(Québec) Les parents dont les enfants pourront reprendre les classes lundi sont prêts à les retourner auprès de leur enseignant. Alors que Québec estimait qu’un élève sur deux fréquenterait l’école d’ici à la fin de l’année scolaire, le taux de fréquentation des classes atteindrait les 80 % dans certaines régions, alors qu’il s’établirait en moyenne à quelque 60 % à l’échelle de la province.

Dans les commissions scolaires, les préparations se passent « à la vitesse grand V » cette semaine et les défis logistiques sont nombreux, ont affirmé plusieurs d’entre elles à La Presse, lundi, alors que les parents avaient jusqu’à la fin de la journée pour dire si leur enfant serait présent pour la reprise des classes.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), affirme qu’avec un taux de fréquentation d’environ 60 % à l’échelle du Québec (en excluant le Grand Montréal, où le retour en classe pourrait se faire une semaine plus tard), les locaux des écoles secondaires seront assurément requis. Dans certains cas, jusqu’à 20 % des professionnels du secondaire pourraient être appelés en renfort au primaire, où les classes ne pourront accueillir plus de 15 élèves.

« Ce qui nous inquiète, c’est la surveillance du dîner. Les enseignants ne peuvent pas être là toute la journée. Comme il y aura beaucoup de locaux et beaucoup d’élèves, et qu’on n’a pas beaucoup de surveillants dans nos écoles, ça pourrait être compliqué », affirme-t-il.

La FQDE prévoit qu’entre 20 et 25 % des membres du personnel des équipes-écoles ne seront pas présents lors du retour en classe, ajoute-t-il, soit parce qu’ils ont plus de 60 ans ou parce qu’ils présentent des conditions médicales les rendant vulnérables à la COVID-19.

Des masques fournis

Alors que les syndicats réclament depuis des jours que Québec fournisse aux enseignants de l’équipement de protection, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a finalement confirmé lundi que des masques pourraient être distribués à ceux qui en font la demande.

Je pense que les discussions qu’on a actuellement semblent dire qu’effectivement, le ministère de l’Éducation pourra, si les gens veulent avoir un couvre-visage, fournir le matériel. C’est en discussion actuellement. Ça devrait être le cas.

Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a également confirmé lundi dans une lettre envoyée à l’ensemble du réseau que « des masques seront fournis au personnel du préscolaire, compte tenu des interventions plus rapprochées et de la difficulté de maintenir une distanciation constante de deux mètres avec les élèves à ce niveau d’enseignement ».

Québec permet aussi « le financement des couvre-visages pour le personnel scolaire » des autres niveaux, a indiqué M. Roberge, même si « la direction de santé publique ne [le] recommande pas ». Le ministre a expliqué prendre cette décision « à la lumière des enjeux et des craintes soulevés ».

Rendre disponible du matériel de protection permet d’apaiser certaines inquiétudes dans les écoles, constate également sur le terrain Marie-Claude Asselin, directrice générale de la commission scolaire des Premières Seigneuries, à Québec.

« Nos établissements étaient très contents quand on leur a dit qu’on serait à jour dans nos livraisons. Ils vont recevoir la quantité minimum de matériel de protection pour être prêts au moment où les élèves vont arriver », a-t-elle affirmé. La commission scolaire a pris l’initiative d’acheter du matériel qui inclut des masques, des gants, des sarraus et des visières pour les enseignants qui voudraient en porter.

Dans la région de la Capitale-Nationale, le taux de fréquentation scolaire pour la semaine prochaine s’annonce plus élevé que ce qu’anticipait le gouvernement Legault. Les données préliminaires fournies par les commissions scolaires à La Presse varient entre 60 et 66 %. Dans certaines écoles, la fréquentation pourrait être aussi basse que 40 %, mais d’autres milieux verront plus de 70 % des enfants revenir en classe.

Qui aura la même enseignante ?

Les commissions scolaires où le taux de fréquentation sera particulièrement élevé se préparent à devoir faire des choix déchirants. Tous les élèves ne pourront pas terminer l’année avec leur enseignante et certains devront être relocalisés dans des écoles secondaires.

« On va essayer de garder le 1er et 2e cycle dans les écoles primaires, mais les plus vieux pourraient être redirigés vers les écoles secondaires », affirme Karine Toupin, secrétaire générale et directrice des communications de la commission scolaire de Portneuf, où près de 80 % des parents ont indiqué qu’ils renverraient leurs enfants à l’école dès lundi.

À la commission scolaire de Kamouraska–Rivière-du-Loup, où 74 % des enfants devraient retourner en classe, une majorité écrasante de parents ont indiqué qu’ils étaient prêts à ce que la reprise se fasse à temps partiel. Cela permettrait aux écoles de ne pas séparer un enfant de son enseignante, entre autres. Québec a toutefois rejeté ce scénario la semaine dernière, expliquant qu’il fallait donner le plus de temps possible aux enfants sur les bancs d’école, déjà qu’il reste peu de semaines avant les vacances d’été.

Madeleine Dugas, directrice générale de la commission scolaire des Phares, qui gère les écoles des principales villes du Bas-Saint-Laurent, dont Mont-Joli et Rimouski, entre autres, est étonnée de l’enthousiasme des parents pour le retour en classe.

Je ne m’attendais réellement pas à ça. On est une région moins touchée par la COVID-19, alors j’ai l’impression que les gens veulent que la vie recommence.

Madeleine Dugas, directrice générale de la commission scolaire des Phares

En date du 4 mai, la région n’avait eu que 36 cas confirmés de personnes infectées au coronavirus depuis le début de la pandémie.

En Outaouais, par contre, où la frontière entre Ottawa et Gatineau est toujours fermée en raison de la gravité de la crise dans la capitale fédérale (1504 cas confirmés à ce jour, dont 127 morts), la commission scolaire des Draveurs estime qu’entre 30 % et 50 % seulement des élèves seront en classe lundi.

Legault demande aux Québécois d’être « indulgents »

En conférence de presse, lundi, le premier ministre du Québec, François Legault, a demandé aux Québécois d’être « indulgents » avec les équipes-écoles qui préparent le retour en classe.

« J’entends, là, des gens dire : ‟Ah ! c’est tout croche…” Aïe ! regardez, là, on ne fait pas ça à tous les jours, rouvrir les écoles en pleine COVID-19. Soyons indulgents », a-t-il affirmé.

M. Legault a également rappelé que les parents « n’ont pas à être gênés » s’ils choisissent de garder leurs enfants à la maison. Après tout, « c’est une décision qui est très personnelle », a-t-il dit, précisant que si les écoles sont ouvertes, c’est parce qu’il pense qu’il y aurait envoyé ses enfants et que la situation est sécuritaire.

La CNESST outille les écoles

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a publié lundi sa trousse d’outils pour le milieu scolaire, une semaine avant que les classes reprennent dans les écoles du Québec situées à l’extérieur du Grand Montréal. « Le contexte de la COVID-19 peut être un facteur de stress important, autant pour l’employeur que pour les travailleurs, les fournisseurs, les sous-traitants, les partenaires, les parents et les élèves, par le chamboulement qu’elle provoque dans les différentes sphères de la société. Une attention particulière doit donc être portée à la santé psychologique du personnel », précise-t-on d’emblée. Les écoles devront notamment « s’assurer d’exclure les personnes symptomatiques des lieux de travail » et de « limiter le plus possible leurs déplacements à l’intérieur de l’établissement scolaire », entre autres. Les élèves qui présentent des symptômes liés à la COVID-19 seront aussi interdits de fréquentation scolaire « jusqu’à 24 à 48 heures après la fin des symptômes ». Si ces symptômes se déclarent à l’école, un seul membre du personnel devra surveiller l’enfant le temps que ses parents viennent le chercher en portant de l’équipement de protection.

Lisez le guide de la CNESST

Des pans de la réforme repoussés

La COVID-19 en bouscule plus d’un dans le réseau de l’éducation, à commencer par le ministre Jean-François Roberge et sa récente réforme qui transforme les commissions scolaires en centres de services et qui abolit les élections scolaires, entre autres. Québec a annoncé à la fin du mois d’avril qu’il reportait au mois d’octobre la formation des conseils d’administration des centres de services, alors qu’ils devaient entrer en fonction dès le mois de juin. La Presse révélait récemment que le ministre de l’Éducation avait aussi demandé aux directeurs généraux des commissions scolaires de former un comité consultatif ayant comme mandat « d’appuyer la direction générale dans la prise de décision » en attendant que les C.A. soient nommés, tout en se limitant autant que possible aux décisions « essentielles au fonctionnement de l’organisation » d’ici là. Le projet de loi 40, qui transforme les commissions scolaires en centres de services, a été adopté sous le bâillon l’hiver dernier. La loi a mis fin au mandat des quelque 700 élus scolaires de la province, qui forment tout de même un comité-conseil jusqu’à la fin de juin.