(Ottawa) Le Parlement fédéral sera rappelé une seconde fois pour adopter de nouvelles mesures économiques d’urgence et il faudra voir si le gouvernement a appris de ses erreurs.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé pendant son point de presse quotidien qu’il avait demandé à son équipe de contacter les partis d’opposition à ce sujet, soulignant que la réponse à la crise devait être un « effort de l’équipe Canada ».

« C’est peut-être pour se reprendre par rapport au cafouillage de la semaine passée. C’était mal parti pour le gouvernement et il n’a pas montré une très bonne image vis-à-vis des partis d’opposition », analyse Geneviève Tellier, professeure en études politiques à l’Université d’Ottawa.

La semaine dernière, l’adoption du plan fédéral, qui ne devait être qu’une formalité, s’est transformée en marathon de négociations après que l’opposition eut accusé le gouvernement de vouloir s’attribuer des pouvoirs sans précédent dans le contexte de la crise de la COVID-19.

Cette fois, le gouvernement n’a pas attendu. Il a déjà contacté les partis d’opposition pour déterminer une date pour un autre court retour à la Chambre des communes, quelques heures après que les conservateurs en eurent fait la demande.

Les élus se pencheront sur la subvention salariale pour les entreprises, qui coûtera 71 milliards à l’État et qui devrait être mise sur pied d’ici six semaines.

Les bloquistes sont prêts à collaborer, mais à certaines conditions.

Le chef Yves-François Blanchet exige que tous les parlementaires aient en main le libellé du projet de loi et s’entendent sur la version finale du projet de loi avant de se déplacer vers Ottawa. Il souhaite ainsi que l’exercice se fasse au plus vite.

M. Blanchet a reproché au gouvernement d’avoir cédé, la semaine dernière, aux pressions des conservateurs alors que les bloquistes étaient prêts à permettre au gouvernement d’aller de l’avant avec la subvention salariale et des baisses d’impôts sans demander une nouvelle autorisation au Parlement.

« Notre proposition nous aurait évité de revenir au Parlement », de l’avis du chef bloquiste. « Je réitère que la partisanerie doit être laissée au vestiaire », a-t-il réclamé, se désolant de ce que cette nouvelle réunion d’élus et de sénateurs retarde le versement de l’aide financière.

Mme Tellier se demande comment l’opposition se comportera lors de cette nouvelle séance aux Communes.

« Est-ce qu’ils vont essayer de marquer des points ? Ça pourrait être au désavantage des partis d’opposition s’ils commencent à rentrer un peu de partisanerie qui est plus ou moins fondée, je vous dirais », a-t-elle dit, citant en exemple les gouvernements du Québec et de l’Ontario qui ont l’appui de tous les partis dans le combat contre la COVID-19.

Déjà, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a déploré par Twitter que d’« attendre six semaines (pour la subvention salariale) obligera de nombreuses entreprises à fermer ». Il estime que la situation exige « une urgence bien plus grande ».

Le lieutenant conservateur du Québec, Alain Rayes, a critiqué par voie de communiqué la « mauvaise gestion » du gouvernement dans cette crise.

« Malheureusement, aujourd’hui, les entrepreneurs ont appris que les mesures d’aide allaient être retardées, car le premier plan présenté par les libéraux et adopté à la Chambre des communes la semaine dernière, avait été mal ficelé et bâclé », a-t-il dit.

Aucune date n’a été avancée pour le retour au Parlement pour le moment.

Le premier plan

La semaine dernière, un Parlement réduit adoptait un plan de mesures économiques d’urgence qui devait être de 82 milliards pour aider les citoyens et les entreprises du Canada affectés par l’éclosion de la COVID-19. Avec l’ajout de la Prestation canadienne d’urgence, le plan adopté est monté à 107 milliards.

La part du lion du plan comprenait 55 milliards sous forme d’impôts différés pour les entreprises et les particuliers. De plus, 52 milliards seront versés en aide pour les travailleurs, les étudiants qui doivent rembourser leurs prêts, en plus de fonds pour le système de santé, les sans-abri, les refuges pour femmes et les communautés autochtones.

La subvention salariale aux petites entreprises devait d’abord être de 10 %, mais a été augmentée à 75 % vers la fin de la semaine dernière.

Lundi, le premier ministre Trudeau a annoncé que la subvention salariale sera finalement distribuée à toute entreprise qui aura perdu au moins 30 % de son revenu, quel que soit son nombre d’employés. Le gouvernement du Canada subventionnera 75 % de la première tranche de 58 700 $ de chaque salaire ; il pourrait ainsi assurer jusqu’à 847 $ par semaine, par employé. La mesure est rétroactive au 15 mars.

Le coût pour ce programme : 71 milliards, ce qui porte l’ensemble des mesures du fédéral pour combattre les effets économiques de la COVID-19 à 255 milliards.