Le nouveau ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, voudrait que le projet de loi C-11 sur la radiodiffusion comporte un mécanisme de consultation obligatoire et officiel du Québec. Il l’a demandé à son homologue fédéral Pablo Rodriguez dans une lettre envoyée début février. Et il l’a répété à tous les micros lors d’une tournée médiatique, la semaine dernière.

C’est une bonne idée qui arrive un peu tard. Le projet de loi C-11 est en voie d’être adopté. L’intervention du ministre n’est pas vaine pour autant. La spécificité du Québec devra effectivement être reconnue dans la mise en œuvre de cette loi.

Cela dit, le ministre Mathieu Lacombe doit préciser ce qu’il souhaite obtenir exactement. Pour l’instant, il demeure vague. Sera-t-il à l’écoute des experts qui se sont exprimés à ce sujet au cours des derniers mois, et qui réclament une plus grande influence québécoise au sein de la prochaine mouture du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) ?

Le professeur de droit Pierre Trudel, entre autres, a plaidé pour de nouvelles règles qui assureraient une meilleure place aux créateurs francophones ainsi qu’à ceux issus de la diversité et des Premières Nations. Il a également souhaité que le CRTC soit plus sensible aux contenus francophones. Même son de cloche de la part d’Alain Saulnier, ancien patron de l’information à Radio-Canada et auteur de l’essai Les barbares numériques – Résister à l’invasion des GAFAM, qui verrait d’un bon œil que les nominations québécoises au CRTC soient approuvées par le gouvernement du Québec.

Le ministre Mathieu Lacombe aura besoin de tous les alliés qu’il croisera sur son chemin pour empêcher la culture québécoise d’être complètement engloutie dans l’océan numérique. Face aux géants, l’union fait la force.

Une énième confrontation avec Ottawa n’aiderait pas le Québec dans ce dossier où il vaut mieux miser sur la collaboration fédérale-provinciale. Ça tombe bien, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, connaît le Québec et il est à l’écoute. Profitons-en pour faire valoir notre point de vue et obtenir quelques garanties.

Mais il n’y a pas qu’à Ottawa que le ministre Mathieu Lacombe doit travailler fort. Il a du pain sur la planche au sein de son propre gouvernement. Le budget actuel alloué à la culture – 257 millions de dollars sur cinq ans – est insuffisant pour l’importance du rôle que doit jouer ce ministère.

Si Québec veut faire contrepoids aux géants du web, si la province veut produire des contenus originaux et mieux protéger sa culture distincte et, disons-le, fragile, il faut des investissements à la hauteur de ses ambitions.

Il faut également revoir de fond en comble notre politique culturelle qui doit être adaptée à la réalité numérique. Bonne nouvelle : le ministre Lacombe a l’intention de revoir le rôle et le fonctionnement de la SODEC, l’organisme qui coordonne l’aide financière aux entreprises culturelles québécoises. C’est un excellent point de départ.

En tournée médiatique, le ministre Mathieu Lacombe a beaucoup insisté sur la découvrabilité des contenus québécois francophones, soit la facilité avec laquelle on peut accéder aux contenus produits ici sur les grandes plateformes numériques comme Netflix et Spotify, pour ne nommer que ces deux-là.

Le Québec pourrait très bien s’inspirer des travaux de l’Union européenne, qui exige un quota de 30 % de ses productions sur l’ensemble des plateformes. C’est une avenue à explorer.

Mais Mathieu Lacombe a un travail encore plus fondamental à effectuer. Pour que les abonnés de ces plateformes consomment des contenus québécois, encore faut-il qu’ils en aient envie.

C’est le rôle du ministre de la Culture de mettre en place des mesures qui stimulent la créativité québécoise et la rendent accessible au plus grand nombre. Là aussi, la tâche est colossale.

On le sait, les jeunes délaissent la culture québécoise en français. Et on ne parle pas que des jeunes allophones et anglophones, trop souvent montrés du doigt. Les jeunes francophones de souche sont eux aussi séduits par la culture anglophone.

Il faut tenter de renverser la vapeur et intéresser davantage les jeunes aux créations d’ici.

Pour ce faire, le ministre Mathieu Lacombe aurait tout intérêt à collaborer plus étroitement avec son homologue de l’Éducation. Les goûts se forment à l’âge où on fréquente obligatoirement l’école. Voilà un endroit où il faut réinvestir en priorité pour former les publics de demain.

Mathieu Lacombe donne l’impression d’être un ministre ambitieux. Souhaitons qu’il profite de son passage à la Culture pour faire une vraie différence.