(Halifax) Pour les Canadiens en attente d’une opération qui changera leur vie, le nouveau coronavirus provoque une détresse grandissante alors que les annulations et les retards s’accumulent dans le système de santé publique.

Tahlia Ali, 15 ans, fait partie des patients dont les opérations de greffe d’organe sont reportées, au plus grand centre de greffe du pays à Toronto.

Sa mère, Lisa Ali, explique que cette situation cause deux inquiétudes, car sa fille doit rester strictement isolée dans leur maison d’Halifax pour éviter la COVID-19, et la famille doit attendre de savoir quand Tahlia pourra entrer dans le programme géré par l’Hôpital pour enfants malades et le Réseau universitaire de santé.

La famille a appris que la date d’entrée de Tahlia dans le programme de greffe était « en suspens », et on prévoit lui donner des nouvelles à la fin de ce mois.

Tahlia Ali a reçu un diagnostic d’hypertension pulmonaire, ce qui entraîne un manque d’oxygène dans les vaisseaux sanguins des poumons, et elle a deux trous dans le cœur.

Le Réseau universitaire de santé a indiqué que les greffes pulmonaires étaient suspendues, sauf en cas de détérioration critique, mais les Ali s’attendent toujours à se rendre à Toronto pour attendre les nouveaux poumons de l’adolescente, et collectent des fonds pour aider à payer les frais de logement et de déplacement.

« Rester ici [à Halifax] est le meilleur choix, sans aucun doute. Mais c’est l’incertitude autour de tout […] qui est difficile », a confié la mère lors d’une entrevue téléphonique.

« Elle a besoin d’une greffe. Le moment viendra où elle en aura besoin. »

Tahlia a raconté en entrevue que la situation était « un peu stressante », mais qu’elle va bien.

« C’est important parce que mes poumons ne fonctionnent pas aussi bien que (les médecins) le souhaitent […] J’espérais que (l’opération) me donnerait plus d’énergie pour faire plus d’activités. »

Le Dr Shaf Keshavjee, directeur du programme de greffe pulmonaire, a expliqué que la suspension du programme est nécessaire parce que les tests pour s’assurer qu’un poumon donneur ne contient pas le virus sont toujours en cours de perfectionnement, et parce que les équipes de greffe qui se déplacent en avion à travers le Canada pour transporter les poumons augmenteraient le risque d’aggraver la pandémie.

Il a déclaré que l’équipe de greffe pulmonaire inclut également des membres de l’équipe de soutien pulmonaire artificiel de l’hôpital, et qu’il est crucial qu’ils restent en bonne santé alors que la pression sur le système s’accentue.

« Nous allons avoir un œil sur tous les patients de la liste, et s’ils se détériorent, nous pourrons peut-être opter pour un poumon spécifique à un endroit spécifique si nous pensons que nous pouvons le retirer en toute sécurité », a souligné le Dr Keshavjee.

Des histoires semblables émergent au sujet de personnes atteintes de divers problèmes de santé, allant des retards dans les tests de cancer aux opérations articulaires annulées.

Robin McGee, autrice de The Cancer Olympics et militante pour les patients atteints de cancer, a appris la semaine dernière qu’elle avait besoin de tests supplémentaires pour déterminer s’il y avait une récidive de son cancer colorectal.

La psychologue de 59 ans dit qu’il lui a été difficile de joindre les médecins de la Nouvelle-Écosse pour organiser les procédures médicales nécessaires avant d’éventuels traitements contre le cancer. Elle attribue les retards inhabituels à un système surchargé par les préparatifs pandémiques.

La résidente de Port Williams, en Nouvelle-Écosse, cherche un nouveau « port-a-cath », un appareil implanté chirurgicalement pour administrer la chimiothérapie.

Après cinq jours d’appels sans réponse, son chirurgien a communiqué avec elle lundi pour indiquer qu’il était au courant de sa demande.

« Mon niveau d’anxiété a baissé », a-t-elle confié, ajoutant qu’il était bon de savoir « qu’ils m’ont vue, et que je ne crie pas dans le vide quand je laisse tous ces messages ».

Elle dit que les patients réalisent que le système fait face à une crise de santé et que « nous sommes de tout cœur avec nos professionnels de la santé ».

Malgré tout, elle estime que les nouveaux patients atteints de cancer doivent avoir un contact rapide avec les professionnels de la santé pour qu’ils les rassurent. « Ne pas savoir si vous pouvez même contacter un médecin est terrifiant », a-t-elle souligné.

Carla Adams, porte-parole de la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, a déclaré que le système est engagé à fournir des soins contre le cancer « dans la mesure du possible » pendant la pandémie de COVID-19, et que « la pandémie n’entrave pas notre capacité à communiquer avec les patients ».