Quelques jours à peine après qu’une entente est intervenue avec l’employeur pour modifier les horaires de travail de façon à avoir des effectifs suffisants pour répondre aux appels d’incendies et à être moins touchés par la COVID-19, des pompiers dénoncent le manque de flexibilité de leur employeur.

Certains pompiers ont des conjointes (conjoints) policières, paramédicales ou employées du système de santé qui sont en première ligne, et l’entente prévoyait notamment que les pompiers, qui se retrouvent avec des quarts de travail de 24 heures en vertu de cette entente, puissent changer leur horaire de façon à leur permettre d’être en congé en même temps que leur conjointe ou être présents avec leurs enfants à la maison.

Or, il semblerait que les patrons du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) refusent la plupart des changements d’horaire, selon une note interne du syndicat obtenue par La Presse et une entrevue réalisée avec un pompier qui a requis l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler aux médias.

Échec complet

« Je sais que bon nombre de nos membres éprouvent des frustrations à l’égard de l’employeur, non seulement en raison de la communication inefficace, mais pire, la présence d’informations contradictoires.

« L’entente temporaire que nous avons eue avec l’employeur devait être conclue rapidement en raison de la situation. Une grande flexibilité et leur collaboration nous avaient été assurées. Tout comme la communication, cela est un échec complet. Certains membres de la haute direction tentent de faire avancer leur vision de ce que devraient être, selon eux, nos conditions de travail.

« De nombreux chefs répondent à nos membres que c’est ainsi que cela a été négocié avec votre association. En particulier en ce qui concerne les échanges de temps, plutôt que de tenter d’accommoder nos membres qui ont changé pour une nouvelle rotation de travail avec seulement quelques jours d’avis. L’employeur prend un malin plaisir de refuser les demandes même si cela augmente ses propres coûts d’heures supplémentaires », écrit le président du syndicat, Chris Ross, dans une note envoyée à tous ses membres mardi.

« Toutes nos demandes de changements de quarts, notamment parce que notre conjointe travaille elle aussi et que nous devons nous occuper de nos enfants, sont refusées », renchérit un pompier selon qui, toutefois, l’entente conclue récemment avec le SIM ne serait pas compromise.

« Non, nous ne sommes pas caves. Nous avons une nouvelle direction syndicale. La philosophie a changé chez les pompiers, mais dans la situation que nous traversons présentement, il faut que tout le monde travaille ensemble. On a conclu une entente, mais il [l’employeur] ne la respecte pas. Nous avons fait notre bout de chemin. Il faudrait maintenant qu’il nous aide », ajoute le pompier montréalais.

Le syndicat invite ses membres à lui signaler toute situation litigieuse après avoir pris toutes les informations en notes.

« Ce n’est pas évident de changer les horaires de 2400 personnes. Ce qui est très important pour moi, c’est que l’on travaille très fort, employeur et syndicat, pour protéger nos pompiers, c’est l’objectif premier. Il s’agit d’une entente adoptée très rapidement. On a mis en place des mesures drastiques pour limiter l’éclosion et cela fait ressortir un certain nombre de frustrations que je comprends très bien. Mais avec des avocats, nous sommes en train de clarifier les articles de l’entente et c’est la raison pour laquelle je ne commenterai pas davantage la situation publiquement », a déclaré à La Presse le directeur par intérim du SIM, Richard Liebmann.

Douze pompiers infectés

Les pompiers reprochent également à l’employeur des lacunes sur le plan de la communication avec les troupes en ces temps de coronavirus.

Selon la note du syndicat, 12 pompiers ont contracté la COVID-19. Selon le président du syndicat, Chris Ross, qui a écrit à La Presse jeudi matin, quelques cas ont été causés par un retour de vacances, la plupart par une contamination communautaire et au moins deux par l'exposition à un collègue malade au travail.

«Nous avons actuellement cinq casernes et des équipes complètes qui ont suivre une quarantaine pendant 14 jours après avoir été exposées à des pompiers qui se sont révélés positifs», a ajouté M. Ross.

Dans une autre note interne, le syndicat a dressé une longue liste de mesures pensées notamment par les membres du Groupe d’interventions en matières dangereuses (GIMD) et des pompiers des casernes 5 et 16. Les mesures prévoient notamment que les pompiers qui entrent au travail doivent décontaminer leurs semelles de chaussures dans une solution liquide et les déposer dans un sac hermétique avant de les ranger dans leur casier personnel.

Ils doivent ensuite mettre leurs vêtements civils potentiellement contaminés dans leur casier, se laver les mains et prendre une douche avant de revêtir leur uniforme de pompier.

À leur retour à la caserne, après avoir répondu à un appel, on demande aux pompiers de décontaminer les semelles de leurs bottes avec la même solution liquide.

Ils doivent porter des gants lorsqu’ils manipulent leur équipement et doivent changer tout vêtement qui n’était pas protégé par leur bunker (habit de combat) durant l’intervention.

Les pompiers doivent de nouveau changer de vêtements et idéalement reprendre une douche avant de revenir dans les aires communes de leur caserne.

Dans les dortoirs, les lits doivent être distancés selon les normes. Chaque pompier doit avoir son protège-matelas personnel, son drap contour et sa propre literie. Ils doivent également apporter leur propre oreiller. La literie doit être transportée dans un sac hermétique et lavée après chaque quart de travail de 24 heures.

En finissant leur quart de travail, les pompiers doivent revêtir leurs vêtements personnels et apporter avec eux leurs uniformes sales. Les deux doivent être lavés séparément à la maison.

D’autres mesures s’ajoutent, entre autres si les pompiers croient avoir répondu à un appel avec des risques potentiels de contamination à la COVID-19. Toutefois, selon un protocole établi à Montréal durant la pandémie, même s’ils sont premiers répondants, les pompiers ne répondent pas aux appels pour lesquels il y a un risque de contamination à la COVID-19 pour conserver une masse critique de sapeurs prêts à combattre les incendies dans la métropole.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca