La confirmation de trois cas de COVID-19 au sein d’une même famille mardi a suscité inquiétudes et conjectures aux Îles-de-la-Madeleine. Le maire Jonathan Lapierre a lancé un appel au calme, et la mère de la famille touchée a accepté de témoigner publiquement pour rassurer la population.

Déjà, le traversier qui fait la navette entre Souris, à l’Île-du-Prince-Edouard, et les Îles-de-la-Madeleine, au Québec, avait commencé à faire jaser sur les réseaux sociaux mardi. Un commentaire suggérait que des résidants de l’Île-du-Prince-Edouard et du Nouveau-Brunswick venaient se réfugier massivement aux Îles.

« Trente minutes après, la Santé publique a annoncé trois cas. Le système téléphonique de la mairie a sauté », a raconté le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, en entrevue téléphonique avec La Presse mercredi.

La société CTMA, qui exploite le traversier, lui ayant confirmé qu’au moins 90 % des passagers étaient des Madelinots qui rentraient chez eux, il s’est tourné vers la radio locale.

« Oui, il y a peut-être des gens de l’extérieur qui arrivent aux Îles, mais ce sont des gens qui viennent travailler dans des entreprises qui offrent probablement des services essentiels. De là l’appel au calme », a déclaré M. Lapierre sur les ondes de CFIM mardi.

Les trois personnes infectées « collaborent pleinement », a ajouté le maire en invitant à la population à « les soutenir de façon virtuelle » et à « les encourager ». 

Il ne faut surtout pas leur faire un procès d’intention ou [un procès] sur la place publique.

Le maire Jonathan Lapierre

L’histoire de cette famille revenue de voyage à l’étranger a néanmoins continué à grossir sur les réseaux sociaux de cet archipel de 13 000 habitants – au point que la famille a décidé de rompre l’anonymat.

« C’est pas vraiment de gaieté de cœur », a confié Valérie Landry en entrevue à CIFM mercredi après-midi.

« Mais je pense que c’était une nécessité en fonction de tout ce qui s’est dit, ce qui s’est parlé hier sur les réseaux sociaux », a poursuivi cette mère de famille.

« Pas le temps de paniquer »

Mme Landry, qui est dentiste à Fatima, a atterri aux Îles le 17 mars après un séjour en République dominicaine avec son conjoint et leurs deux enfants. Son conjoint, leur fils et elle ont commencé à ressentir des symptômes après un délai de plus de trois jours. Leur fille en est exempte. Mais hormis une personne à l’aéroport, ils n’ont eu aucun contact aux Îles depuis leur arrivée, puisqu’ils se sont immédiatement isolés, a assuré Mme Landry.

Étant une professionnelle de la santé, c’était obligatoire. Et de mon propre chef, j’avais obligé mes enfants et mon conjoint à le faire parce que si lui se promène, c’est un peu n’importe quoi.

 Valérie Landry

La dentiste a appelé les Madelinots à respecter les consignes de santé publique et à se faire tester s’ils ressentent des symptômes. « Ce n’est surtout pas le temps de paniquer. »

Tout en disant comprendre pourquoi ses concitoyens avaient mis autant d’énergie à tenter d’identifier sa famille, elle les a appelés à consacrer plutôt cette énergie « à [se] protéger, à protéger [leurs] familles ».

Comme dans plusieurs régions, le respect des consignes de santé publique est loin d’être universel aux Îles.

« Je pense que les gens ne réalisent pas encore la gravité de la situation. Ils font encore des rassemblements familiaux et amicaux », nous a indiqué une personne travaillant dans le réseau de la santé qui n’a pas souhaité être identifiée.

Préoccupations pour l’approvisionnement

Malgré l’isolement de l’archipel, le maire Lapierre dit ne pas être inquiet de la réponse du système de santé. Les cas nécessitant une hospitalisation seront transférés à Québec, et si jamais cette région n’était plus en mesure de les accueillir, l’organisation de santé locale « a la commande de développer une capacité d’hospitalisation », dit-il.

Ce qui le préoccupe davantage, c’est l’approvisionnement. « On a besoin d’avoir une liaison maritime et aérienne continue pour les médicaments, la poste, le gaz, le mazout, les pièces de bateaux et de véhicules… » Voyant qu’Air Canada arrêtera ses vols en avril et que Pascan réduira les siens de moitié, il a fait des représentations à Québec pour que le transport aérien régional soit reconnu comme essentiel, et soutenu financièrement. « Si Pascan Aviation tombe, c’est une partie de la chaîne d’approvisionnement des Îles qui tombe », prévient Jonathan Lapierre.