Au moins cinq hôpitaux de la grande région de Montréal connaissent actuellement des éclosions de COVID-19. Une situation qui, combinée au fait que les hôpitaux croulent sous le nombre de patients hospitalisés, complique énormément la reprise des opérations chirurgicales.

« Les patients sur les listes d’attente, ce sont les vrais oubliés de la crise », affirme le président de l’Association québécoise de chirurgie, le Dr Serge Legault.

« C’est la grande préoccupation qui nous occupe actuellement », ajoute le président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec, le Dr Martin Champagne.

Après l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, l’hôpital Santa Cabrini et l’hôpital du Sacré-Cœur, c’est au tour de l’hôpital général du Lakeshore et de l’hôpital Pierre-Boucher à Longueuil de faire face à des éclosions de COVID-19 entre leurs murs.

Le CISSS de la Montérégie-Est a confirmé mercredi à La Presse qu’une éclosion était en cours dans l’unité des soins intensifs de l’hôpital Pierre-Boucher, où deux usagers sont touchés. « Nous avons, depuis le 25 avril, une éclosion sur une unité de médecine où neuf usagers sont touchés », a aussi indiqué le porte-parole de l’établissement, Hugo Bourgoin.

L’hôpital du Lakeshore a aussi détecté des cas chez des patients hospitalisés. 

Président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec, le Dr Hoang Duong explique que les lits d’hospitalisation des hôpitaux du Grand Montréal sont très engorgés actuellement. « La congestion des hôpitaux augmente par elle-même les risques d’éclosions », dit-il.

Opérations annulées

À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), 8 des 13 unités du pavillon principal sont en éclosion de COVID-19. Mardi soir, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal a annoncé la suspension des « chirurgies qui nécessitent une hospitalisation ». « Cette mesure ne s’applique pas aux chirurgies urgentes, aux chirurgies requises par les usagers déjà hospitalisés. Les chirurgies d’un jour (sans hospitalisation) semi-urgentes et oncologiques sont maintenues », a écrit le CIUSSS.

Le Dr Legault affirme que le programme opératoire a été perturbé mercredi à l’HMR. 

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Plusieurs patients ont été annulés. Pour eux, c’est un drame innommable. C’est à eux qu’il faut penser.

Le Dr Serge Legault, président de l’Association québécoise de chirurgie

Le Dr Legault explique que l’éclosion vécue dans l’hôpital de l’est de Montréal n’est qu’une problématique qui s’ajoute à une situation déjà complexe. Comme l’écrivait La Presse mardi, de plus en plus de lits d’hôpital de la grande région de Montréal sont occupés par des patients qui ne nécessitent plus de soins aigus, mais qui ne peuvent être transférés vers les CHSLD, les résidences privées pour aînés ou les centres de réadaptation. Ces transferts ont cessé lorsque les CHSLD ont été aux prises avec des éclosions de COVID-19.

Conséquence de la fin de ces transferts, de nombreux patients occupent un lit dans les hôpitaux même s’ils ne nécessitent plus de soins avancés. Confrontés à des lits bondés, les hôpitaux doivent retarder certaines opérations demandant des hospitalisations. Partout, on tente de trouver une solution. Mercredi, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a par exemple ouvert une annexe à l’hôpital de Verdun (voir autre onglet). 

« Nous comptons reprendre nos activités opératoires qui requièrent des hospitalisations dès qu’une solution aura été trouvée », dit pour sa part le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Le temps presse

Pour le Dr Champagne, le temps presse. « Il faut prendre les moyens pour ne pas mettre en péril les milieux hospitaliers », dit-il, tout en évoquant une possible deuxième vague qui rendrait l’implantation de solutions encore plus urgente.

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Le Dr Martin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

Le Dr Champagne croit notamment qu’il faut « cloisonner les équipes » et s’assurer que certaines ne travaillent jamais en zone chaude. « Actuellement, les médecins et les infirmières se déplacent d’un étage à l’autre dans les hôpitaux. Les administrateurs doivent agir. Il faut tout de suite se prémunir pour éviter que les équipes soient décimées », dit-il.

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Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal a débuté la construction d’une unité de soins intermédiaires à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Le Dr Legault croit que le réseau de la santé devra « revoir ses façons de faire » rapidement afin que les patients sur les listes d’attente puissent être opérés. Des patients pourraient-ils être opérés dans d’autres hôpitaux plus sécuritaires ? Ou opérés à l’extérieur de l’hôpital, par exemple dans des blocs opératoires privés ? 

Il faut tout mettre sur la table. L’éclosion à Maisonneuve-Rosemont nous fait réfléchir au fait que l’ordre établi, il va falloir le revoir.

Le Dr Serge Legault

Le Dr Legault estime que trouver une façon de libérer les lits d’hôpital et de pouvoir opérer est d’autant plus urgent que le déconfinement s’en vient. « On ne diminuera certainement pas le nombre de cas », dit-il.

En conférence de presse mercredi après-midi, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a reconnu que le déconfinement allait entraîner des cas de COVID-19 : « C’est sûr qu’il faut que la capacité de traitement soit au rendez-vous dans les centres hospitaliers parce que c’est clair qu’en faisant des déconfinements, on va avoir probablement, on le sait, des cas, idéalement pas trop de décès. »

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a reconnu que « Montréal demeure un secteur chaud ». Elle a dit être en train de « trouver d’autres avenues » pour amener les patients qui ne sont plus en soins actifs « dans d’autres sites sécuritaires ». « On a fait un gros travail, toujours dans le sens d’avoir des équipes dédiées, des zones froides, des zones chaudes, de l’équipement de protection suffisant, donc ça, ça va aider », a dit la ministre, qui a dit être « en train de prendre le contrôle sur la situation ».