(Rome) L’Italie vit son premier week-end d’isolement dans un silence lourd, juste interrompu samedi par une minute d’applaudissements pour les personnels soignants et des chansons au balcon comme des défis à la pandémie de coronavirus qui la frappe de plein fouet.

Selon le bilan publié samedi soir, ce sont désormais 1441 personnes qui ont été tuées par le coronavirus dans le pays, de loin le plus touché d’Europe. Plus de 21 000 Italiens ont été détectés positifs, dont 3500 lors des dernières 24 heures.

Nouvelles mesures, Milan et Rome ont fermé leurs parcs, jardins publics et aires de jeux pour éviter les rassemblements.

Au cœur de la Ville éternelle, les 80 hectares de la célèbre Villa Borghese restent toutefois accessibles aux rares joggeurs et promeneurs souvent accompagnés de leurs chiens, escortés par les cris des oiseaux, seuls à déchirer un étrange silence.

Même vide irréel au Vatican, près de la place Saint-Pierre fermée et gardée par la police, près du Colisée ou encore dans les ruelles d’ordinaire si animées du Trastevere dont les cloches devaient sonner dans la soirée. Les quelques bus qui passent sont quasiment vides, sous la grisaille de ce samedi.

Plusieurs autres villes du nord au sud comme Naples, Bologne, Pavie ou Pescara, ont également fermé leurs parcs. À Naples, les autorités ont prévenu qu’elles mettraient en quarantaine forcée ceux qui seraient dehors sans raison impérieuse ou professionnelle.

« À la maison, à la maison » -

Quelque 157 000 personnes ont été contrôlées et 7000 feront l’objet de poursuites pour ne pas avoir respecté les interdictions de rassemblement et restrictions aux déplacements, a annoncé samedi le ministère de l’Intérieur.

À Bari (Pouilles, Sud), le maire Antonio Decaro est allé en personne chasser d’un parc ses administrés réunis sous le soleil. « Vous ne pouvez pas rester là. On doit tous rester à la maison, c’est dangereux. À la maison, à la maison ! », l’entend-on dire sur une vidéo diffusée sur Twitter.

Si le Sud a été relativement épargné jusqu’à présent, le président des Pouilles, Michele Emiliano, ne cache pas son inquiétude, s’offusquant sur Facebook de la décision de personnes originaires de sa région de fuir le Nord où ils travaillent : « Vous nous apportez de nombreux autres foyers de contagion que nous aurions pu éviter ».

Dimanche, il n’y aura ni repas en famille ni messe, interdits. Comme chaque jour, celle du pape sera diffusée en direct.

Mais samedi soir, comme la veille, les Italiens sont retournés par milliers sur leurs balcons ou à leurs fenêtres pour chanter et jouer de la musique, quelques heures après avoir adressé une minute d’applaudissements aux personnels soignants. Ceux-ci sont épuisés, sous pression, surtout en Lombardie, la région de Milan, la plus touchée avec 966 morts.

Le principal quotidien de la région de Bergame, l’Eco di Bergamo, a publié onze pages de petites annonces de décès.

« L’Italie ne s’arrête pas »

« Les deux principaux problèmes sont les places, c’est-à-dire le nombre de lits, et le personnel. Il y a aussi un manque d’ambulances », a déclaré Giulio Gallera, un responsable du système de santé de Lombardie, région la plus riche d’Italie.

« L’Italie ne s’arrête pas », a affirmé le chef du gouvernement Giuseppe Conte lors d’une vidéoconférence avec les partenaires sociaux à qui il a annoncé la fourniture d’équipements de sécurité et de masques de protection.

Mais signes supplémentaires d’un pays en léthargie, Ferrari a annoncé l’arrêt pour deux semaines de la production de ses bolides dans ses usines de Maranello et Modène (centre), les élections régionales prévues au printemps devraient être reportées et le deuxième aéroport de Rome, Ciampino, a vu décoller le dernier avion avant sa fermeture, à destination de Nuremberg, en Allemagne.

Pour répondre aux inquiétudes pour la troisième économie d’Europe, le gouvernement doit présenter ce week-end un décret détaillant les mesures pour soutenir particuliers et entreprises : report du paiement des factures et de la TVA, moratoires sur le remboursement des prêts, assimilation de la quarantaine à un arrêt-maladie, …

À la mi-journée, le vice-ministre italien de la Santé Pierpaolo Sileri a annoncé sur Facebook qu’il avait été testé positif au nouveau coronavirus et qu’il s’était mis à l’isolement à son domicile.

Si le remplissage de ses avions ne permet pas d’assurer une séparation suffisante de ses voyageurs, Alitalia leur imposera dorénavant de porter un masque.