Dès le mois de janvier, bien avant que nos vies ne soient chamboulées par la COVID-19, des équipes d’Évacuations aéromédicales du Québec (EVAQ) se préparaient déjà à affronter l’ennemi. C’est le Dr Simon Kind, médecin d’urgence, qui m’a fait cette révélation vendredi, lors d’un entretien téléphonique.

« On travaillait déjà sur un protocole MRIS, qui veut dire “maladies respiratoires infectieuses sévères”, raconte Simon Kind. Voyant l’état de la pandémie qui progressait, ça nous a motivés à avancer. »

En effet, comme les choses se sont mises à aller très vite, les professionnels d’EVAQ ont dû établir un plan d’action à la vitesse de l’éclair. « On a créé une équipe dédiée spécifiquement aux cas de COVID-19 confirmés et suspectés, précise-t-il. On y retrouve six médecins et une douzaine d’infirmières et d’infirmiers. C’est une unité spéciale, une sorte de SWAT Team de la COVID. »

Simon Kind fait partie de la trentaine de médecins et de la quarantaine d’infirmières et infirmiers qui divisent leur temps de travail entre leurs fonctions habituelles en milieu hospitalier et des missions qu’ils effectuent en avion (navette ou avion-hôpital) afin de transporter des personnes malades vivant en région éloignée.

Méconnu du grand public, le programme EVAQ joue un rôle primordial dans notre système de santé. J’ai voulu savoir quel impact la pandémie que nous connaissons actuellement a sur le travail de ces professionnels qui ont la particularité d’être un brin « cowboys ». Car pour partir en avion à quelques minutes de préavis en direction d’une région éloignée pour aller cueillir un patient qui se trouve dans un état critique, il faut aimer les sensations fortes. Je le sais, j’ai une amie qui a fait cela pendant 14 ans. Elle est sans doute la médecin la plus rock’n’roll que je connaisse.

« Dès qu’une mission est déclenchée, la chaîne téléphonique se met en branle, explique Simon Kind. On nous donne un point de rendez-vous à l’aéroport. On a un temps maximal de 50 minutes pour s’y rendre. C’est pourquoi la plupart des médecins qui travaillent en temps normal à l’extérieur ont un pied-à-terre près de l’aéroport. »

PHOTO FOURNIE PAR LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

L’avion-hôpital du gouvernement du Québec est utilisé par les équipes d’EVAQ.

Les médecins et infirmiers qui travaillent pour EVAQ disposent de deux appareils de type Challenger, ainsi que de deux Dash 8. 

L’entreprise privée Airmedic assure également une part des évacuations. 

EVAQ relève du ministère de la Santé et est intégré au département de médecine d’urgence du CHU de Québec. Il travaille en collaboration avec le Service aérien gouvernemental, qui relève du ministère des Transports. Il dessert toutes les régions du Québec (Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, Côte-Nord, Basse-Côte-Nord, Lac-Saint-Jean, Chibougamau, Abitibi-Témiscamingue, Baie-James, Grand Nord, etc.)

Dans le cadre du protocole établi en janvier, il a été décidé qu’une « zone rouge » allait être créée dans l’un des appareils Dash 8. Cette section, coupée du reste de l’avion, est située à l’arrière. Elle peut accueillir jusqu’à trois patients, un médecin et une infirmière. « Les équipes en zone contaminée portent une combinaison de type astronaute, précise Simon Kind. Elles sont confinées dans cette combinaison pendant toute la durée du vol et aussi l’escorte terrestre, c’est-à-dire jusqu’au centre receveur. »

La « SWAT Team » volante dont parle le Dr Simon Kind a été rapidement formée pour répondre aux techniques d’habillage et de déshabillage, organiser la cabine, travailler avec du matériel minimal et composer avec certaines méthodes de travail particulières (les patients sont souvent intubés).

PHOTO FOURNIE PAR EVAQ

Les professionnels d’EVAQ ont dû établir un plan d’action à la vitesse de l’éclair.

EVAQ assure en moyenne le transport d’environ 7000 patients par année. Depuis l’apparition de la COVID-19 sur le territoire québécois, 32 personnes en lien avec cette infection ont été évacuées. « Ces gens viennent d’un peu partout au Québec, dit Simon Kind. Il n’y a toutefois pas eu d’évacuations du Grand Nord. »

Lorsque la pandémie a commencé à se répandre au Québec, tous les cas suspectés ou confirmés en région étaient systématiquement transportés à Québec ou à Montréal. Puis, les hôpitaux situés dans ces zones éloignées ont commencé à pratiquer eux-mêmes les tests de dépistage. Des moyens ont ensuite été mis en place dans certains centres pour accueillir les personnes infectées.

« À un moment donné, les choses étaient compliquées, car pour faire un transport multi-patients, il fallait s’assurer que tous les cas avaient été testés positifs, explique Simon Kind. On ne peut pas mélanger un COVID positif avec un COVID suspecté. On pouvait devenir un vecteur de contamination. On ne voulait pas cela. »

PHOTO FOURNIE PAR SIMON KIND

Le Dr Simon Kind

Après chaque mission qui implique la présence d’un patient infecté par la COVID-19, on doit effectuer un entretien complet de la cabine afin de la désinfecter, procéder à une aération des lieux en plus de désinfecter tout le matériel.

« On sait que ça ne sera pas la seule pandémie que nous allons vivre, dit Simon Kind. On ne souhaite pas cela, évidemment. Mais disons que cette expérience va beaucoup nous servir. »

Aux nombreux anges qui nous aident à sortir de cette crise, il faudra maintenant ajouter les dizaines de professionnels qui effectuent ces missions souvent dans le stress et l’anxiété. Ces anges sont anonymes et discrets. Mais ils volent vraiment.