Il y a actuellement environ 600 prévenus et détenus de moins dans les 17 prisons provinciales du Québec qu’il y en avait avant le début de la pandémie de COVID-19, selon des chiffres du ministère de la Sécurité publique obtenus par La Presse.

La semaine dernière, Radio-Canada a révélé que les prisons ontariennes comptaient 2000 détenus de moins qu’avant la pandémie, en raison des mesures de distanciation mises en place pour freiner la propagation du coronavirus.

La diminution est moins importante au Québec.

Selon les chiffres du ministère de la Sécurité publique, on dénombrait dans les 17 prisons québécoises 4369 détenus le 9 mars dernier, comparativement à 3759 le 9 avril, une baisse de 610 individus.

À titre comparatif, l’an dernier, on dénombrait 4372 détenus dans les prisons provinciales du Québec au 9 mars 2019, comparativement à 4507 un mois plus tard, le 9 avril 2019, une hausse de 135 individus.

« La baisse de la population carcérale [depuis le mois dernier] s’explique principalement par la diminution du nombre d’admissions dans les établissements de détention, laquelle découle essentiellement de la réduction importante des activités des tribunaux », explique une porte-parole du ministère de la Sécurité publique dans un courriel envoyé mercredi à La Presse.

En matière de remise en liberté, jusqu’à présent, à l’égard des personnes contrevenantes qui purgent une peine continue, le ministère de la Sécurité publique privilégie les modalités de remise en liberté qui existent déjà dans la Loi sur le système correctionnel du Québec.

Une porte-parole du ministère de la Sécurité publique

Dans sa réponse, le Ministère rappelle également que depuis le 20 mars, les personnes qui purgent une peine discontinue n’ont plus à se présenter dans les prisons, la fin de semaine, pour éviter une propagation de la COVID-19, mais que celles-ci ne représentent qu’une minime partie de la baisse de la population carcérale observée depuis un mois.

300 détenus en isolement préventif

Selon des chiffres fournis par le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, il y aurait actuellement plus de 255 détenus en isolement préventif 24 heures sur 24 dans les prisons québécoises, notamment parce qu’ils se sont présentés à leur établissement accompagnés par les policiers.

Toujours selon le syndicat, il y aurait également un peu plus de 40 détenus ou prévenus mis en isolement parce qu’ils présentent des symptômes ou ont répondu positivement à une question posée au filtrage, lors de leur arrivée dans un établissement.

Il y a officiellement quatre agents correctionnels déclarés positifs à la COVID-19, deux qui étaient affectés au palais de justice de Montréal, un à l’Établissement de Saint-Jérôme et un à Bordeaux (en plus d'un gestionnaire). On compte également un seul détenu infecté, à l’établissement de Sherbrooke, qui a été isolé des autres.

Le syndicat demeure toutefois prudent avec ces chiffres, car les tests de détection ne sont plus effectués régulièrement.

Rififi à Bordeaux

Par ailleurs, les mesures adoptées dans les prisons québécoises pour réduire les risques de propagation de la COVID-19 sont indirectement à l’origine d’une échauffourée entre agents correctionnels et détenus, survenue dimanche dans l’Établissement de Montréal (Bordeaux).

Depuis le début de la pandémie, les 40 détenus du secteur B7 ne peuvent sortir tous en même temps de leur cellule, pour que la distance de deux mètres soit respectée dans les aires communes, et sortent en deux groupes séparés de 20 personnes.

Le jour de Pâques, les agents correctionnels auraient, par erreur, fait sortir le mauvais groupe de détenus. Ils auraient alors demandé aux prisonniers de retourner dans leur cellule, mais plusieurs auraient refusé d’obtempérer. Trois d’entre eux se seraient montrés plus rébarbatifs et en seraient venus aux coups avec les gardiens, qui ont utilisé le poivre de Cayenne et la force physique pour rétablir l’ordre. L’un d’eux a été blessé légèrement et les détenus récalcitrants ont été envoyés au « trou » où, là encore, cette intrusion aurait causé des frictions.

Selon nos informations, il semble également que de nouveaux prévenus qui sont arrivés à Bordeaux et mis en quarantaine durant 14 jours, sans droit de sortie, pour que les autorités soient certaines qu’ils ne sont pas contaminés, auraient fait du vandalisme et brisé des fenêtres pour protester contre leurs conditions de détention rigides.

Un autre élément qui ferait augmenter la tension, c’est l’aménagement, dans l’établissement du boulevard Gouin qui abrite 1100 détenus, de quatre ou cinq secteurs destinés aux nouveaux arrivants placés en quarantaine.

« C’est sûr que la tension est présente quand on confine de plus en plus de secteurs et que nos effectifs, qui étaient déjà réduits, le sont encore plus, car plus de 300 agents ne peuvent travailler et risquer de contracter la COVID-19, pour des raisons de santé », explique Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels.

La gestion des risques de la COVID augmente la charge de travail et le stress. Aux établissements de Montréal et Québec, les infirmières sont aussi des agentes correctionnelles et il manque 50 % des effectifs.

Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels

« Le public doit savoir que ça brasse aussi en prison et que la gestion et la protection du personnel est problématique, surtout avec le rationnement des équipements de protection. De plus, il y a plusieurs agents correctionnels confinés à la maison. Ce qu’il s’est passé dimanche soir n’a pas été un moment agréable et annonce le futur, surtout quand il fera plus chaud, si le confinement partiel continue, avec toutes les autres mesures contraignantes », a confié à La Presse un agent correctionnel qui a requis l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler aux médias.

Interrogés sur la situation dans les prisons lors de leur point de presse quotidien, le premier ministre François Legault et le directeur de la Santé publique, le docteur Horacio Arruda, ont répondu que la question n’avait pas été portée à leur attention.

Cette réponse a fait bondir la Ligue des droits et libertés, qui a indiqué, par communiqué, avoir envoyé des lettres à la ministre de la Santé et à la ministre de la Sécurité publique « afin de leur faire part de ses préoccupations grandissantes concernant les risques sanitaires dans ces établissements ».

Près de 100 détenus fédéraux infectés

Au moins 91 détenus des centres de détention fédéraux, dont 41 au Québec, ont été infectés, indiquent les plus récentes données diffusées par Service correctionnel Canada (SCC). Celles-ci datent toutefois de mardi et au moins 92 autres détenus, dont 68 au Québec, étaient toujours en attente de résultats à cette date.

Au Québec, c’est la prison pour femmes de Joliette qui demeure la plus touchée, avec 21 cas confirmés. «Par mesure de précaution, toutes les délinquantes de l’Établissement Joliette ont été testées», a confirmé Anick Charette, porte-parole de SCC, par courriel à La Presse. En date de mercredi, l’Établissement Joliette comptait 83 détenues. SCC n'a cependant pas été en mesure de dire quand tous les résultats seront disponibles. «Nous travaillons en partenariat avec les services de santé publique et ils sont responsables d’obtenir les résultats», indique Mme Charette. Jusqu'à mercredi soir, aucune détenue n'était hospitalisée. «Les délinquantes de l’Établissement Joliette sont en isolement médical et elles reçoivent les soins nécessaires selon les symptômes qu’elles démontrent.»

Le pénitencier de Port-Cartier et le Centre fédéral de formation (CFF) à sécurité moyenne de Laval ont chacun dix cas confirmés chez les détenus. Deux autres étaient cependant en attente de résultat à Port-Cartier mardi, et au moins neuf de plus à Laval. «De plus, le Centre fédéral de formation est en isolement cellulaire complet à compter d’aujourd’hui par mesure de précaution après que certains détenus aient présenté des symptômes s'apparentant à ceux de la COVID-19», a confirmé le SCC mercredi. Parmi les détenus du reste du Canada, 42 cas ont été confirmés en Colombie-Britannique et huit autres en Ontario.

Par ailleurs, 83 employés ont été infectés, dont 76 au Québec. Parmi ces derniers, 47 travaillent à Joliette, 22 à Port-Cartier, cinq au CFF de Laval et deux à l’Établissement de Donnacona. Quatre cas ont également été confirmés parmi le personnel de la Colombie-Britannique, et trois en Ontario.

La contagion touche surtout les agents correctionnels, avec 58 cas, dont 51 au Québec, indiquent les chiffres du syndicat UCCO-SACC-CSN. Au Québec, 34 agents correctionnels sont actuellement infectés à Joliette, 15 à Port-Cartier et deux au CFF de Laval. Par contre, sept autres agents correctionnels ont été déclarés guéris depuis mardi, soit quatre de Joliette et trois de Port-Cartier.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca.