(Québec) « La charge émotive est lourde. Tous les jours, il y en a qui pleurent. Les filles partent de là vidées. »

Ce cri du cœur, c’est celui de Nathalie Perron, présidente du syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Mme Perron représente notamment des employés du CHSLD Laflèche, à Grand-Mère.

Ce CHSLD est le plus durement touché par la COVID-19 au Québec, a annoncé jeudi le premier ministre François Legault. Il coiffe le triste palmarès des six établissements où la situation est « critique ».

On a six CHSLD, là, où on a la majorité des décès, puis c’est là qu’il y a une situation critique.

François Legault, lors de son point de presse quotidien

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Centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci

Le premier ministre du Québec a tenu à nommer ces six établissements qui comptaient jeudi, à eux seuls, 71 morts des suites de la COVID-19.

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CHSLD de Sainte-Dorothée, à Laval

Il s’agit du CHSLD Laflèche (20 morts), du CHSLD de Sainte-Dorothée à Laval (16), du Centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci (13), du CHSLD de la Pinière (10), du Centre d’hébergement de LaSalle (7) et du Centre d’hébergement Alfred-DesRochers (5).

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CHSLD de la Pinière, à Laval

Le premier ministre a ajouté que 450 médecins et 1000 infirmières ou autres employés ont été ajoutés d’urgence dans les CHSLD de la province. « C’est là que ça va se jouer », note M. Legault.

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Centre d’hébergement Alfred-DesRochers, à Montréal

À Laflèche, des choix déchirants

Ces renforts seraient les bienvenus au CHSLD Laflèche. Mais depuis le début de la pandémie, le nouveau personnel se fait attendre, déplore Nathalie Perron.

Une préposée aux bénéficiaires infectée s’est retrouvée aux soins intensifs il y a quelques jours. « Le personnel est complètement épuisé. On a plusieurs employés en quarantaine. Et déjà, avant la crise, on manquait de monde. On travaillait à moins deux, moins trois, moins quatre… », dit-elle.

Le CHSLD de la Mauricie accueille désormais 118 résidants. En plus des 20 morts, 91 résidants et 52 membres du personnel seraient infectés.

Selon Mme Perron, le virus a notamment été transmis par des employés asymptomatiques. La quarantaine de plusieurs travailleurs a été écourtée à sept jours.

« Il manquait de personnel. Alors ils ont appliqué la mesure de l’INSPQ en cas de [rupture] de service. Ils ont décidé de faire revenir des gens après sept jours de quarantaine », explique la présidente du syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Avec les tests, on se rend compte que des gens sans aucun symptôme étaient positifs. Ces gens-là ont possiblement infecté beaucoup de patients et de collègues.

Nathalie Perron

Le quotidien au CHSLD Laflèche est déchirant, raconte Nathalie Perron. « Ce que vivent les filles, c’est inimaginable. »

« On parle beaucoup des soins intensifs et des décisions à prendre quant à qui aura droit à un respirateur. Mais ici, tu as plusieurs patients en fin de vie au même étage parce qu’on y décède tous les jours », illustre Mme Perron.

« Des fois, tu as une infirmière pour tout l’étage. Les soins, il faut les donner. Les patients souffrent de détresse respiratoire, dit-elle. Les filles ont des choix déchirants à faire aussi. »

Des renforts dimanche

En point de presse hier, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) a annoncé que des renforts seraient disponibles dès dimanche. Horaire sur sept jours, effectifs supplémentaires pour la prévention et le contrôle des infections et soutien psychosocial bonifié font partie des autres mesures annoncées.

De plus, le CIUSSS a conclu une entente avec l’Hôtel Marineau à Grand-Mère pour héberger les employés du CHSLD Laflèche qui le désirent. « On déploie toutes nos énergies et on met à profit toutes les connaissances dont on dispose pour vraiment soutenir notre personnel et continuer de bien accompagner les résidants du CHSLD Laflèche », a affirmé Carol Fillion, président et directeur général du CIUSSS.

Ces annonces n’ont guère impressionné le maire de Shawinigan, Michel Angers, qui dit avoir demandé au CIUSSS de déployer « l’artillerie lourde ». Il s’attendait donc à ce que le personnel obtienne du renfort dès maintenant plutôt que dimanche.

Je veux souligner l’effort que le CIUSSS Mauricie–Centre-du-Québec fait pour déployer les ressources, mais mon problème, c’est que ce n’est pas pour dimanche que j’en ai besoin, c’est pour hier.

Michel Angers, maire de Shawinigan

Chaque jour qui passe, la situation s’aggrave, déplore-t-il. « Entre [jeudi] et dimanche, j’ai peur qu’on ait encore des décès et j’ai peur également que les gens qui sont en détresse puissent s’épuiser. Ce n’est plus une question de jours, c’est une question d’heures. »

Comme plusieurs, M. Angers se demande ce qui a pu se produire pour que la situation se détériore autant en trois semaines au Centre Laflèche. « Comment se fait-il que c’est le seul CHSLD de la Mauricie qui se retrouve dans cette situation ? Comment ça se fait que c’est l’un des pires ? Comment ça se fait qu’on n’a pas été en mesure de réagir rapidement ? »

Il demande d’ailleurs au gouvernement d’ordonner la tenue d’une enquête épidémiologique comme c’est le cas au CHSLD de Sainte-Dorothée à Laval. « Il y a eu une brèche quelque part et ce serait intéressant qu’on puisse, comme ailleurs, le savoir. On n’est pas à Montréal, on est à Shawinigan, en Mauricie, mais si c’est bon pour Montréal, ça devrait être bon pour nous aussi. »

— Avec Marie-Eve Lafontaine, Le Nouvelliste