(Ottawa) Le gouvernement fédéral aurait tout intérêt à préciser ses intentions concernant l’admissibilité à la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pour les travailleurs qui ne se sentent pas en sécurité au travail, selon une avocate spécialisée en droit du travail.

Marianne Plamondon, associée chez Langlois avocats, prévient que les employés qui refusent de retourner travailler sans motifs valables et qui décident de percevoir la PCU devront rembourser les sommes reçues lorsque l’Agence du revenu du Canada fera des vérifications.

« L’objectif, c’était pour les gens qui étaient vraiment dans le besoin, pas pour ceux qui n’ont pas le goût de retourner travailler », a fait valoir Me Plamondon en entrevue téléphonique.

Dans les derniers jours, le premier ministre Justin Trudeau et ses ministres ont refusé de répondre directement aux questions portant sur l’admissibilité à la PCU pour les travailleurs qui craindraient pour leur sécurité.

Lundi, M. Trudeau a délégué la responsabilité de la sécurité du travail aux provinces, alors que son président du Conseil du trésor, Jean-Yves Duclos, a déclaré que tout travailleur dans cette situation devrait avoir une « discussion appropriée avec son employeur ».

Quelques heures plus tard, la ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough, a laissé tomber devant un comité fédéral, en réponse à une question du député conservateur Kelly McCauley, que ces travailleurs pourraient rester à la maison et recevoir la PCU.

« J’essaie de respecter les juridictions provinciales, mais du point de vue de l’admissibilité, du point de vue de la PCU, la réponse à votre question est oui. Mais il y a aussi une couche de juridictions provinciales du travail dans certains cas », s’est-elle empressée d’ajouter.

Selon Me Plamondon, le gouvernement fédéral entretient une certaine confusion à ce sujet. Ce « flou » pourrait avoir pour effet que les employés décident de ne pas se présenter au travail, sans en connaître les réelles conséquences.

« Si on commence à dire oui à ça, il n’y a plus personne qui va vouloir retourner (au travail) et tout le monde va vouloir terminer leurs quatre mois de PCU avant de retourner travailler. L’économie ne pourra pas reprendre », décrit l’avocate en droit du travail.

Elle met en garde aussi contre la tentation de jouer à la cigale tout l’été.

« On peut s’attendre à ce que la crise soit beaucoup plus longue et qu’elle perdure après l’été. Et donc si c’est le cas, les gens vont avoir écoulé toute leur PCU si jamais on a une deuxième vague à l’automne. Et donc ça va mener à l’obligation pour le fédéral de lancer des nouveaux programmes ou les prolonger à nouveau. Encore des coûts ! » avertit-elle.

La PCU offre 2000 $ pour chaque tranche de quatre semaines, pour un maximum de 16 semaines. Elle est disponible rétroactivement du 15 mars et jusqu’au 3 octobre 2020.

La prestation est offerte aux personnes qui ont cessé de travailler pour des raisons liées à la COVID-19 — parce qu’elles ont perdu leur emploi, sont malades, en quarantaine ou parce qu’elles doivent s’occuper de personnes à charge.