La rentrée annoncée dans les écoles primaires sera un exercice pour le moins complexe. Quels élèves seront à l’école, quels membres du personnel s’absenteront, comment organiser les classes, qu’enseignera-t-on ? Ce sont des questions auxquelles il faudra répondre rapidement. Comment réorganiser une rentrée quand tout est à refaire ? « C’est un beau casse-tête », résument les directions d’école.

Élizabeth Joyal dort bien ces jours-ci, mais de son propre aveu, c’est parce qu’elle est « brûlée ». La directrice d’école primaire prépare une rentrée pas comme les autres pour ses 475 élèves.

« Je suis directrice depuis 16 ans. J’ai le goût de dire : heureusement. Malgré l’expérience, c’est un moment stressant, parce que c’est un enjeu de société. Les écoles sont parmi les premières choses qu’on rouvre, on a un mandat de réussite », dit la directrice de l’école Saint-Gabriel-Lalemant, à Sorel-Tracy.

À l’extérieur de la grande région montréalaise – où les écoles rouvriront une semaine plus tard –, les écoles ont deux semaines bien comptées pour tout organiser. « On est déjà mardi », illustrait hier le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Nicolas Prévost. 

Une des premières choses que doivent faire les directions d’écoles ressemble à un problème mathématique qu’on présenterait à des élèves. Combien d’enfants peut-on accueillir dans une classe si on sait qu’il doit y avoir deux mètres de distance entre eux ? Et dans l’école au complet ?

L’idée de mettre 15 élèves par classe peut a priori sembler simple, mais dans certaines écoles, les locaux ne permettent même pas d’asseoir ce nombre d’enfants en suivant les nouvelles directives, observe le président de la FQDE.

Les horaires de déplacements des élèves sont aussi à repenser, que ce soit à l’heure des récréations, du lunch ou lors des multiples allers-retours aux toilettes…

Et puis il faudra savoir qui sera présent.

Le personnel doit revenir au travail le 4 mai. Le ministre de l’Éducation a déclaré lundi que les personnes qui « ont une condition médicale particulière ou qui ont plus de 60 ans ne pourront pas revenir » à l’école.

« La bonne nouvelle, c’est que le 4 mai, c’est fini, le volontariat. Ça va nous permettre de mesurer l’état des troupes. Il y a peut-être 30 % des gens qui ne pourront être en présence des élèves pour une raison ou une autre », estime Hélène Bourdages, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES).

Le personnel présent donnera une bonne indication de ce que les écoles peuvent faire. « Si, dans une école de 15 titulaires, j’en ai six qui ne peuvent se présenter au travail, ils feront de l’enseignement à distance, mais le personnel, je vais le prendre où ? Il faut faire cette prévision », dit Nicolas Prévost.

Il faut aussi faire le décompte des élèves le plus tôt possible. « C’est ma donnée de base. C’est là-dessus que je mets mon énergie », dit la directrice Élizabeth Joyal.

« C’est la grosse opération, confirme le directeur général de la Commission scolaire du Fer, Richard Poirier. Les équipes-écoles vont joindre les familles pour avoir l’information d’ici la fin de la semaine. »

Les échos du terrain commencent déjà à arriver. Au Lac-Saint-Jean ou dans le Bas-Saint-Laurent, par exemple, bien des écoles constatent que bon nombre de parents veulent que leurs enfants retournent en classe.

Dans la région de Sept-Îles aussi, on voit de telles réponses. « J’ai une école où 19 enfants sur 20 ont déjà dit qu’ils viendraient. C’est une classe, ça ne veut pas dire que ce sera pareil partout. Mais il faut savoir comment on va répondre à ça. Un double horaire ? Utiliser nos écoles secondaires ? », demande Richard Poirier.

Québec a demandé aux parents de confirmer si leurs enfants retourneront à l’école sept jours avant leur ouverture. Le président de la FQDE, Nicolas Prévost, souhaite que les parents aient le maximum d’information sur ce qui leur sera proposé dans les écoles ou comme soutien à la maison pour qu’ils puissent prendre la décision la plus éclairée possible.

Mais avec des délais si serrés, il craint que ce soit ardu. « Ça va être difficile de donner l’ensemble des informations. Je ne vois pas comment on va y arriver dans le temps », dit M. Prévost.

Une chose est certaine, les enfants retrouveront une école différente. À l’école Saint-Gabriel-Lalemant, la directrice n’a pas l’intention, par exemple, de refaire sonner la cloche puisque tout l’horaire sera chamboulé. La bibliothèque n’ouvrira pas, tout comme le local informatique.

Mais elle connaît bien ses élèves qui, eux, n’auront pas tant changé. La distanciation physique ? Lorsque les enfants ne seront pas assis à leur bureau, ce sera un tour de force.

« C’est difficile pour un petit de comprendre qu’il ne peut pas aller prendre le ballon ou que ce n’est pas le temps de jouer à la tag. Plus ils sont petits, plus le défi est grand. On va faire tout ce qui est en notre possible pour que ce soit respecté. On va répéter. On répète à longueur d’année », dit Élizabeth Joyal en riant.