Après avoir atteint ce qu’ils estiment être le pic de l’épidémie de COVID-19 au sein de leurs frontières, des pays européens annoncent maintenant des plans de déconfinement offrant l’espoir d’un retour progressif à la vie normale.

Le processus est semé d’embûches et risque de mener à de nouvelles flambées de cas s’il est mal calibré, prévient Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui s’attend à ce que les autorités québécoises s’inspirent des résultats observés en Europe, et en Asie au préalable, pour guider éventuellement leurs pas dans ce domaine.

M. Mâsse note que pour déclarer une épidémie vaincue, il faut normalement attendre qu’une période correspondant à deux fois la période d’incubation maximale du virus concerné se soit écoulée sans apparition d’un nouveau cas.

Pour la COVID-19, il faudrait théoriquement attendre 28 jours sans que de nouveaux cas apparaissent avant de relâcher sérieusement les mesures de contrôle, ce qui paraît impraticable, dit M. Mâsse.

La population, voyant que les résultats s’améliorent, tend en effet à se montrer de plus en plus impatiente de reprendre ses activités normales, augmentant les risques de « défiance » s’il n’y a pas une forme d’allègement. 

Les pressions économiques sont aussi croissantes, forçant les autorités sanitaires à faire des compromis.

Cette dynamique n’est pas étrangère au fait que l’Italie, l’un des pays les plus durement touchés par la pandémie, vient d’annoncer son intention de rentrer progressivement dans une nouvelle phase « de cohabitation » avec le nouveau coronavirus à partir de la mi-mai.

Les autorités prévoient notamment, pour assouplir progressivement les règles de confinement, de généraliser le port du masque, de conserver de strictes mesures de distanciation sociale en milieu de travail et de maintenir un réseau d’hôpitaux désignés pour faire face à toute recrudescence.

Un suivi plus étroit des personnes contaminées et de leurs contacts sera par ailleurs assuré avec des données de géolocalisation, comme l’ont fait plusieurs pays asiatiques.

L’Autriche, qui compte 12 000 cas de contamination et 220 morts parmi sa population de 8,8 millions d’habitants, entend ouvrir une première vague de commerces le 14 avril et l’élargir progressivement jusqu’aux hôtels et aux restaurants à la mi-mai.

L’Allemagne évoque aussi le relâchement de certains contrôles à partir du 19 avril en vue de permettre notamment la réouverture d’écoles dans certaines régions.

Benoît Mâsse note qu’il est difficile de prédire à l’heure actuelle à quel moment le Québec pourra s’engager à son tour dans cette voie.

On sait d’ores et déjà, dit-il, que la diminution graduelle du nombre de cas de contamination et de morts jusqu’à un niveau minime prendra plusieurs semaines et s’étalera sur une période de temps plus longue que celle qu’il a fallu pour atteindre le pic, toujours à venir.

Tout relâchement des mesures de contrôle a pour effet de prolonger la courbe, souligne le professeur.

Dans le cas de la Chine, qui est accusée d’avoir manipulé ses données, 40 jours se sont officiellement écoulés avant que le nombre de morts revienne près de zéro après le pic.

L’évolution de la situation en Italie — qui a recensé plus de 130 000 cas de contamination et 16 500 morts — constituera un indicateur plus fiable.

De nombreux paramètres peuvent influer sur l’évolution de l’épidémie une fois passé le pic, relève M. Mâsse, qui évoque la possibilité de « rebonds » successifs de cas s’il y a relâchement trop rapide des mesures de contrôle.

Les autorités québécoises, dit-il, devront garder un œil attentif sur l’évolution des cas demandant une hospitalisation aux soins intensifs et à revenir rapidement à des mesures plus sévères si elles constatent des signes d’emballement.

Ces resserrements seront chaque fois plus efficaces parce que les responsables sanitaires, et la population, apprennent de la première vague et se sont adaptés aux exigences de distanciation sociale.

De nouveaux outils — incluant des tests de dépistage rapide — pourraient par ailleurs faciliter l’identification de personnes contaminées et leurs contacts, rendant plus efficace la lutte contre le coronavirus dans une nouvelle phase de propagation.

La situation sanitaire dans les États voisins du Québec risque aussi de jouer un rôle dans la manière dont les autorités vont gérer le processus, prévient M. Mâsse.

Un resserrement des frontières pourrait notamment être nécessaire s’il s’avère que la situation en Ontario ou aux États-Unis s’envenime.

« On n’arrivera pas tous au fil d’arrivée en même temps », prévient le professeur.