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On parle abondamment de baisses d’impôt avec des points de pourcentage. En chiffres, c’est quoi, au juste ? Ça représente quoi, disons sur un revenu de 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ ?

Gilles Frigon

Le ministre des Finances Eric Girard dévoilera son budget le 21 mars. Des baisses d’impôt risquent fort d’être au menu, même si les finances du Québec restent dans le rouge.

La Coalition avenir Québec (CAQ) semble déterminée à remplir sa promesse électorale de réduire d’un point de pourcentage le taux des deux premiers paliers d’imposition, dès 2023.

Cet allégement fiscal priverait les coffres de l’État d’environ 1,8 milliard de dollars par année, soit environ 1 % des revenus consolidés de la province. Beaucoup d’argent, donc.

Mais qu’est-ce que cela représente concrètement dans la poche des contribuables ?

Pour tous ceux qui gagnent moins de 17 183 $ par année, la réponse est simple : rien ! Jusqu’à ce niveau de revenu, il n’y a pas d’impôt à verser au provincial. Pas d’impôt, pas d’économie.

Mentionnons en aparté que 2,4 millions de Québécois, soit 36 % des contribuables, ne paient aucun impôt, un pourcentage légèrement inférieur à celui des autres provinces canadiennes. Il s’agit souvent d’étudiants ou de conjoints qui restent à la maison.

Penchons-nous maintenant sur ceux qui paient de l’impôt.

Sur la première tranche de revenus allant de 17 183 $ à 49 275 $, le taux d’imposition provincial s’établit présentement à 15 %. Il passe ensuite à 20 % sur la tranche de revenus allant de 49 275 $ à 98 540 $. En abaissant ces taux à 14 % et 19 % respectivement, la CAQ offrirait des économies d’impôt allant jusqu’à 814 $ par contribuable.

Pour avoir une idée plus précise des économies, nous avons demandé à Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY, de faire une simulation pour des salariés gagnant différents niveaux de revenus.

Par exemple, une personne à plus faible revenu, avec un salaire de 30 000 $ par année, économiserait seulement 113 $ d’impôt.

Une personne gagnant 60 000 $, non loin du salaire moyen d’un travailleur à temps plein au Québec, aurait droit à une économie de 410 $.

Et c’est à partir d’un salaire annuel d’environ 100 500 $ qu’un travailleur obtiendrait l’économie d’impôt maximale de 814 $.

On le voit, les économies seraient dirigées davantage vers les contribuables en haut de l’échelle. Certains diront que c’est de bonne guerre puisqu’ils paient davantage d’impôt.

Pour tout vous dire, les 20 % des contribuables qui déclarent les revenus les plus élevés au Québec (en 2017) ont empoché la moitié des revenus totaux (51 %) et ils ont versé près des trois quarts des impôts payés par l’ensemble de la population (71 %) au gouvernement du Québec1.

N’empêche, la CAQ pourrait moduler différemment son projet de baisses d’impôt, sans renier sa promesse, pour rendre la mesure plus optimale.

En fait, les baisses d’impôt devraient surtout viser les contribuables qui gagnent entre 20 000 $ et 80 000 $, car c’est dans cette fourchette que l’écart d’imposition avec nos voisins de l’Ontario est le plus flagrant, selon une étude récente de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke2.

On verra dans une dizaine de jours si la CAQ préfère accorder les baisses les plus généreuses aux mieux nantis ou à la classe moyenne.

1. Consultez le « Bilan de la fiscalité au Québec – Édition 2022 » 2. Consultez l’étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke