François Legault reconduit au pouvoir, il mettra en branle l’une de ses principales promesses : réduire les impôts des particuliers dès l’an prochain.

Coût de la mesure : 2 milliards de dollars par année. Les versements au Fonds des générations en seront réduits d’autant. Nous avons déjà qualifié ces baisses d’impôt d’« irresponsables ».

Lisez notre éditorial à ce sujet

Bien sûr, François Legault serait mal avisé de trahir sa promesse de baisser les impôts. Ce n’est pas ce que nous lui demandons.

Mais il est plus que temps de remettre le sujet d’une véritable réforme fiscale à l’ordre du jour. C’est d’autant plus important que la CAQ a déjà promis des baisses d’impôt supplémentaires si elle est réélue en 2026.

Si l’idée lui venait de devancer cette promesse lors de son mandat actuel, il serait bien d’avoir quelques éléments de réflexion en tête.

Ça tombe bien : une étude publiée vendredi par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke vient apporter de l’eau au moulin.

On y trouve un constat particulièrement intéressant : une majorité de Québécois est favorable à payer plus de taxes à la consommation si on baisse les impôts sur le revenu dans la même proportion. Il se trouve que les experts proposent cette avenue depuis longtemps. Et le contexte y sera particulièrement favorable au cours des prochaines années.

Consultez l’étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques

Pourquoi hausser la taxe de vente du Québec (TVQ) et baisser les impôts d’autant ? Ça peut avoir l’air de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Mais ce recalibrage comporte plusieurs avantages qu’on pourrait résumer simplement : moins décourager le travail et pénaliser un peu plus la consommation.

Ça n’a sans doute jamais été autant d’actualité.

Si vous croyez que la pénurie de main-d’œuvre fait mal actuellement, attachez vos tuques. Le vieillissement de la population s’accentuera jusqu’en 2030, faisant chuter la proportion de la population active. Il faudra trouver toutes sortes de façons d’inciter les gens à travailler. Moins imposer les revenus en fait partie.

En parallèle, nous affrontons une crise écologique largement alimentée par nos modes de vie axés sur la consommation. Les coûts environnementaux et même sociaux du t-shirt fabriqué au Bangladesh et vendu à 6,99 $ chez H&M sont très mal reflétés dans son prix. Hausser légèrement la TVQ permettrait de capter une partie de ces coûts indirects. Les Européens parlent beaucoup de « sobriété » pour lutter contre la crise climatique. Il faudra y venir nous aussi.

Vous voulez d’autres arguments ? Les économistes affirment que les taxes à la consommation sont moins dommageables à la croissance économique que les impôts sur le revenu.

Elles permettent aussi moins d’évasion fiscale. C’est pour ça que la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise recommandait en 2015 une hausse de la TVQ couplée à une baisse des impôts sur le revenu.

Attention : personne ne suggère de baisser brutalement les impôts de 10 % et de hausser la TVQ du même pourcentage. L’idée n’est pas de pousser les Québécois à aller magasiner à Plattsburgh, où les taxes à la consommation ne sont que de 8 %.

On parle d’un léger et graduel rééquilibrage afin que la fiscalité du Québec se rapproche de celles des pays comparables. Le Québec fait partie des États qui comptent le plus sur l’impôt sur le revenu des particuliers pour financer leurs services publics (35 % des recettes fiscales, contre 25 % dans la moyenne des pays de l’OCDE).

Les taxes à la consommation, au contraire, représentent une faible proportion des recettes fiscales (24 % ici, contre 32 % pour la moyenne de l’OCDE).

Bien sûr, il faudrait aider les moins nantis à affronter une TVQ plus gourmande. Mais le crédit à la solidarité existe déjà pour ça. On n’aurait qu’à le rehausser. Ceux qui s’inquiètent des injustices sociales doivent garder en tête que les riches consomment beaucoup plus que les pauvres et paieraient donc plus de taxes. C’est sans compter qu’une taxe donne plus de flexibilité au contribuable. S’il est difficile d’éviter l’impôt sur le revenu, il est possible de contourner les taxes en consommant moins, en épargnant ou en remboursant plus rapidement son hypothèque, par exemple.

Les fiscalistes le proposent. La population est prête. À quand un réajustement de notre assiette fiscale ?