Des Québécois qui s’étaient envolés pour la République dominicaine mardi ont dû revenir d’urgence moins de 24 heures plus tard, le pays ayant décidé de boucler ses frontières.

Polo Martin, un Québécois qui travaille dans le tourisme en République dominicaine depuis plusieurs années, était abasourdi, mardi, de voir des vacanciers arriver d’avions en provenance de Montréal et de Toronto malgré la crise sanitaire mondiale et la cascade de fermetures de frontières.

« Ils n’étaient pas nombreux, mais quand même ! dit-il. Tout le monde les regardait arriver en se disant : “Mais d’où sortent-ils ?” »

En discutant avec des vacanciers, M. Martin a appris que plusieurs avaient tenté sans succès de joindre leur compagnie aérienne ou leur voyagiste, et avaient décidé de faire le voyage de peur de perdre les sommes déboursées. « J’ai aussi parlé avec une mère débordée qui était avec ses enfants de 2 et 4 ans, et qui disait qu’elle préférait vivre la quarantaine dans le Sud plutôt qu’au Québec. »

Les plans de ces vacanciers, et des autres déjà présents, ont changé abruptement mercredi : une centaine de personnes ont été renvoyées au Canada dans les derniers avions encore disponibles.

« Le gouvernement dominicain établit des mesures de confinement d’urgence très strictes, dit M. Martin. Ça commence jeudi. »

Coincés en Espagne

Plusieurs n’ont pas autant de chance. Raymonde Rompré, originaire de la région du Saguenay, est coincée avec son mari dans un studio de la ville balnéaire de Torremolinos, en Espagne. Elle note qu’environ une centaine de Québécois, des retraités et des personnes âgées pour la plupart, logent dans le même complexe qu’elle et cherchent désespérément à rentrer d’urgence au pays.

Notre premier ministre nous dit de nous en venir, mais il ne met pas de moyens à notre disposition. On ne peut pas rentrer à la nage.

Raymonde Rompré

La région est pour ainsi dire fermée, et des vols sont annulés. « Des Québécois devaient partir pour Paris ce vendredi, pour ensuite aller à Montréal. Mais leur vol pour Paris vient d’être annulé. Ils sont pris. »

La fille de Mme Rompré a pu trouver des billets pour un vol qui doit quitter leur région dimanche, à destination de Montréal. « C’est un vol direct. Nous croisons les doigts pour qu’il ait lieu. Notre plus grande inquiétude, c’est le retour. C’est ça qui nous fait si peur. »

Plusieurs centaines de citoyens canadiens se trouvent dans sa région, qui est une sorte de « Floride de l’Europe », dit-elle. « Au lieu d’avancer 5000 $ à chaque voyageur comme il l’a annoncé, le gouvernement fédéral pourrait simplement noliser un avion. Il me semble que ça reviendrait moins cher, et que ça réglerait les problèmes de bien des gens d’un coup. » Près de 14 000 personnes sont infectées à la COVID-19 en Espagne, où l’on dénombre plus de 600 morts.

PHOTO JON NAZCA, REUTERS

Une femme fait des exercices sur son balcon d’une tour d’habitation de Torremolinos, ville sous le coup d’un ordre de confinement partiel à l’instar du reste de l’Espagne.

Mercredi, Air Transat a annoncé la suspension progressive de ses vols jusqu’au 30 avril. « Cette décision fait suite à l’annonce du gouvernement canadien d’interdire l’entrée de ressortissants étrangers sur le territoire, ainsi qu’à des décisions similaires de plusieurs autres pays où l’entreprise opère. »

De et vers l’Europe et les États-Unis, les ventes pour des départs jusqu’au 30 avril sont fermées immédiatement sur la plupart des destinations, a signalé l’entreprise.

« Des vols de rapatriement seront encore opérés au cours des deux prochaines semaines, le temps de ramener les clients de Transat dans leur pays d’origine. Afin de permettre autant de retours que possible, les ventes resteront toutefois provisoirement ouvertes dans les deux sens à partir de Montréal vers Paris et Lisbonne, et à partir de Toronto vers Londres et Lisbonne. Une date d’arrêt des opérations sera annoncée incessamment. »

« De et vers les Caraïbes et le Mexique, les ventes sont également fermées immédiatement. Des vols seront encore opérés pendant quelques jours le temps de rapatrier les clients de Transat au Canada. Transat recommande à ses clients canadiens qui devaient partir dans les prochains jours de suivre les recommandations du gouvernement et de remettre leur départ. »

Retour retardé

Comme bien des Québécois pris à l’étranger et incapables de rentrer, Geneviève et William prennent leur mal en patience.

Confinés à leur chambre d’hôtel près de Lima, au Pérou, ils réalisent qu’ils ne pourront vraisemblablement pas sortir du pays avant au moins deux semaines, voire beaucoup plus.

« Air Canada a changé nos billets de retour pour le 2 avril », dit Geneviève, qui était arrivée au Pérou il y a neuf jours, alors que le pays ne comptait aucun cas d’infection à la COVID-19. Il en compte aujourd’hui 117.

« On croise les doigts pour que le pays rouvre ses frontières d’ici là, parce que pour le moment, c’est fermé. Personne ne rentre ni ne sort du Pérou. Les gens de la police et de l’armée sont venus nous voir, nous ont dit de ne pas sortir. Il faut montrer son passeport pour sortir acheter de l’eau ou de la nourriture. »