(QUÉBEC) Après des semaines de tergiversations, Québec donnera le feu vert à davantage de professionnels pour effectuer des tests de dépistage de la COVID-19. Il serrera la vis aux agences privées de placement de personnel dans le réseau de la santé, dont certaines ont gonflé leurs prix depuis le début de la pandémie.

C’est ce que prévoit un arrêté ministériel en préparation dont La Presse a pris connaissance. Il devait être signé tard samedi soir.

On démontrait le même jour que l’ajout de professionnels pour faire les tests était enlisé dans la bureaucratie, au moment même où l’on manque de personnel pour augmenter davantage le dépistage.

Plusieurs ordres professionnels, avec l’appui du Collège des médecins, avaient demandé que leurs membres soient autorisés à faire les prélèvements, qui s’effectuent au moyen d’un long coton-tige, l’écouvillon, que l’on insère profondément dans le nez. Il s’agit d’un acte réservé en gros aux médecins, aux infirmières et aux inhalothérapeutes.

Des démarches avaient été faites dès le début du mois dernier auprès de l’Office des professionnels et du ministère de la Santé et des Services sociaux, sans résultat jusqu’ici. « On pensait que le Ministère dénouerait le dossier. Naïvement, on l’a cru. On n’a pas eu vraiment de suivi », déplorait en entrevue la présidente de l’Ordre des hygiénistes dentaires, Diane Duval. 

Tout le système des activités réservées, c’est lourd. Mais en ce temps de pandémie, il me semble que l’on pourrait dénouer rapidement cette situation.

Diane Duval

« On ne comprend pas où ça bloque », affirmait de son côté le président de l’Ordre des orthophonistes et des audiologistes du Québec, Paul-André Gallant. Il se disait d’autant plus contrarié par la situation que le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, se plaint que le manque de personnel empêche d’augmenter le nombre de tests de dépistage autant que prévu.

Québec a finalement décidé d’agir. Selon l’arrêté ministériel en préparation, six autres professionnels seront « autorisés à effectuer les prélèvements nécessaires au test de dépistage de la COVID-19, à la condition d’avoir suivi une formation à cet effet dispensée sous l’autorité du directeur des soins infirmiers d’un établissement » de santé.

Les professionnels visés sont les audiologistes, les dentistes, les diététistes, les hygiénistes dentaires, les orthophonistes et les physiothérapeutes (dans ce dernier cas, une entente avec le Collège leur permet depuis le mois dernier de faire des tests).

Prix gonflés

Toujours selon un document que La Presse a obtenu, Québec entend « encadrer les agences de main-d’œuvre indépendante », notamment en fixant « un taux horaire maximal pour les professionnels en soins, dont les infirmières ».

La Presse avait publié un reportage le 24 avril sur les pratiques de certaines agences de placement qui ont gonflé leurs prix depuis le début de la pandémie. Ces agences font également du maraudage dans les hôpitaux ou les résidences pour aînés afin de revendre les services des travailleurs recrutés avec une facture salée. Un document du Ministère qualifiait d’« abusives » ces pratiques.

50 $

Des agences qui facturaient 25 $ l’heure, plus taxes, pour les services de l’un de leurs préposés aux bénéficiaires ont fait passer la note à 40 $, voire 50 $ dans certains cas. 

Pour une infirmière auxiliaire, la facture atteint 70 $ l’heure; pour une infirmière, plus de 90 $.

Appelé à réagir dès le 24 avril, le premier ministre François Legault avait déclaré que « ça n’a pas de bon sens que des agences profitent de la situation pour prendre un immense profit, puis de profiter du fait qu’on a une pénurie de main-d’œuvre ».

« On n’exclut rien. On regarde tout, que ce soit réglementaire, juridique. C’est inacceptable, alors on va procéder rapidement », renchérissait la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann.

« Indignation »

L’association des Entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ), regroupement de 10 entreprises du secteur, avait fait connaître son « indignation » devant les pratiques rapportées par La Presse. Selon elle, ces pratiques « portent ombrage à toutes les entreprises de placement en santé qui ont à cœur de servir honnêtement le réseau de la santé durant cette période de souffrance sans précédent pour nos aînés ».

Son président, Jean-François Désilets, soutenait que le problème vient notamment des établissements qui signent des ententes de gré à gré avec des agences de placement, plutôt que de se fier au processus d’appels d’offres ouverts.

Hélène Gravel, présidente de l’Agence Continuum, disait avoir refusé d’augmenter ses prix pour le placement d’infirmières, d’infirmières auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires depuis le début de la crise. Elle disait que son chiffre d’affaires avait fondu de moitié. « On garde les mêmes taux qu’on avait dans les appels d’offres, mais nos employés sont maraudés », déplorait-elle.