La nouvelle qu’un tigre du zoo du Bronx a contracté la COVID-19 a semé l’inquiétude chez les propriétaires de chats. Mais même si quelques précautions sont de mises, rien n’indique que vos matous et autres animaux de compagnie sont à risque de tomber malades ni d’infecter des humains.

Pour Nadia, ça a commencé avec une toux sèche et un manque d’appétit. On lui a fait passer un test pour la COVID-19, qui s’est avéré positif. L’histoire ressemble à celle de milliers de personnes sur la planète ces temps-ci. La différence : Nadia est un tigre de Malaisie femelle qui vit au zoo du Bronx, à New York.

On sait que le virus qui cause la COVID-19 est passé de l’animal à l’homme, peut-être via un pangolin, pour devenir un virus transmissible entre humains. Mais dans ce cas-ci, il semble avoir fait le chemin inverse. Selon le département américain de l’Agriculture, tout indique que c’est un gardien de zoo qui a probablement refilé le virus à Nadia.

Cette transmission d’un humain à un animal soulève d’importantes questions. Les propriétaires de chats et d’autres animaux domestiques doivent-ils craindre de les contaminer ? Et ces animaux peuvent-ils devenir un réservoir du virus et le transmettre à nouveau aux humains ? Une étude chinoise publiée mercredi dans la prestigieuse revue Science a créé une certaine commotion. Elle suggère que les chats et les furets peuvent développer la COVID-19. D’autres animaux comme les chiens, les canards, les poules et les cochons seraient beaucoup moins susceptibles au virus. Notons que même infectés, les chats n’ont pas ressenti de symptômes graves.

Levon Abrahamyan, spécialiste des maladies infectieuses chez les animaux et professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, estime toutefois qu’il faut prendre cette étude avec circonspection.

« Cette étude amène des conclusions très préliminaires. Elle a été faite dans l’urgence, a été mal conçue et les résultats sont discutables, voire douteux. Je suis très surpris que Science l’ait publiée », dit-il. La revue Science a confirmé à La Presse que l’article a fait l’objet d’une révision par les pairs, même si le processus d’évaluation a subi des « ajustements » dus à la COVID-19.

Comme d’autres spécialistes, Levon Abrahamyan souligne que les chercheurs chinois ont injecté de fortes doses du virus directement dans les voies respiratoires des animaux afin de les infecter. « Il s’agit d’un design artificiel qui ne reflète pas les conditions de transmissions réelles », souligne-t-il.

Linda Saif, professeure de médecine vétérinaire à l’Université d’État de l’Ohio, a écrit une critique de l’article de Science publié sur le site de la revue Nature. Elle pense aussi que le protocole utilisé ne représente pas les interactions réelles entre les humains et les animaux. Dans une note écrite acheminée à La Presse, elle souligne que seulement trois cas anecdotiques de transmission de la COVID-19 par des humains à des animaux domestiques ont été rapportés sur toute la planète au cours des derniers mois. Ils concernent deux chiens à Hong Kong et un chat en Belgique. Notons que les chiens ne présentaient pas de symptômes et avaient une faible charge virale. Compte tenu du nombre de gens touchés par la COVID-19 et des fortes interactions qui existent entre les humains et les animaux domestiques, ces chiffres sont extrêmement faibles.

« Pour les propriétaires de chats, il n’y a pas matière à s’alarmer », estime Linda Saif. Elle écrit que même dans le cas des chats infectés par de fortes doses du virus par les chercheurs chinois, il n’existe « aucune évidence directe » que ces animaux pourraient éventuellement transmettre le virus aux humains.

Des précautions à prendre

Par mesure de précaution, Levon Abrahamyan recommande néanmoins que, dans la mesure du possible, ce soit une personne non infectée qui s’occupe des animaux domestiques dans la famille.

« Cette stratégie permettra de diminuer le contact entre la personne infectée et l’animal. Étant donné que la fourrure de l’animal peut être contaminée par le coronavirus, l’animal pourrait être considéré comme une surface contaminée », dit-il.

Bref, par cette stratégie, le spécialiste veut simplement éviter que la fourrure d’un animal souvent flatté ne serve de vecteur pour transmettre le virus, comme cela peut être le cas pour une table, un crayon ou tout autre objet.

Les chercheurs conviennent toutefois que le cas de la contamination du tigre new-yorkais devra faire l’objet de plus de recherches. Le département américain de l’Agriculture et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) affirment que trois autres tigres et trois lions du même zoo ont ressenti des symptômes similaires à ceux de la tigresse Nadia. Ils n’ont toutefois pas été testés. Ces grands félins doivent être anesthésiés pour subir un dépistage, d’où la décision de ne pas tous les tester.

« Pour le moment, il n’existe aucune évidence qui suggère que n’importe quel animal, incluant les animaux domestiques et le bétail, puisse propager la COVID-19 aux humains », écrit le département américain de l’Agriculture sur son site web.

Notons que même si l’étude chinoise est critiquée, ses conclusions ne sont pas dénudées d’intérêt scientifique. Les chercheurs chinois suggèrent en effet que le furet, dont les cellules peuvent répliquer le virus, pourrait servir de modèle pour réaliser toutes sortes d’expériences scientifiques sur la COVID-19.