Le gouverneur de l’Oklahoma voulait inciter les gens à passer du bon temps et à aider les commerces locaux en temps de crise de la COVID-19.

Samedi, le gouverneur Kevin Stitt est allé souper avec sa famille dans une nouvelle galerie alimentaire d’Oklahoma City. « Je mange avec mes enfants et tous mes concitoyens d’Oklahoma. C’est rempli ce soir ! », a-t-il écrit sur Twitter, en diffusant un égoportrait le montrant au restaurant avec ses fils.

M. Stitt a effacé son tweet, mais il a continué pendant deux jours à inciter ces concitoyens à sortir. Mardi, il a finalement changé d’idée, suggérant aux gens de ne pas manger au restaurant, de s’abstenir de voyager et d’éviter les rassemblements de plus de 10 personnes en Oklahoma, aux prises avec 44 cas d’infection à la COVID-19, dont au moins un résidant d’un centre pour personnes âgées.

« Ces recommandations sont les bonnes étapes au bon moment », a-t-il déclaré.

M. Stitt n’est pas le seul à avoir attendu avant de passer à l’action : plusieurs gouverneurs d’États du sud des États-Unis hésitent à ordonner le confinement ou l’isolement social afin de stopper l’épidémie.

Selon la National Governors Association, qui suit la réponse de chaque État américain, il n’y avait pas en date de mercredi d’ordres liés à la fermeture des écoles ou à l’isolement social s’appliquant à l’ensemble du territoire au Tennessee, en Oklahoma, au Missouri, au Mississippi, en Idaho et au Wyoming.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE TWITTER DU GOUVERNEUR KEVIN STITT

« Je mange avec mes enfants et tous mes concitoyens d’Oklahoma. C’est rempli ce soir ! », a écrit samedi sur Twitter le gouverneur Stitt.

Dans plusieurs de ces États, ce sont les municipalités – habituellement les municipalités les plus populeuses –, les comtés ou les commissions scolaires qui ont individuellement décidé de fermer les lieux publics et les écoles. Mais les gouverneurs, tous membres du Parti républicain, ne l’exigeaient pas.

PHOTO RICARDO B. BRAZZIELL, ASSOCIATED PRESS

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, déclare l’état d’urgence, le 19 mars.

Au Texas, ce n’est que le jeudi 19 mars que le gouverneur républicain, Greg Abbott, a déclaré l’état d’urgence et ordonné la fermeture des écoles pour les quelque 5 millions d’élèves de l’État. Au moins 160 personnes ont eu des tests positifs pour la COVID-19 jusqu’ici au Texas, et 4 en sont mortes.

En Floride, le gouverneur, Ron DeSantis, a résisté jusqu’ici aux demandes voulant que l’État ferme ses plages, demandes qui se font de plus en plus pressantes après la diffusion de vidéos virales montrant des étudiants en train de faire la fête sur les plages de l’État.

Pour le Dr Ronald Labonté, professeur à l’École d’épidémiologie et de santé publique de l’Université d’Ottawa et titulaire d’une chaire de recherche en mondialisation et en équité en santé, les réponses tardives de plusieurs États américains n’inspirent pas la confiance pour les semaines et les mois à venir.

Oui, c’est inquiétant. Il est important de mettre des mesures sévères en place au moins jusqu’à ce que nous ayons une idée plus claire quant à la propagation de l’infection, des taux d’infection et des taux de mortalité.

Le Dr Ronald Labonté, professeur à l’École d’épidémiologie et de santé publique de l’Université d’Ottawa

Informés dès février

La réponse tardive des autorités américaines est d’autant plus étonnante que des officiels savaient dès le mois de février que des mesures draconiennes devaient être prises afin d’empêcher la propagation du virus aux États-Unis.

Le sénateur Richard Burr, président du Comité du renseignement du Sénat, a déclaré il y a trois semaines dans un discours fermé à la presse qu’il fallait s’attendre à ce que le nouveau coronavirus ait des conséquences économiques et sociales graves dans son pays.

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Le sénateur Richard Burr, président du Comité du renseignement du Sénat

« Il y a une chose que je peux vous dire à ce sujet : sa transmission est beaucoup plus agressive que tout ce que nous avons vu dans l’histoire récente, a déclaré M. Burr, selon un enregistrement secret de ses propos obtenus par le réseau NPR. Cela ressemble probablement davantage à la pandémie de 1918. »

Le 27 février, le jour même où M. Burr tenait ces propos devant un parterre sélect de gens d’affaires au Capitol Hill Club à Washington, le président Donald Trump affirmait que le nouveau coronavirus allait disparaître « lorsqu’il ferait chaud ».

Dans son allocution, M. Burr a ajouté : « Chaque entreprise devrait comprendre qu’elle devra peut-être changer ses plans de voyage. Vous aurez peut-être à regarder vos employés, et tenter de voir si leurs déplacements en Europe sont essentiels, ou si ça peut être fait par vidéoconférence. Pourquoi courir le risque ? », a-t-il dit, ajoutant que des écoles pourraient devoir fermer aux États-Unis pour éviter la propagation.

NPR a calculé que M. Burr avait tenu ces propos 13 jours avant que le département d’État ne commence à avertir les Américains de limiter leurs déplacements vers l’Europe, et 15 jours avant que l’administration Trump n’interdise l’arrivée de voyageurs en provenance d’Europe sur le sol américain.