Après les CHSLD et les hôpitaux, le virus s’installe dans les refuges pour sans-abri de Montréal, ce qui préoccupe des intervenants qui souhaitent voir plus de tests de dépistage. Des éclosions de COVID-19 ont été recensées au complexe Guy-Favreau et au Marché Bonsecours, ainsi qu’au Centre Booth, organisme communautaire destiné aux hommes avec des problèmes d’itinérance, où un résidant a même succombé au virus et 14 autres ont été contaminés depuis le début de la pandémie.

Le YMCA du complexe Guy-Favreau et le Marché Bonsecours, dotés respectivement de 107 et 50 lits, sont deux milieux d’hébergement temporaires pour itinérants devenus foyers d’éclosion où ont été comptabilisés moins d’une dizaine de cas.

Aux prises avec de nombreux problèmes de sevrage en contexte de pandémie et une santé physique et mentale précaire, la communauté itinérante demeure l’une des plus vulnérables à la COVID-19.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a confirmé la présence des cas positifs dans les deux refuges et a assuré avoir rapidement pris les mesures pour pallier la situation.

On a procédé à une opération de dépistage visant 130 personnes en situation d’itinérance le week-end dernier.

Les refuges demeurent toujours ouverts.

Nous continuons de recevoir cette clientèle en prenant toutes les précautions nécessaires.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Par contre, il n’y a pas de nouvelles admissions à Guy-Favreau par précaution, a confié un employé de l’endroit à La Presse.

Pour prévenir les éclosions et en réduire l’impact dans les milieux d’hébergement, certaines initiatives ont été mises en place, d’autres ont été intensifiées, assure le CIUSSS.

Le CIUSSS a fait la tournée des refuges temporaires montréalais pour repérer toutes les personnes symptomatiques, qui ont été testées ou seront testées à la clinique de l’Hôtel-Dieu de Montréal.

« Nous avons également identifié les personnes les plus vulnérables – à cause de l’âge ou de leurs conditions de santé – afin de les relocaliser dans les hôtels », soutient Éric Forest, relationniste du CIUSSS.

Les mesures de désinfection, le lavage des mains et la distanciation physique ont été rehaussés.

Un nouveau lieu d’hébergement ouvrira ses portes pour favoriser la distanciation physique. Les usagers déclarés positifs seront hébergés au Pavillon Ross de l’ancien hôpital Royal Victoria.

Le Centre Booth

Au Centre Booth de l’Armée du Salut, situé dans le Sud-Ouest de Montréal, au coin des rues Guy et Saint-Antoine, un résidant de 70 ans a succombé à la COVID-19 le 25 avril. Un historique de maladie cardiaque ainsi que son âge avancé le mettaient particulièrement à risque.

L’établissement, occupé par 160 adultes, est un foyer d’éclosion depuis déjà plus d’un mois, affirme Brigitte Saint-Germain, porte-parole de l’Armée du Salut. Le premier cas confirmé de COVID-19 chez un occupant date du 9 avril. « Dès qu’on a su pour ce premier cas, les protocoles de la Santé publique ont été renforcés. » L’endroit dispose d’une salle d’isolement et d’équipements de protection pour les employés, assure Mme Saint-Germain. Une entreprise de nettoyage vient désinfecter l’endroit quatre fois par semaine. « Un traiteur vient porter la nourriture pour ne pas qu’on cuisine. Le CIUSSS vient régulièrement vérifier que les protocoles sont appliqués. »

Au total, 15 résidants ont contracté le virus, y compris le défunt. Parmi cette quinzaine de cas positifs, six se trouvent présentement confinés à l’extérieur du centre. Les autres se sont rétablis.

On les reprend seulement quand ils ont le papier du médecin qui prouve qu’ils sont guéris.

Brigitte Saint-Germain

Plusieurs atterrissent à l’Abri du voyageur, un hôtel de confinement pour les sans-abri en attente du résultat de leur test. L’endroit, situé au coin de la rue Sainte-Catherine Est et du boulevard Saint-Laurent, dispose d’une cinquantaine de places.

Rappelons que 3 hôtels comptant un total de 202 chambres ont été réquisitionnés par l’agglomération de Montréal pour les personnes en situation d’itinérance qui ont obtenu un résultat négatif à leur test de dépistage de la COVID-19.

Dépister, isoler, protéger

À Montréal, les tests de dépistage pour les personnes en situation d’itinérance se déroulent exclusivement à la Clinique de dépistage de l’Hôtel-Dieu de Montréal pendant la journée et aux urgences de certains hôpitaux la nuit.

Pour l’instant, les tests se font selon les mêmes critères que pour le reste de la population. Il faut présenter des symptômes ou avoir été en contact avec une personne déclarée positive pour y avoir droit.

Après avoir procédé au test dans l’un des deux sites, on remet au patient une attestation de dépistage de la COVID-19 qui lui donne accès à un hôtel de confinement.

On envoie à l’hôpital Royal Victoria les personnes en attente de résultat qui présentent un risque de sevrage.

Plus de tests

Fiona Crossling, directrice générale de l'Accueil Bonneau, n’est pas alarmée, mais préoccupée. La contamination au sein des milieux itinérants n’est ni étonnante ni nouvelle, juge-t-elle. Les protocoles de la Santé publique ont, de façon générale, fonctionné. « Les efforts nécessaires ont été déployés. Ça demeure inquiétant pour nos intervenants et pour nos résidants. On veut qu’ils restent en santé. »

« Il faut procéder à plus de tests chez nos communautés vulnérables », dit-elle sans équivoque. Un dépistage massif permet d’obtenir plus d’information sur une communauté donnée et de mieux répondre à ses besoins.

Il faut aussi penser plus loin que les unités temporaires, plaide-t-elle.

« On a été en mesure de dégager très rapidement des ressources temporaires pour la communauté itinérante. On peut lui offrir des options de logement à long terme. Qu’est-ce que ça donne, une unité temporaire, si on la ferme ? »

Elle demeure optimiste. « Oui, on pourrait faire beaucoup plus de tests. On dispose toutefois d’un très bon partenariat entre la Ville, la Santé publique et les organismes communautaires et ça, c’est excellent. »