Ce n’est une surprise pour personne dans le milieu économique. Mais la fermeture des entreprises et des services non essentiels jusqu’au 4 mai – plutôt que le 13 avril – donne un dur coup aux entrepreneurs québécois qui réclament davantage d’aide des gouvernements.

Rue Saint-Denis, les propriétaires des boutiques désertées s’y attendaient. Même qu’ils comprennent la décision du gouvernement Legault de prolonger la fermeture des commerces devant l’ampleur de la crise sanitaire. « Mais c’est très difficile, souligne Kriss Naveteur, directrice générale de la Société de développement commercial (SDC) Rue Saint-Denis. J’ignore, après la relance, combien de commerces il va nous rester. »

« Il y a des personnes qui m’appellent et qui me disent qu’ils ont réussi à payer leurs employés, leurs charges, mais qu’ils sont incapables de payer leur loyer. Il leur reste 500 piastres dans leur compte de banque. Ils ont peur de se faire expulser de leur local », poursuit-elle.

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Kriss Naveteur, directrice générale de la SDC Rue Saint-Denis

Sur l’avenue du Mont-Royal, non loin de là, aucun commerce n’a annoncé sa fermeture définitive en raison de pandémie de COVID-19. « Mais il ne faut pas être naïf non plus et penser que tout le monde va s’en sortir », dit Claude Rainville, directeur général de la SDC de l’Avenue du Mont-Royal.

Selon lui, les propriétaires de certains espaces commerciaux ont adouci leur discours au cours des derniers jours. Au lieu d’exiger le paiement des loyers au premier du mois, plusieurs tentent de trouver des solutions. « Les propriétaires ne sont cependant pas tous des promoteurs qui ont des centaines ou des milliers de pieds carrés de superficie. Certains propriétaires ont juste un ou deux locaux. Ils ont aussi des obligations envers leur banque », raconte M. Rainville.

Dans Hochelaga–Maisonneuve, les entrepreneurs espéraient rouvrir leurs commerces le 13 avril tel qu’annoncé au départ, mais tous se doutaient que ce scénario n’était pas très réaliste. « C’est un marathon très difficile pour les commerçants. Plus ça s’étire, plus les chances sont grandes qu’on se retrouve avec des fermetures permanentes », affirme Jimmy Vigneux, directeur général de la SDC Hochelaga–Maisonneuve.

Comme ses collègues des autres quartiers, il insiste sur l’importance de privilégier les achats locaux. « Toutes les dépenses faites localement vont faire une différence. L’achat de proximité est 100 fois plus important qu’il y a deux mois. C’est la survie d’entreprises et d’emplois qui sont en jeu plus que jamais », martèle-t-il.

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Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal

Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal, suit attentivement la progression du nombre de cas de COVID-19 dans la province. Celui qui est aussi directeur général de la SDC Promenade Wellington est impatient de voir une baisse dans les statistiques pour pouvoir enfin penser à la relance de l’économie. En attendant, il encourage lui aussi les consommateurs à acheter local.

Si les quartiers ne bénéficient plus d’une artère commerciale en santé, attirante et rassembleuse, on peut se demander quelle sera la pertinence de vivre dans des centres denses et métropolitains. Ça risque d’ouvrir la porte à l’étalement urbain.

Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal

Davantage d’aide demandée

Devant la fermeture prolongée des entreprises non essentielles, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) demande notamment au gouvernement d’alléger l’impôt foncier pour les commerces et de protéger les entrepreneurs contre une expulsion de leur local.

« Depuis le début de la crise, les pertes financières moyennes des PME québécoises ont presque triplé, passant de 50 000 $ à 140 000 $. À ce rythme, dans un mois, on va passer un point de non-retour », a indiqué François Vincent, vice-président Québec à la FCEI, dans un communiqué.

Le Conseil du patronat (CPQ) a aussi demandé des mesures additionnelles (comme l’élargissement des critères d’admissibilité pour l’allocation de pertes de revenus) pour aider les entreprises « à traverser la vallée de la mort ». « Même si cette décision fait très mal aux dizaines de milliers d’entreprises directement touchées, le milieu des affaires reste solidaire avec le gouvernement », a toutefois souligné Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction du CPQ, également dans un communiqué.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a aussi insisté auprès du gouvernement pour que d’autres mesures soient adoptées afin de diminuer les impacts de la crise sur les entrepreneurs. « Le contexte est exceptionnel et même si cette décision est évidemment compréhensible, les impacts négatifs sont considérables pour les entreprises québécoises », a déclaré Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ, dans un communiqué.