été approuvé par Santé Canada. Il s’agit du test LIAISON conçu par l’entreprise italienne DiaSorin. Plusieurs autres technologies qui tentent de mesurer les anticorps dans le sang sont en attente d’approbation par Ottawa.

Comment fonctionne le test LIAISON ?

« Notre test est tout à fait unique », a indiqué le directeur commercial en chef de DiaSorin, Chen M. Even, lors d’une entrevue téléphonique avec La Presse. « Il a été spécialement conçu pour détecter les anticorps qui ciblent les pics 1 et 2 du virus. Je m’explique : le virus est rond et entouré de pics de protéines. Ces pics permettent au virus de s’attacher aux cellules et de les infecter. Pour bloquer le virus, il faut bloquer ces pics et nous avons conçu le test pour détecter les anticorps face à ces pics. Nous nous distinguons de nos concurrents par le fait que si vous êtes positif à notre test, vous êtes porteur d’anticorps protecteurs et non simplement d’anticorps. »

Le test se déroule comme une prise de sang de routine. L’instrument qui analyse le sang peut analyser jusqu’à 170 prélèvements par heure.

Qui utilisera les tests sérologiques ?

Pour l’instant, Santé Canada a officiellement indiqué que le test serait utilisé par le Groupe de travail sur l’immunité, une équipe pancanadienne coprésidée par la Dre Catherine Hankins, professeure de santé publique et populationnelle à l’Université McGill. « On veut essayer d’établir sur une base assez représentative pour la population en général quel est le niveau d’anticorps. Notez bien que je ne dis pas quel est le taux d’immunité parce qu’en fin de compte, les anticorps, ça montre que le corps a montré une réponse immunitaire. Actuellement, on ne sait pas encore si les anticorps, ça protège, et, si oui, pour combien de temps », dit-elle.

D’autres projets de recherche épidémiologiques mesurant le taux d’anticorps dans la population auront lieu dans les provinces. Rien de concret n’a été annoncé du côté du gouvernement du Québec. « Pour l’instant, les orientations de la Santé publique quant aux tests sérologiques se limitent à planifier la réalisation d’études de séroprévalence auprès de certaines populations afin d’évaluer la proportion de ces groupes ayant été en contact avec le virus de la COVID-19 », nous a répondu le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec dans un courriel laconique.

Qui sera testé ?

Selon Santé Canada, au moins un million de prélèvements sanguins seront réalisés au cours des deux prochaines années dans le cadre des travaux du Groupe de travail sur l’immunité. La Dre Hankins explique qu’en plus d’une cohorte représentative de la population en général, des cohortes de travailleurs de la santé et d’aînés seront suivies. Les groupes prioritaires seront choisis la semaine prochaine. Les candidats seront testés à plusieurs reprises au fil du temps. « On ne veut pas juste avoir une photo », précise la Dre Hankins. Les chercheurs voudront déterminer si les personnes qui ont contracté le coronavirus sont immunisées partiellement ou totalement et, si oui, pour combien de temps. « On sait que pour les virus respiratoires en général, ça ne confère pas une immunité complète après le rétablissement, mais là, pour la COVID-19, on ne sait pas. On veut mesurer la durée de l’immunité, si effectivement on est immunisé. On veut aussi déterminer si les symptômes seront moins graves ou plus graves s’il advenait que l’on puisse contracter la COVID-19 une deuxième fois. »

Est-ce que les particuliers pourront demander à leur médecin de leur faire subir un test sérologique ?

Ni Santé Canada ni le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec n’ont été en mesure de nous répondre à ce sujet au cours des derniers jours. Chose certaine, indique la Dre Hankins, il faut faire attention au faux sentiment de sécurité. « Moi, je dirais aux gens : “Même si vous l’avez eu, vous devez continuer à vous protéger.” On ne sait pas si ça donne une immunité pour l’avenir. »

Par contre, le fait de savoir qui a contracté la COVID-19 permettra de prioriser l’accès à un éventuel vaccin, dit la Dre Hankins. « Il faut savoir qui sont les gens qui devraient le recevoir et dans quel ordre. »

De son côté, Chen M. Even estime que les études populationnelles qui visent à mesurer les anticorps sont très utiles quand vient le temps d’organiser la réponse du système de santé. « Je vais vous donner un exemple. Si vous mesurez toute la population de la Ville de Québec et que vous découvrez que 1 % est positive aux anticorps, cela veut dire que 99 % de la population pourrait encore s’infecter, donc vous avez intérêt à calculer le nombre de lits d’hôpital disponibles. Si, en revanche, 20 % des gens ont contracté le virus, bonne nouvelle ! Vous venez de découvrir que la majorité des cas positifs n’ont jamais eu besoin d’être hospitalisés et donc que la proportion des 80 % restants qui aura besoin d’un séjour à l’hôpital ou aux soins intensifs sera bien moindre. Donc le facteur de peur se dissipe de beaucoup. »