Au hockey comme en politique, il faut être drôlement mordu pour regarder un match dont on connaît le pointage final à l’avance.

Malgré tout, on doit espérer que la campagne électorale qui s’amorce officiellement aujourd’hui saura captiver les électeurs, même si le résultat du scrutin semble écrit dans le ciel tellement la Coalition avenir Québec (CAQ) est toute-puissante.

Selon les récents sondages, la CAQ pourrait faire élire 97 députés (contre 76 aujourd’hui) et se retrouver avec 78 % des sièges, ce qui ne s’est pas vu depuis l’élection des libéraux en 1985. Et encore, à cette époque, l’opposition n’était pas complètement morcelée comme aujourd’hui.

Avec une telle position de force, le premier ministre François Legault a déjà commencé à « jouer la trappe », cette stratégie défensive que les équipes sportives utilisent pour protéger leur avance. Et qui donne une partie sans intérêt.

Cet été, François Legault est resté extrêmement discret, préférant demander à des partisans ou à des députés de chanter ses louanges dans des publicités mielleuses. Il a aussi refusé de participer à différents débats des chefs — débat sur l’environnement, débat des médias anglophones — qui sont pourtant des rendez-vous importants pour éclairer le grand public.

Afin d’éviter les pelures de bananes, on dirait malheureusement que François Legault suit le même plan d’action qui a permis au premier ministre Doug Ford de se faire réélire en Ontario, le printemps dernier, avec une majorité encore plus forte qu’à sa première victoire.

Sa recette ? Offrir des bonbons fiscaux aux électeurs et mener une campagne « plate » durant laquelle les candidats se sont enfargés dans des pseudocontroverses, comme les notes qu’ils avaient le droit ou pas de consulter lors du débat des chefs, au lieu de se focaliser sur des problèmes criants, comme la santé qui est en pleine déroute cet été.

Au bout du compte, Doug Ford a remporté une victoire peu glorieuse, fondée sur un taux de participation anémique (43 %).

Un œil au beurre noir pour la démocratie.

On ne veut pas en arriver là au Québec, où le taux de participation a déjà fondu de 15 points en un quart de siècle. Aux dernières élections, seuls les deux tiers des électeurs sont allés voter.

Si les partis veulent que les électeurs s’intéressent à la joute politique, c’est à eux de laisser la politicaillerie au vestiaire et de débattre des enjeux qui préoccupent vraiment la population.

Et des enjeux, ce n’est pas ça qui manque au Québec !

La santé arrive en tête de liste, la pandémie ayant fait ressortir toutes les failles d’un système qui a besoin d’un électrochoc.

Comment opérer un virage vers les soins à domicile pour les aînés ? Comment améliorer les soins de première ligne pour désengorger les urgences ? Faut-il faire davantage appel au privé ? Et la santé mentale dans tout ça ?

Allons ! Soyons imaginatifs : il est temps de réinventer la santé avant que le vieillissement de la population lui assène le coup de grâce.

Mais l’avenir du Québec passe par l’éducation, qui mérite tout autant d’attention. Il faut trouver une bonne fois pour toutes des façons de réduire le décrochage scolaire, particulièrement chez les garçons, un phénomène grave et propre au Québec.

L’environnement soulève également des questions urgentes. Au-delà des cibles faciles à lancer, tous les partis ont la responsabilité d’expliquer par quels moyens ils ont l’intention d’atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Avec l’inflation au plafond, les électeurs seront aussi très sensibles aux questions qui touchent leur portefeuille, notamment la crise du logement. Mais des baisses d’impôt — si séduisantes soient-elles — ne sont pas une avenue à privilégier, alors qu’une récession se dessine pour 2023, selon Desjardins, et que nos services publics craquent de partout.

À la place, demandons-nous comment améliorer la productivité déficiente au Québec et comment vaincre notre ennemie numéro un : la pénurie de main-d’œuvre. Cela ouvrira le débat sur les seuils d’immigration, la langue française, la laïcité…

Le débat, le dialogue, c’est ce qui garde une démocratie en santé. Allons, parlons-en. C’est le temps !

Chers lecteurs, vous êtes prêts ? Nous le sommes !

Tout au long de la campagne, l’équipe éditoriale de La Presse sera là pour aborder les grandes questions qui vous préoccupent.

Depuis déjà plusieurs années, La Presse ne prend pas position pour un parti en particulier, lors des élections. Nous ne l’avons pas fait depuis que La Presse vole de ses propres ailes, en tant que propriété d’un organisme à but non lucratif, soit depuis 2018. Nous ne le ferons pas plus cette fois-ci.

Mais cela ne veut pas dire que nous restons cantonnés dans la neutralité. Au contraire, la mission même de nos pages éditoriales est de prendre position sur les sujets chauds, au nom de l’institution qu’est La Presse.

Nous serons donc au rendez-vous pour fouiller et analyser les questions de l’heure. Pour mettre en relief les solutions constructives pour le Québec, peu importe de quel parti elles émergent, car personne n’a le monopole des bonnes idées. Et pour alimenter vos réflexions et vous permettre de faire votre croix au bon endroit, lors du prochain scrutin.

Ici, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision. Le meilleur choix, c’est le vôtre. Celui qui correspond le mieux à vos valeurs et à vos priorités.

À tous les électeurs, à tous les candidats, nous souhaitons une excellente campagne. Une vraie !