Les politiciens disent tous la même chose, ne font que se lancer de la boue et ne parlent jamais des vrais enjeux.

Voilà le genre de commentaires qu’il est facile de tenir en campagne électorale. Trop facile.

Il faut dire que cette année, en particulier, on pouvait craindre le pire. La CAQ domine tellement dans les sondages que les élections semblent jouées d’avance. Au déclenchement de la campagne, le premier ministre sortant François Legault donnait l’impression de vouloir fuir les entrevues et d’adopter la stratégie de l’huître, bien caché dans sa coquille.

Bref, ça s’annonçait plate, plate, plate.

Et puis ?

Ça a effectivement mal commencé. La controverse entourant l’expression « cette madame » utilisée par M. Legault pour désigner Dominique Anglade n’augurait rien de très prometteur pour nos grands débats de société.

La Coalition avenir Québec, le Parti libéral, le Parti conservateur et Québec solidaire ont ensuite tous fait miroiter des bonbons sous forme de baisses d’impôt ou de taxes. Cela a laissé la désagréable impression que les chefs comptaient s’adresser au portefeuille des électeurs plutôt qu’à leur intelligence. Seul le Parti québécois a résisté à la tentation.

On peut comprendre ceux qui ont changé de poste. Mais depuis, ils ratent une bonne joute. Nous les incitons à se rebrancher. Parce que des propositions intéressantes sont bel et bien sur la table pendant cette campagne.

Il faut aussi être de mauvaise foi pour prétendre que tous les partis proposent les mêmes solutions et entretiennent la même vision du Québec. Au contraire !

Pour la première fois depuis 1976, cinq partis peuvent espérer faire élire des députés dans la province. Cette fragmentation a certes des effets pervers. Les sondeurs prédisent que la CAQ pourrait rafler une forte majorité de sièges avec une minorité de votes. Une telle distorsion est choquante, sachant que François Legault a renié sa promesse de réformer le mode de scrutin.

Mais au cours des derniers jours, la multiplication des partis a aussi montré qu’elle pouvait conduire à la multiplication des idées. Et avec les défis qu’affronte actuellement le Québec (du vieillissement de la population à l’urgence climatique en passant par l’état de nos systèmes de santé et d’éducation), des idées, on en a besoin.

Voyons une partie de ce qui est déjà sur la table.

En santé, Québec solidaire promet une assurance dentaire universelle. La CAQ propose de nouveaux « minihôpitaux » privés, relançant le complexe débat sur la place du privé en santé. Le PLQ ne démord pas de sa promesse d’offrir un médecin de famille à tous les Québécois.

Nos sociétés d’État ne sont pas en reste. Pendant que la CAQ lance l’idée de nouveaux barrages pour Hydro-Québec, le Parti conservateur veut privatiser la SAQ. Le Parti libéral souhaite créer une nouvelle société d’État consacrée à l’hydrogène vert. Québec solidaire, lui, lancerait Québec rail et Québec bus pour propulser le transport interurbain.

En environnement, des solutions audacieuses ont été avancées. On retient par exemple la proposition du Parti québécois d’obliger les concessionnaires à offrir 50 % de voitures électriques d’ici 2025 ou celle de Québec solidaire de taxer les véhicules les plus polluants.

Des projets de plusieurs milliards de dollars sont âprement débattus. Le troisième lien, que ce soit en version tunnel à la sauce CAQ ou en version pont comme le prône le PCQ, est mis en doute par les autres partis.

Le mégaprojet GNL Québec revient aussi dans l’actualité dans la foulée de la guerre en Ukraine. Il est soutenu par le Parti conservateur, et on comprend que certains ministres caquistes n’y sont pas défavorables.

Québec solidaire propose un véritable feu d’artifice de projets de transport en commun, dont une ligne mauve pour le métro de Montréal et un service rapide par bus pour relier Lévis à Québec.

En immigration, le débat a pris une vilaine tournure avec les amalgames faits par M. Legault cette semaine. Mais outre cela, chaque parti propose sa vision et ses seuils. Les propositions pour défendre le français sont aussi variées, tant en nature qu’en intensité.

La question nationale ne résonne plus comme avant. Mais le Parti québécois, en particulier, talonne François Legault sur son rapport de forces avec le fédéral.

Même les promesses fiscales, malgré leur caractère électoraliste, suscitent des débats légitimes. C’est le cas des sommes qu’on veut verser au Fonds des générations alors que la proportion de la dette en fonction du PIB diminue.

Des gargantuesques dépenses de QS à la vision minimaliste de l’État du PCQ, plusieurs visions sur le rôle du gouvernement entrent aussi en collision.

Pour l’instant, l’éducation semble la grande négligée de la campagne. Espérons qu’on y viendra.

Bien sûr, les nombreuses propositions n’ont pas toute la même valeur. Il est plus facile de promettre la Lune quand on n’a aucune chance d’être élu, et les électeurs doivent trier les mesures proposées selon leur probabilité d’être instaurées ou de réellement faire avancer le débat public.

Mais force est d’admettre que les idées fusent.

Étourdissant ? Peut-être. Plate ? Surtout pas !