Québec tente d’augmenter le nombre de lits de soins intensifs dans le réseau de la santé, au nombre d’un peu plus de 1000 à l’heure actuelle, afin de faire face à la propagation de la COVID-19. De son côté, le premier ministre François Legault a lancé un appel aux Québécois : « Allez donner du sang ! » Un appel qui a été entendu, alors que les lignes téléphoniques, le site internet et les centres de donneurs d’Héma-Québec ont rapidement été pris d’assaut. Compte rendu.

Plus de lits

Le gouvernement a entrepris des démarches pour augmenter le nombre de lits de soins intensifs. Il y en a un peu plus de 1000 à l’heure actuelle ; le Québec compte 3000 ventilateurs. Est-ce que la population doit s’inquiéter de la disponibilité des lits de soins intensifs ? « Ça dépend des scénarios qui sont envisagés », a répondu François Legault lundi. La veille, il commentait un scénario « pessimiste » parlant de 200 000 personnes hospitalisées aux soins intensifs si la moitié de la population est infectée. « Pour l’instant, on est en contrôle », a-t-il affirmé. Le ministère de la Santé tente d’« ouvrir des espaces en surcapacité dans les établissements en utilisant les équipements et espaces des soins intermédiaires et des lits de soins intensifs chirurgicaux ». Selon lui, « certaines unités sont ainsi capables de doubler leur capacité ». Le Ministère assure que les lits en soins intensifs se retrouveront toujours dans un hôpital. Rappelons que Québec veut ouvrir des unités modulaires pour accueillir des patients. Pour équiper un lit en soins intensifs, il faut des moniteurs, des ventilateurs et du matériel d’intubation. « Les établissements possèdent actuellement suffisamment de matériel », souligne le Ministère. Comme « chaque geste compte », le premier ministre a invité les Québécois à « tout faire pour éviter que [le] réseau de la santé soit débordé au cours des prochaines semaines ».

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Un kit de dépistage de la COVID-19 dans une clinique de Montréal

Vers 6000 analyses par jour

Il y avait 50 cas de COVID-19 au Québec à 14 h lundi, une hausse de 15 cas en 24 heures. Il y avait alors 3073 personnes sous investigation ; et 3079 tests ont donné un résultat négatif jusqu’ici. Le Québec sera en mesure dès mardi d’augmenter le nombre de tests de dépistage de la COVID-19 réalisés chaque jour, a assuré la ministre de la Santé, Danielle McCann. Questionnée sur la lenteur à en obtenir un, elle a assuré avoir « assez de tests ». « Dès demain vont ouvrir sept autres centres d’évaluation », a-t-elle dit. Les quatre centres hospitaliers universitaires du Québec auront entre autres leur centre de dépistage. « Vous allez voir un impact rapide sur le délai, a-t-elle affirmé. On va passer de 1600 analyses à plus de 6000 analyses par jour. On va remédier rapidement à la situation. »

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Une infirmière s’apprête à faire un test de « dépistage au volant » en Californie avec un écouvillon.

Les écouvillons soulèvent des questions

Au Laboratoire de santé publique du Québec, le biologiste moléculaire Hugues Charest n’a pas d’inquiétude sur les techniciens et les infirmières qui peuvent faire un nombre beaucoup plus élevé de prélèvements et de tests diagnostiques. Ce qui pourrait causer un « goulot d’étranglement », selon M. Charest, ce sont les « tiges d’écouvillonnage » que l’on plonge loin dans le nez des patients. C’est une sorte de long coton-tige qui permet de récolter un échantillon. Le problème, c’est qu’il n’y a qu’un seul fabricant dans le monde de ces tiges très spécialisées. Si M. Charest se fait circonspect sur la question, en faisant quelques recherches, on découvre que l’entreprise en question s’appelle Copan, qu’elle est italienne et qu’elle fait la manchette dans le Bel Paese depuis quelques semaines. La responsable médias de Copan, Camilla Masneri, a indiqué à La Presse être trop occupée pour donner une entrevue. « Nous sommes passés d’une production de 900 000 tiges par semaine à 1,2 million en quelques semaines », a expliqué au Corriere della Sera la PDG de Copan, Stefania Triva. « Nous avons aussi des usines qui pourraient être utilisées en Californie et à Shanghai, et une nouvelle usine à Porto Rico. Nous n’excluons pas de fournir aussi des tiges moins à l’avant-garde que notre gamme actuelle, en cas de crise. Mais nous ne pourrons pas reproduire l’effort que nous avons fait pour la Chine en février. » En conférence de presse, la ministre McCann a dit qu’actuellement, « les écouvillons dont vous parlez, on en a assez […]. On est capables de faire l’ensemble des tests ».

Transmission locale ?

Pour l’instant, seules les personnes présentant des symptômes de la COVID-19 et ayant voyagé à l’étranger sont testées. Pour la directrice régionale de la santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, il y a possiblement des transmissions locales de coronavirus actuellement, mais elles ne sont pas documentées. Un avis partagé par le directeur national de la santé publique du Québec, le DHoracio Arruda. Mais pour lui, la priorité dans les tests de dépistage doit pour l’instant être donnée aux gens revenant de voyage. « Il faut absolument que les gens qui reviennent de l’extérieur et qui ont des symptômes soient la priorité. Parce qu’actuellement, notre épidémiologie n’est pas une transmission locale », a-t-il soutenu. Mais en augmentant le nombre de tests, Québec pourra « élargir les critères de dépistage chez les gens symptomatiques ».

Dons de sang

Les Québécois ont répondu en grand nombre lundi à la demande du premier ministre François Legault de donner de leur sang. « Les gens sortent moins et on a toujours des besoins pour du sang. On a besoin de garder notre niveau d’approvisionnement », a-t-il expliqué. Les lignes téléphoniques, le site internet ainsi que les centres de donneurs d’Héma-Québec ont rapidement été pris d’assaut. « On a un beau problème. On a même ajouté de la bande passante pour suffire à la demande sur internet », explique Laurent-Paul Ménard, porte-parole d’Héma-Québec. Le centre Globule situé à la Place Versailles, dans l’est de Montréal, roulait au maximum de sa capacité en après-midi lors du passage de La Presse. On invitait les gens en file à patienter, à prendre rendez-vous ou à revenir une autre journée. Malgré l’affluence, Héma-Québec assure que le nombre de donneurs présents est contrôlé pour se conformer à l’interdiction de tenir des rassemblements de plus de 250 personnes. Des mesures de désinfection des fauteuils de prélèvement ont aussi été déployées. Selon Laurent-Paul Ménard, le véritable enjeu d’Héma-Québec en est de constance : « Nous avons besoin de 1000 dons par jour puisque certains produits sanguins ne sont valables que pendant sept jours. [...] Il faut maintenant s’assurer qu’il y ait des dons tous les jours », conclut-il. Un autre appel de M. Legault, lancé dimanche, a été entendu : plus de 7000 personnes ont envoyé leur CV au ministère de la Santé pour donner un coup de main dans le réseau de la santé. Le premier avait sollicité les retraités et les personnes ayant de l’expérience ou une formation dans le domaine de la santé et de services sociaux.

Un conseil aux ados

François Legault a demandé aux Québécois d’éviter tout rassemblement qui n’est pas nécessaire, que l’on parle de 250, 100 ou 50 personnes, « peu importe ». « Il faut éviter la croissance de la contagion », a-t-il dit. Dans son langage toujours aussi coloré, le directeur national de la santé publique Horacio Arruda a conseillé aux ados de ne pas se réunir en grand groupe dans les sous-sols. « C’est peut-être le temps de reporter nos échanges de produits biologiques à un autre moment donné, je peux vous dire ça », a-t-il lancé.

Suspension des travaux à l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale va suspendre ses travaux mardi, jusqu’au 21 avril, en raison de la pandémie. Un accord en ce sens était en train d’être finalisé entre le gouvernement et les partis de l’opposition lundi. Mardi, un nombre minimal de députés sera requis, afin de respecter le quorum au Salon bleu. On les convoquera à 9 h, une heure plus tôt que la normale. « Ce qu’on souhaite, c’est adopter les crédits budgétaires nécessaires, disons, d’ici l’été rapidement, et ensuite de fermer l’Assemblée nationale », a indiqué François Legault. La Chambre des communes a pris la décision la semaine dernière de suspendre ses travaux.