(Ottawa) Geste impensable il y a une semaine à peine, le gouvernement Trudeau et l’administration Trump s’apprêtent à fermer la frontière canado-américaine à tous les voyageurs dans une ultime tentative de freiner la propagation de la COVID-19 sur le continent nord-américain.

Des négociations entre Ottawa et Washington se sont poursuivies durant une partie de la nuit afin d’établir les conditions de passage aux postes frontaliers pour les personnes jugées essentielles, comme les camionneurs qui assurent la livraison de la nourriture et de marchandises des deux côtés de la frontière ou encore les travailleurs de secteurs jugés névralgiques, a confirmé mardi soir à La Presse une source gouvernementale qui a requis l’anonymat.

Après avoir annoncé la fermeture des frontières à tous les voyageurs, à l’exception des Américains, des membres du corps diplomatique et du personnel de l’équipage des compagnies aériennes, lundi, le gouvernement Trudeau resserre donc encore d’un cran le contrôle des frontières pour juguler la propagation de la COVID-19.

Les Canadiens qui se trouvent actuellement aux États-Unis – on compte en moyenne deux millions de snowbirds qui fuient l’hiver canadien pour la chaleur et le soleil de la Floride – pourront rentrer au bercail sans être refoulés à la frontière, a-t-on assuré mardi soir. « Ils ont évidemment un droit constitutionnel de revenir au pays », a indiqué une source gouvernementale.

Environ 200 000 personnes traversent la frontière canado-américaine quotidiennement, a rappelé mardi la vice-première ministre, Chrystia Freeland. « Il s’agit d’une relation unique pour le Canada et il est important de bien gérer la question de la frontière », a-t-elle dit.

2 milliards

Équivalent en dollars de marchandises qui traversent également la frontière canado-américaine chaque jour.

L’accord sur lequel planchent les deux capitales vise à assurer la libre circulation des marchandises entre les deux pays et à limiter dans la mesure du possible les conséquences économiques d’une telle mesure sans précédent dans l’histoire des deux pays.

Au sein du cabinet Trudeau, on craint que les États-Unis supplantent sous peu l’Europe en tant qu’épicentre de la pandémie de la COVID-19. En coulisses, on déplore la lenteur de l’administration Trump à s’attaquer à cette crise avec force, d’autant qu’un nombre important d’Américains n’ont pas accès à un régime de soins de santé digne de ce nom pour se faire tester.

D’un autre côté, le gouvernement Trudeau ne souhaitait pas provoquer indûment le président américain, reconnu pour son caractère imprévisible, en annonçant unilatéralement la fermeture de la frontière aux voyageurs américains dès lundi sans amorcer au préalable un dialogue pour trouver un accord assurant la libre circulation des marchandises et des personnes essentielles.

En point de presse, mardi matin, le premier ministre Justin Trudeau avait affirmé que l’option de fermer complètement la frontière à tous les voyageurs, à l’exception « des personnes essentielles », comme le réclament maintes provinces, était une option qui demeurait à la portée de son gouvernement.

« Comme j’ai dit, on est en train de coordonner avec les États-Unis, avec les autorités américaines. On est en train de regarder tout ce qu’on peut faire pour protéger les Canadiens. Il n’y a rien qui est écarté. On regarde toutes les différentes options », a-t-il lancé.

On va tout faire pour garder les Canadiens en sécurité et on s’assure qu’en même temps, on n’est pas en train de faire mal à des Canadiens en limitant les denrées essentielles et les marchandises.

Justin Trudeau

À Washington, le président Donald Trump avait aussi laissé entendre, mardi, que son administration avait des discussions avec les autorités canadiennes sur une série de mesures touchant la frontière.

« Je ne veux pas dire cela, mais nous sommes en train de discuter de choses avec le Canada et nous discutons de choses avec le Mexique, et en toute honnêteté, nos relations sont merveilleuses avec les deux pays. Nous venons juste de conclure une nouvelle entente commerciale, et nos relations sont très fortes », a-t-il affirmé alors qu’il proposait au Congrès un plan de relance économique de 850 milliards de dollars.

Le premier ministre du Québec, François Legault, avait exhorté le gouvernement fédéral dès la semaine dernière à fermer les frontières à tous les voyageurs pour contenir la propagation du nouveau coronavirus avant qu’il ne soit trop tard.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, avait aussi exigé une telle mesure extraordinaire tout en réclamant, à l’instar de son homologue québécois, que l’on maintienne la libre circulation des marchandises.

Un autre premier ministre, John Horgan, de la Colombie-Britannique, avait profité de la conférence téléphonique des premiers ministres de vendredi dernier pour faire part de ses inquiétudes au sujet de la frontière que partage la Colombie-Britannique avec l’État de Washington, qui est un des épicentres de l’épidémie aux États-Unis.