(Ottawa) Tandis que Justin Trudeau évite de se prononcer sur la décision de l'administration Trump de couper les vivres à l'OMS, Andrew Scheer s'inquiète qu'Ottawa se colle sur l'agence sanitaire internationale pour sa prise de décision. Le NPD et le Bloc, eux, condamnent le gel du financement décrété par le président américain.

Invité à commenter l'enjeu, le premier ministre canadien a usé de prudence, mercredi. «Je crois que nous devrons évidemment avoir des réflexions dans le futur. [...] Nous aurons amplement le temps, au fur et à mesure que nous avançons, de réfléchir aux défis que nous avons affrontés», a-t-il offert en conférence de presse à Rideau Cottage.

«Je vais avoir la chance demain de discuter avec les autres chefs du G7 pour parler justement de comment on va [...] coordonner notre approche ancrée dans la science et en travaillant avec les experts à travers le monde», a-t-il dit, assurant que «non, le président [Trump] n'a pas demandé au Canada de faire quoi que ce soit par rapport à l'OMS [Organisation mondiale de la santé]».

En 2020, Ottawa a versé environ 34 millions de dollars à l'OMS, dont 15 millions pour juguler la crise de la COVID-19, a écrit sur Twitter Louis Bélanger, directeur des communications de la ministre du Développement international Karina Gould. En entrevue au Globe and Mail, cette dernière a dit désapprouver le geste. «Évidemment que nous sommes déçus», a-t-elle déclaré.

«Influence inquiétante» de la Chine

Le chef par intérim du Parti conservateur, Andrew Scheer, a refusé de jeter la pierre au locataire de la Maison-Blanche. Il s’est en revanche dit préoccupé du fait que le gouvernement Trudeau élabore ses politiques en matière de santé publique en s'en remettant grandement aux constats de l'OMS.

Car «l'influence que le gouvernement de la Chine, le gouvernement communiste de la Chine, sur l'OMS, est inquiétante», a-t-il lancé en conférence de presse au parlement, mercredi. «On veut savoir comment cette influence a affecté les décisions», a réclamé le leader de l'opposition, sans aller jusqu'à dire si le gouvernement canadien devrait selon lui emboîter le pas aux États-Unis.

«C'est au gouvernement de déterminer si la bonne voie est de baser la réaction à cette pandémie, sur l'OMS», a-t-il dit, suggérant que les libéraux ont fait peu de cas de l'avis «d'experts ici qui avaient lancé des appels à des décisions différentes dans les premiers jours de cette pandémie». Il a par ailleurs reproché à l’un des conseillers principaux de l’OMS, le DBruce Aylward, d’avoir refusé de témoigner au comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

Le NPD et le Bloc condamnent

Dans les camps néo-démocrate et bloquiste, la réaction était diamétralement opposée.

«Aujourd'hui plus que jamais, nous ne devons pas suivre l'exemple de Donald Trump», a argué le chef du NPD, Jagmeet Singh, dans une déclaration transmise par son parti, mercredi.

«Il est important que nous disposions d'organisations multilatérales pour nous aider à coordonner l'action des gouvernements, surtout lorsque nous sommes confrontés à une crise comme celle-ci qui dépasse les frontières», a-t-il poursuivi.

Le porte-parole bloquiste en matière d'affaires étrangères, Stéphane Bergeron, a abondé dans le même sens. « La décision de M. Trump de suspendre le versement de la cotisation des États-Unis à l’OMS en pleine pandémie est regrettable», a-t-il commenté dans une déclaration écrite envoyée à La Presse.

«Plus que jamais, nous avons besoin de l’OMS, qui joue un rôle de premier plan dans le suivi de l’évolution de la pandémie. J’espère vivement que cette idée ne sera pas reprise de notre côté de la frontière », a-t-il conclu.

«Mauvaise gestion et dissimulation»

Le président Donald Trump a annoncé mardi qu’il gelait sa contribution à l’OMS, le temps d’évaluer son rôle « dans la mauvaise gestion et la dissimulation de la propagation du coronavirus ».

Il a reproché à l’agence des Nations unies de s’être alignée sur les positions de la Chine, qu’il accuse d’avoir initialement caché la gravité du virus lors de son apparition, en décembre dernier. Washington est le premier bailleur de l’OMS, avec plus de 400 millions de dollars par an.

Le gel a été aussitôt dénoncé par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Ce « n’est pas le moment de réduire le financement des opérations de l’Organisation mondiale de la Santé ou de toute autre institution humanitaire combattant » le nouveau coronavirus, a-t-il plaidé dans un communiqué.

- Avec l’Agence France-Presse